C'étoit un sublime & hardi Charlatan que ce
Mahomet, fils d'
Abdalla. Il dit dans dans son dixiéme chapitre:
quel autre que Dieu peut avoir composé l'Alcoran? on crie, c'est
Mahomet, qui a forgé ce livre.
Eh
bien tâchez d'écrire un chapitre qui lui ressemble & appellez à
votre aide qui vous voudrez. Au dix-septiéme il s'écrie:
Louange à celui qui a transporté pendant la nuit son
serviteur du sacré temple de la Meque à celui de Jerusalem. C'est
un assez beau voyage; mails il n'appproche pas de celui qu'il fit
cette nuit même de planete en planete, & des belles choses
qu'il y vit.Il prétendoit qu'il y avoit cinq cens années de chemin d'une planete à une
autre, & qu'il fendit la Lune en deux. Ses disciples, qui
rassemblérent solemnellement les Versets de son Koran après sa mort, retranchérent ce voyage du ciel.
Ils craignérent les railleurs & les Philosophes. C'étoit avoir trop
de délicatesse. Ils pouvoient s'en fier aux commentateurs, qui auroient
bien sû expliquer l'itineraire. Les amis de
Mahomet devoient savoir par experience, que le
merveilleux est la raison du Peuble. Les Sages contredisent en secret,
& le Peuble les fait taire. Mais en retranchant l'itineraire des
planetes on laissa quelques petits mots sur l'avanture de la Lune; on
ne peut pas prendre garde à tout.
Le Koran est une rapsodie sans liaison, sans
ordre, sans art; on dit pourtant, que ce livre ennuyeux est un fort
beau livre; je m'en rapporte aux Arabes, qui prétendent qu'il est
écrit avec une élégance & une pureté, dont personne n'a approché
depuis.C'est un poëme ou une espece de prose rimée, qui contient six mille
vers. Il n'y a point de Poëte dont la personne & l'ouvrage
ayent fait une telle fortune. On agita chez les Musulmans, si l'Alcoran étoit éternel, ou si Dieu l'avoit
crée pour le dicter à
Mahomet. Les
Docteurs decidérent, qu'il étoit éternel; ils avoient raison, cette
éternité est bien plus belle que l'autre opinion. Il faut toujours avec le
Vulgaire prendre le parti le plus incroyable.Les Moines, qui se sont déchaînés contre
Mahomet & qui ont dit tant de sottises sur son compte,
ont prétendu qu'il ne savoit pas écrire. Mais comment imaginer
qu'un homme, qui avoit été Négociant, Poëte, Legislateur
& Souverain, ne sût pas signer son nom! Si son livre est mauvais
pour notre tems & pour nous, il étoit fort bon pour ses
contemporains & sa religion encor meilleure. Il faut avouer, qu'il
retira presque toute l'Asie de l'idolatrie. Il enseigna l'unité de Dieu, il
déclamoit avec force contre ceux qui lui donnent des
associés. Chez lui l'usure avec les étrangers est defendue,
l'aumone ordonnée. La priere est d'une necessité absolue;
la resignation aux decrets éternels est le grand mobile de tout. Il étoit
bien difficile, qu'une religion si simple & si sage enseignée par
un homme toujours victorieux ne subjuguât pas une partie de la terre. En
effet, les Musulmans ont fait autant des Proselites par la parole que
par l'épée. Ils ont converti à leur Religion les Indiens &
jusqu'aux Négres. Les Turcs même leurs Vainqueurs se sont soumis à
l'Islamisme.
Mahomet laissa dans sa loi beaucoup de
choses qu'il trouva établies chez les Arabes, la circoncision, le
jeûne, le voyage de la Meque qui étoit en usage quatre mille ans avant
lui, les ablutions si nécessaires à la santé & à la propreté dans
un païs brûlant où le linge étoit inconnu, enfin l'idée
d'un jugement dernier que les Mages avoient toujours établie, & qui
étoit parvenue jusqu'aux Arabes. Il est dit, que comme il
annonçoit qu'on resusciteroit tout nu,
Aïshca sa femme trouva la chose
immodeste & dangereuse;
allez ma
Bonne, lui dit-il,
on n'aura par alors envie de
rire. Un Ange selon le Koran
doit peser les hommes & les femmes dans une grande balance. Cette
idée est encor prise des Mages. Il leur a volé aussi leur point aigu, sur
lequel il faut passer après la mort & leur Jannat, où les élus
Musulmans trouveront des bains, des appartemens bien meublés, de bons
lits & des ouris avec des grands yeux noirs. Il est vrai aussi
qu'il dit, que tous ces plaisirs des sens, n'approcheront pas du plaisir de
la contemplation de l'Etre supreme. Il a l'humilité d'avouer dans son Koran que lui même n'ira point en Paradis
par son propre mérite, mais par la pure volonté de Dieu. C'est aussi par
cette pure volonté divine qu'il ordonne que la cinquiéme partie des
depouilles sera toujours pour le Prophete.Il n'est pas vrai, qu'il exclue du Paradis les femmes. Il n'y a pas
d'apparence, qu'un homme aussi habile ait voulu se brouiller avec cette
moitié du genre humain, qui conduit l'autre.
Abulfeda rapporte, qu'une vieille l'importunant un
jour en lui demandant, ce qu'il falloit faire pour aller en Paradis,
m'amie, lui dit-il, le Paradis n'est pas pour les vieilles. La bonne femme
se mit à pleurer, & le Prophete pour la consoler, lui dit: il n'y
aura point de vieilles parce qu'elles rajeuniront. Cette doctrine
consolante est confirmée dans le 54 chapitre du Koran.
Il defendit le vin, parcequ'un jour quelques uns de ses Sectateurs
arrivérent à la priere étant yvres. Il permit la pluralité des femmes se
conformant en ce point à l'usage immemorial des Orientaux.En un mot, ses loix civiles sont bonnes. Son dogme est admirable en ce qu'il
a de conforme avec le nôtre; mais les moyens sont affreux, c'est la
fourberie & le meurtre.On l'excuse sur la fourberie, parceque, dit-on, les Arabes comptoient avant
lui cent vingt-quatre mille Prophetes, & qu'il n'y avoit pas grand
mal, qu'il y en parut un de plus. Les hommes, ajoute-t-on, ont besoin
d'être trompés. Mais comment justifier un homme qui vous dit:
crois que j'ai parlé à l'Ange Gabriel, ou je te tue.Combien est préférable un
Confucius le premier
des mortels qui n'ont point eu de révélation! Il n'employe que la
raison, & non le mensonge & l'épée. Vice-Roi d'une grande
Province il y fait fleurir la Morale & les Loix. Disgracié
& pauvre il les enseigne, il les pratique dans la grandeur
& dans l'abaissement, il rend la vertu aimable, il a pour disciple
le plus ancien & le plus sage des peuples.Le
Comte de Boulainvilliers, qui
avoit du goût pour
Mahomet, a beau me vanter les Arabes, il
ne peut empecher, que ce ne fut un Peuple de Brigands; ils
voloient avant
Mahomet en adorant
les étoiles, ils voloient sous
Mahomet au nom de Dieu. Ils avoient,
dit-on, la simplicité des tems héroïques: mais qu'est ce
que les siecles Puits & pour une Citerne, comme on fait
aujourd'hui pour une Province.Les premiers Musulmans furent animés par
Mahomet de la rage de l'enthousiasme. Rien n'est plus ter-rible qu'un peuple, qui n'ayant rien à perdre combat à la fois par
esprit de rapine & de religion.Il est vrai, qu'il n'y avoit pas beaucoup de finesse dans leurs procédés. Ce
contrât du premier mariage de
Mahomet porte qu'attendu que
Cadishca est
amoureuse de lui & lui pareillement amoureux d'elle, on a trouvé
bon de les conjoindre. Mais y a-t-il tant de simplicité à lui avoir
composé une Généalogie dans laquelle on le fait descendre d'Adam en droite
ligne, comme on a fait descendre depuis quelques maisons d'Espagne
& d'Ecosse. L'Arabie avoit son
Moreri
& son
Mercure galant.Le grand
Prophete essuya la disgrace commune à tant de maris; il n'y a
personne après cela qui puisse se plaindre. On connait le nom de
celui qui eut les faveurs de sa seconde femme la belle
Aïshca; il s'appelloit Assuan.
Mahomet se comporta avec plus de hauteur que
César qui
répudia sa femme, disant, qu'il ne falloit pas que la femme de
César fut soupçonnée. Le Prophete ne voulut pas
même soupçonner la sienne, il fit descendre du Ciel un chapitre du
Koran pour affirmer que sa femme étoit fidelle. Ce
chapitre étoit écrit de toute éternité aussi bien que tous les autres.On l'admire pour s'être fait de Marchand de chameaux Pontise,
Legislateur & Monarque, pour avoir soumis l'Arabie qui ne l'avoit
jamais été avant lui, pour avoir donné les premieres secousses à l'Empire
Romain d'Orient & à celui des Perses. Je l'admire encor pour
avoir entretenu la paix dans sa maison parmi des femmes. Il a changé la
face d'une partie de l'Europe, de la moitié de l'Asie, de presque toute
l'Afrique, & il s'en est bien peu fallu que sa religion n'ait
subjugué l'Univers.A quoi tiennent les revolutions? un coup de pierre un peu plus fort que
celui qu'il reçut dans son premier combat donnoit une autre
destinée au monde.
Son gendre
Ali
prétendit, que quand il fallut inhumer
le
Prophete, on le trouva dans un état qui n'est pas trop ordinaire aux
morts, & que sa Veuve
Aïshca
s'écrira:
si j'avois sû, que Dieu eût fait cette grace au deffunt, j'y
serois accourue à l'instant. On pouvoit dire de lui:
decet Imperatorem stantem mori.Jamais la vie d'un homme ne fut écrite dans un plus grand détail que la
sienne. Les moindre particularités en étoient sacrées; on sait le compte
& le nom de tout ce qui lui appartenoit, neuf épées, trois lances,
trois arcs, sept cuirasses, trois boucliers, douze femmes, un coq
blanc, sept chevaux, deux mules, quatre chameaux, sans compter la jument
Borac sur laquelle il monta au ciel. Mais il ne
l'avoit que par emprunt, elle appartenoit en propre à l'Ange Gabriel.Toutes ses paroles ont été recueillies. Il disoit, que
la
jouissance des femmes le rendoit plus fervent à la priere.En effet, pourquoi ne pas dire benedicité & graces au lit comme à
table? Une belle femme vaut bien un soupé. On prétend encor, qu'il étoit un
grand Medecin; ainsi il ne lui manqua rien pour tromper les hommes.