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1 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Mais afin que vous ne m'accuſiez pas de combattre des chimeres, je dois vous tranſcrire ici les maximes * Lettresſur Méla-nide.Paris,Merigot,1741.d'un Apologiſte de Mélanide*, cet te Comédie, ſi juſtement célebre, & dont j'aurai ſi ſouvent occaſion de vous parler dans la ſuite. „Pour- quoi, dit-il, voudroit-on défen dre à ſon Auteur de réunir dans le même ouvrage ce que le Comique a de plus fin, & tout ce que le Tra gique peut offrir de plus touchant? Blâme ce mélange qui voudra; pour moi, je m'en accommode très-bien; aimer le changement juſques dans les plaiſirs, c'eſt le goût de la nature. . . . . On paſſe d'un plaiſir à l'autre; on rit & l'on pleure tour à tour. Ce genre de Spectacle eſt nouveau, ſil'on veut; mais il a pour lui le ſuffrage de la raiſon & de la nature, l'autorité du beau ſexe, & les applaudiſſe mens du Public“.


2 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Mais ce n'eſt pas, ſi je l'oſe dire, la diminution & l'affoibliſſement de nos plaiſirs où l'inutilité d'une morale grave & triſtement ſententieu ſe, qu'on peut le plus légitimement reprocher au nouveau comique; ſon défaut principal eſt d'ôter les bornes qui ont toûjours ſéparéle Co- thurne du Brodequin (a), & de nous rappeller ainſi à l'eſpece monſtrueu- ſe du Tragi-comique, ſi juſtement proſcrite après pluſieurs années d'un triomphe impoſteur. Je ſais bien que le nouveau genre n'a point de traits auſſi biſarres; que la diſproportion des perſonnages n'eſt point auſſi révoltante, & que les Valetsn'y jouent pas avec les Princes: mais le fond en eſt également défectueux, quoi- que ce ſoit par des vices différens.

(a) Il ſemble qu'en France, depuis ſoixante ans, on ait oublié le ſecret de la bonne Comédie. On a perdu juſqu'a la trace de Moliere. On ne ſait plus établir & garder les différences qui ſé- parent la Comédie du genre tragique. Les deux ſtyles ſont maintenant confondus ſur notre Théa tre. Melpomene abandonne à Thalie ſa nobleſſe & ſa dignité. Donnez aux Acteurs des noms plus relevés; & de la plûpart de nos Comédies, vous ferez de vraies Tragédies, ou ce ſeront, ſi l'on veut, des Tragédies Bourgeoiſes, &c. Mémoires de Trévoux, Juillet 1748.

En effet, ſi le premier dégradoit des perſonnages héroïques, en ne leur donnant que des paſſions ſubal ternes, & s'il ne nous préſentoit que des tableaux de ces vertus commu nes, qui ne ſont point aſſez élevées pour l'Héroïſme de la Tragédie; le ſecond éleve des perſonnages communs à ce genre de ſentimens qui produit l'admiration, & les peint ſous les traits de cette pitié char mante qui fait l'appanage diſtinctif du Tragique. Ainſi le génie de l'une & de l'autre Scene paroiſſant égale ment oppoſé à l'eſſence convenue du Poëme comique, elles méritent une égale cenſure, & peut-être une égale proſcription.


3 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /

Warum wollte man, sagt er, einem Verfasser verwehren, in eben demselben Werke das Feinste, was das Lustspiel hat, mit dem Rührendsten, was das Trauerspiel darbiethen kann, zu verbinden. Es tadle diese Vermischung wer da will; ich, für mein Theil, bin sehr wohl damit zufrieden. Die Veränderungen sogar in den Ergötzungen lieben, ist der Geschmack der Natur = = = Man geht von einem Vergnügen zu dem andern über; bald lacht man, und bald weinet man. Diese Gattung von Schauspielen, wenn man will, ist neu; allein sie hat den Beyfall der Vernunft und der Natur, das Ansehen des schönen Geschlechts und die Zufriedenheit des Pu blicums sür sich.

4 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /

Doch die Verringerung und Swächung<Schwächung> unseres Vergnügens, oder die Unnützlichkeit einer ernsthaften und traurig spruchreichen Moral, ist Betrachtungen über das der gegründeste Vorwurf noch nicht, den man der neuen Art von Komödien machen kann: ihr vornehmster Fehler ist dieser, daß sie die Grenzen gar aufhebt, welche von je her das Tragische von dem Komischen getrennt haben, und uns jene ungeheure Gattung des Tragikomischen zurück bringet, welche man mit so vielem Grunde, nach verschiednen Jahren eines betrieglichen Triumphs, verworffen hat. Jch weis wohl, die neue Art hat bey weitem nicht so viele und grosse Ungereimtheiten; die Verschiedenheit ihrer Personen ist nicht so anstößig, und die Bedienten dürfen darinne nicht mit Prinzen zusammen spielen: allein im Grunde ist sie doch eben so fehlerhaft, ob schon auf eine veschiedne Weise. Denn wie die erstre Art die heroischen Personen erniedrigte, indem sie ihnen bloß gemeine Leidenschaften gab, und nur die gewöhnlichen Tugenden aufführte, die zu dem heldenmäßigen derTragödie lange nicht erhaben genug sind; eben so erhöhnt die andre die gemeinen Personen zu Gesinnungen, welche Bewunderung erwecken, und mahlt sie mit Zügen jenes reitzenden Mitleids, welches das unterscheidende Eigenthum des Trauerspiels ausmachet. Beyde sind also dem Wesen, welches man dem komischen Gedichte zugestanden hat, gleich sehr zuwider; beyde verdienen also einen gleichen Tadel, und vielleicht auch eine gleiche Verbannung.


5 - Discours de la tragedie /

OUtre les trois utilités du poëme dramatique dont j'ai parlé daus le discours précédent, la Tragédie a celle-ci de particuliére, que par la pitié & la crainteelle purge de semblables passions. Ce sont les termes dont Aristote se sert dans sa définition, & qui nous apprennent deux choses. L'une, qu'elle excite la pitié & lacrainte; l'autre, que par leur moyen ellepurge de semblables passions. Il explique la prémiere assez au long, mais il ne ditpas un mot de la derniére; & de toutesles conditions qu'il employe en cette définition, c'est la seule qu'il n'éclaircit point.Il témoigne toutefois dans le dernier chapitre de ses Politiques un dessein d'en parler sort au long dans ce traité, & c'est cequi fait que la plûpart de ses interprétes DE LA TRAGEDIE. 503 veulent que nous ne l'ayons pas entier, parce que nous n'y voyons rien du tout surcette matiere. Quoi qu'il en puisse être, jecroi qu'il est à propos de parler de ce qu'ila dit, avant que de faire effort pour deviner ce qu'il a voulu dire. Les maximesqu'il établit pour l'un pourront nous conduire à quelques conjonctures pour l'autre,& sur la certitude de ce qui nous demeure,nous pourrons fonder une opinion probable de ce qui n'est point venu jusqu'à nous.


6 - Discours de la tragedie /

Pour nous faciliter les moyens de fairenaître cette crainte, où Aristote semblenous obliger, il nous aide à choisir les personnes & les événemens, qui peuvent exciter l'une & l'autre. Sur quoi je suppose, 506 S ECOND DISCOURS.ce qui est très-véritable, que notre auditoire n'est composé, ni de méchans, ni deSaints, mais de gens d'une probité commune, & qui ne sont pas si sévérementretranchés dans l'exacte vertu, qu'ils ne soient susceptibles des passions, & capables des périls où elles engagent ceux qui leurdéférent trop. Cela supposé, examinonsceux que ce Philosophe exclud de la Tragédie, pour en venir avec lui à ceux dans lesquels il fait consister sa perfection.


7 - Discours de la tragedie /

J'avouerai plus. Si la purgation des passions se fait dans la Tragédie, je tiens qu'elle se doit faire de la maniére que je l'explique; mais je doute si elle s'y fait jamais,& dans celles-là mêmes qui ont les conditions que demande Aristote. Elles se ren- DE LA TRAGEDIE. 509 contrent dans le Cid, & en ont causé le grand succès: Rodrigue & Chiméne y ont cetteprobité sujette aux passions, & ces passionsfont leur malheur, puisqu'ils ne sont malheureux qu'autant qu'ils sont passionnésl'un pour l'autre. Ils tombent dans l'inféli- cité par cette foiblesse humaine dont noussommes capables comme eux; leur malheur fait pitié, cela est constant, & il ena coûté assez de larmes aux spectateurspour ne le point contester. Cette pitié nous doit donner une crainte de tomber dans unpareil malheur, & purger en nous ce tropd'amour qui cause leur infortune, & nousles fait plaindre; mais je ne sai si elle nousla donne, ni si elle le purge, & j'ai bienpeur que le raisonnement d'Aristote sur ce point ne soit qu'une belle idée, quin'ait jamais son effet dans la vérité. Jem'en rapporte à ceux qui en ont vû lesreprésentations; ils peuvent en demander compte au secret de leur cœur, & repasser sur ce qui les a touchés au Théatre, pourreconnoître s'ils en sont venus par là jusqu'à cette crainte réfléchie, & si elle arectifié en eux la passion qui a causé ladisgrace qu'ils ont plainte. Un des Interprétes d'Aristote veut qu'il n'aye parlé de cette purgation des passions dans la Tragédie, que parce qu'il écrivoit après Platon,qui bannit les Poëtes Tragiques de sa République, parce qu'ils les remuent trop for- 510 SECOND DISCOURS. tement. Comme il écrivoit pour le contredire, & montrer qu'il n'est pas à proposde les bannir des Etats bien policés, il avoulu trouver cette utilité dans ces agitations de l'ame, pour les rendre recommandables par la raison même, sur qui l'autrese fonde pour les bannir. Le fruit qui peutnaître des impressions que fait la force del'exemple, lui manquoit; la punition des méchantesactions, & la récompense des bonnes, n'étoient pas de l'usage de son siécle, comme nous les avons rendues de celui du nôtre; & n'y pouvant trouver uneutilité solide, hors celle des sentences & desdiscours didactiques, dont la Tragédie sepeut passer selon son avis, il en a substitué une, qui, peut-être, n'est qu'imaginaire.Du moins si pour la produire il faut lesconditions qu'elle demande, elles se rencontrent si rarement, que Robortel ne lestrouve que dans le seul Oedipe, & soutient que ce Philosophe ne nous les prescrit pas comme si nécessaires, que leurmanquement rende un Ouvrage défectueux;mais seulement comme des idées de la perfection des Tragédies. Notre siécle les avues dans le Cid, mais je ne sai s'il les avues en beaucoup d'autres; & si nous voulons rejetter un coup d'œil sur cette régle,nous avouerons que le succès a justifié beaucoup de piéces où elle n'est pas observée.


8 - Discours de la tragedie /

Cette explication se trouvera autoriséepar Aristote même, si nous voulons bienpeser la raison qu'il rend de l'exclusion deces événemens qu'il desaprouve dans la Tragédie. Il ne dit jamais, celui-là n'y est pas propre, parce qu'il n'excite que la pitié, & ne fait point naître de crainte; & cet autren'y est pas supportable, parce qu'il n'excite quede la crainte, & ne fait point naître de pitié;mais il les rebute, parce, dit-il, qu'ils n'excitent ni pitié ni crainte, & nous donne àconnoître par-là, que c'est par le manquede l'une & de l'autre qu'ils ne lui plaisent pas, & que s'ils produisoient l'une des deux, il ne leur refuseroit point son suffrage.L'exemple d'Oedipe qu'il allégue, me confirme dans cette pensée. Si nous l'encroyons, il a toutes les conditions requi- ses en la Tragédie; néanmoins son malheur n'excite que de la pitié, & je ne pensepas qu'à le voir représenter, aucun de ceuxqui le plaignent s'avise de craindre de tuerson pére, ou d'épouser sa mére. Si sa representation nous peut imprimer quelquecrainte, & que cette crainte soit capable depurger en nous quelque inclination blâmable, ou vicieuse, elle y purgera la curiositéde savoir l'avenir, & nous empêchera d'avoir recours à des prédictions, qui ne servent d'ordinaire qu'à nous faire cheoirdans le malheur qu'on nous prédit, par lessoins mêmes que nous prenons de les évi- DE LA TRAGEDIE. 515 ter; puisqu'il est certain qu'il n'eût jamaistué son pére, ni épousé sa mére, si sonpére & sa mére, à qui l'Oracle avoit prédit que cela arriveroit, ne l'eussent faitexposer de peur qu'il n'arrivât. Ainsi, non seulement ce seront Laïus & Jocaste qui feront naître cette crainte, mais elle ne naîtraque de l'image d'une faute qu'ils ont faitequarante ans avant l'action qu'on représente, & ne s'imprimera en nous que par unautre Acteur que le prémier, & par une action hors de la Tragédie.


9 - Discours de la tragedie /

C'est donc un grand avantage pour exciter la commisération que la proximité dusang, & les liaisons d'amour ou d'amitiéentre le persécutant & le persécuté, le poursuivant & le poursuivi, celui qui fait souffrir & celui qui souffre; mais il y a quel- que apparence que cette condition n'est pasd'une nécessité plus absolue que celles dontje viens de parler, & qu'elle ne regarde queles Tragédies parfaites, non plus que cellelà. Du moins les Anciens ne l'ont pas toujours observée; je ne la vois point dans l'A- jax de Sophocle, ni dans son Philoctéte;& qui voudra parcourir ce qui nous reste 520 SECOND DISCOURS. d'Æschyle & d'Euripide, y pourra rencontrer quelques exemples à joindre à ceux-ci.Quand je dis que ces deux conditions nesont que pour les Tragédies parfaites, jen'entens pas dire que celles où elles ne serencontrent point soient imparfaites: ce seroit les rendre d'une nécessité absolue, & me contredire moi-même. Mais par ce motde Tragédies parfaites, j'entens celles dugenre le plus sublime & le plus touchant;en sorte que celles qui manquent de l'unede ces deux conditions, ou de toutes lesdeux, pourvû qu'elles soient réguliéres àcela près, ne laissent pas d'être parfaites enleur genre, bien qu'elles demeurent dansun rang moins élevé, & n'approchent pas de la beauté & de l'éclat des autres, si elles n'en empruntent de la pompe des vers, oude la magnificence du spectacle, ou de quelqu'autre agrément qui vienne d'ailleurs quedu sujet.


10 - Discours de la tragedie /

Dans ces actions tragiques qui se passententre proches, il faut considérer si celui quiveut faire périr l'autre, le connoit, ou nele connoit pas, & s'il achéve, ou n'achéve pas. La diverse combinaison de ces deux maniéres d'agir, forme quatre sortes deTragédies, à qui notre Philosophe attribuedivers degrés de perfection. On connoit celui qu'on veut perdre, & on le fait périr eneffet, comme Médée tue ses enfans, Clytemnestre son mari, Oreste sa mére; & la moindre DE LA TRAGEDIE. 521 espéce est celle-là. On le fait périr sans leconnoître, & on le reconnoit avec déplaisir a- près l'avoir perdu; & cela, dit-il, ou avantla Tragédie, comme Oedipe, ou dans la Tragédie, comme l'Alcmæon d'Astydamas, & Télegonus dans Ulysse blessé, qui sont deux piéces que le temps n'a pas laissé venir jusqu'ànous; & cette seconde espéce a quelquechose de plus élevé selon lui que la prémiére.La troisiéme est dans le haut degré d'excellence, quand on est prêt de faire périr un de ses proches sans le connoítre, & qu'on le reconnoit assez tôt pour le sauver, comme Iphigénie reconnoit Oreste pour son frére, lorsqu'elle devoit le sacrifier à Diane, & s'enfuit avec lui.Il en cite encore deux autres exemples, deMérope dans Cresphonte, & de Hellé,dont nous ne connoissons ni l'un ni l'autre.Il condamne entiérement la quatriéme espéce de ceux qui connoissent, entreprennent & n'achévent pas, qu'il dit avoir quelque chose de méchant, & rien de tragique, & endonne pour exemple Æmon, qui tire l'épée contre son pére dans l'Antigone, & ne s'en sert que pour se tuer lui - même. Mais sicette condamnation n'étoit modifiée, elles'étendroit un peu loin, & envelopperoitnon seulement le Cid, mais Cinna, Rodogune, Héraclius & Nicoméde.


11 - Discours de la tragedie /

Ce n'est pas démentir Aristote, que del'expliquer ainsi favorablement, pour trouver dans cette quatriéme maniére d'agirqu'il rebute, une espéce de nouvelle Tragédie plus belle que les trois qu'il recommande, & qu'il leur eût sans doute préférée, s'il l'eût connue. C'est faire honneurà notre siécle, sans rien retrancher de l'autorité de ce Philosophe; mais je ne sai comment faire pour lui conserver cette autorité, & renverser l'ordre de la préférence qu'il établit entre ces trois espéces. Cependant jepense être bien fondé sur l'expérience, àdouter si celle qu'il estime la moindre destrois, n'est point la plus belle, & si cellequ'il tient la plus belle, n'est point la moin- 524 SECOND DISCOURS. dre. La raison est que celle-ci ne peut exciter de pitié. Un pére y veut perdre sonfils sans le connoître, & ne le regarde quecomme indifférent, & peut - être commeennemi. Soit qu'il passe pour l'un ou pourl'autre, son péril n'est digne d'aucune commisération selon Aristote même, & ne fait naître en l'auditeur qu'un certain mouvement de trépidation intérieure, qui le porte à craindre que ce fils ne périsse avantque l'erreur soit découverte, & à souhaiterqu'elle se découvre assez tôt pour l'empêcher de périr: ce qui part de l'intérêt qu'onne manque jamais à prendre dans la fortune d'un homme assez vertueux pour se faire aimer; & quand cette reconnoissance arrive, elle ne produit qu'un sentiment de conjouïssance de voir arriver la chose comme on le souhaitoit.


12 - Discours de la tragedie /

Je n'ose décider si absolument de la seconde espéce. Qu'un homme prenne querelle avec un autre, & que l'ayant tué ilvienne à le reconnoître pour son pére, ou pour son frére, & en tombe au desespoir, cela n'a rien que de vraisemblable, & par conséquent on le peut inventer: mais d'ailleurs, cette circonstance de tuer son pére ouson frére, sans le connoître, est si extraordinaire, & si éclatante, qu'on a quelque droitde dire que l'Histoire n'ose manquer à s'ensouvenir, quand elle arrive entre des personnes illustres, & de refuser toute croyance à de tels événemens, quand elle ne lesmarque point. Le Théatre ancien ne nous DE LA TRAGEDIE. 529 en fournit aucun exemple qu'Oedipe, & je ne me souviens point d'en avoir vû aucunautre chez nos Historiens. Je sai que cetévénement sent plus la Fable que l'Histoire,& que par conséquent il peut avoir été inventé, ou en tout, ou en partie; mais la Fable & l'Histoire de l'antiquité sont si mêlées ensemble, que pour n'être pas en périld'en faire un faux discernement, nous leurdonnons une égale autorité sur nos théatres.Il suffit que nous n'inventions pas ce quide soi n'est point vraisemblable, & qu'étant inventé de longue main, il soit devenu si bien de la connoissance de l'auditeur,qu'il ne s'effarouche point à le voir sur lascéne. Toute la métamorphose d'Ovide est manifestement d'invention: on peut en tirer des sujets de Tragédie, mais non pasinventer sur ce modéle, si ce n'est des épisodes de même trempe. La raison en est,que bien que nous ne devions rien inventer que de vraisemblable, & que ces sujetsfabuleux, comme Androméde & Phaëton,ne le soient point du tout, inventer des épisodes, ce n'est pas tant inventer, qu'ajoû- ter à ce qui est déja inventé; & ces épisodes trouvent une espéce de vraisemblance,dans leur rapport avec l'action principale,en sorte qu'on peut dire que supposé quecela se soit pû faire, il s'est pû faire com- me le Poëte le décrit.


13 - Discours de la tragedie /

Cette liberté du Poëte se trouve encoreen termes plus formels dans le vingt - cinquiéme Chapitre, qui contient les excuses,ou plutôt les justifications dont il se peut servir contre la censure. Il faut, dit-il, qu'ilsuive un de ces trois moyens de traiter les choses, & qu'il les représente ou comme elles ontété, ou comme on dit qu'ellés ont été, ou comme elles ont dû être: par où il lui donne le choix, ou de la vérité historique, oude l'opinion commune sur quoi la Fable estfondée, ou de la vraisemblance. Il ajoûte eusuite: Si on le reprend de ce qu'il n'a pasécrit les choses dans la vérité, qu'il réponde qu'il les a écrites comme elles ont dû être: sion lui impute de n'avoir fait ni l'un ni l'autre, qu'il se défende sur ce qu'en publie l'opinion commnne, comme en ce qu'on raconte desDieux, dont la plus grande partie n'a rien de véritable. Et un peu plus bas: Quelquefoisce n'est pas le meilleur qu'elles se soient passées de la maniére qu'il décrit, néanmoins elles se sont passées effectivement de cette maniére, & par conséquent il est hors de faute. Ce dernier passage montre que nous ne sommes point obligés de nous écarter de la vérité, pour donner une meilleure forme auxactions de la Tragédie par les ornemens de DE LA TRAGEDIE. 539 la vraisemblance, & le montre d'autant plus fortement, qu'il demeure pour constantpar le second de ces trois passages, que l'opinion commune suffit pour nous justifier,quand nous n'avons pas pour nous la véri- té, & que nous pourrions faire quelque chose de mieux que ce que nous faisons,si nous recherchions les beautés de cettevraisemblance. Nous courons par - là quelque risque d'un plus foible succès, mais nous ne péchons que contre le soin quenous devons avoir de notre gloire, & nonpas contre les régles du Théatre.


14 - Discours de la tragedie /

Je ne pense pas que dans la Comédie lePoëte ait cette liberté de presser son action, par la nécessité de la réduire dans l'unité de jour. Aristote veut que toutes les actions qu'il y fait entrer soient vraisemblables, & n'ajoûte point ce mot, ou nécessaires, comme pour la Tragédie. Aussi la différence est assez grande entre les actionsde l'une & celles de l'autre. Celles de laComédie partent de personnes communes,& ne consistent qu'en intrigues d'amour,& en fourberies, qui se développent si aisément en un jour, qu'assez souvent chezPlaute & chez Térence le temps de leurdurée excéde à peine celui de leur représentation. Mais dans la Tragédie les affaires publiques sont mêlées d'ordinaire avec les intérêts particuliers des personnes illustres qu'on y fait paroître: il y entre desbatailles, des prises de villes, de grands périls, des révolutions d'Etats, & tout celava mal-aisément avec la promptitude que la régle nous oblige de donner à ce qui sepasse sur la Scéne.


15 - Discours de la tragedie /

Aristote veut que la Tragédie bien faitesoit belle & capabl de plaire, sans le secoursdes Comédiens, & hors de la représentation. Pour faciliter ce plaisir au Lecteur,il ne faut non plus gêner son esprit, quecelui du Spectateur; parce que l'effort qu'il est obligé de se faire pour la concevoir, & se la représenter lui-même dans son esprit,diminue la satisfaction qu'il en doit recevoir. Ainsi je serois d'avis que le Poëte prîtgrand soin de marquer à la marge les menues actions qui ne méritent pas qu'il en charge ses vers, & qui leur ôteroient même quelque chose de leur dignité, s'il seravaloit à les exprimer. Le Comédien ysupplée aisément sur le Théatre, mais surle livre on seroit assez souvent réduit à deviner, & quelquefois même on pourroit deviner mal, à moins que d'être instruit parlà de ces petites choses. J'avoue que cen'est pas l'usage des Anciens, mais il fautm'avouer aussi, que faute de l'avoir pratiqué ils nous laissent beaucoup d'obscurités dans leurs poëmes, qu'il n'y que les maitres de l'art qui puissent développer; encore ne sai je s'ils en viennent à bout, toutesles fois qu'ils se l'imaginent. Si nous nousassujettissions à suivre entiérement leur méthode, il ne faudroit mettre aucune distinction d'Actes, ni de Scénes, non plus que 574 TROISIE'ME DISCOURS. les Grecs. Ce manque est souvent causeque je ne sai combien il y a d'Actes dansleurs piéces, ni si à la fin d'un Acte un Acteur se retire pour laisser chanter le chœur, ou s'il demeure sans action cependant qu'ilchante; parce que ni eux, ni leurs interprétes, n'ont daigné nous en donner un motd'avis à la marge.