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61 - Fils naturelle /

Si je le veux! .... Si Clairville pouvoit lire au fond de mon ame! .... Mais j'ai satisfait à ce que vous exigiez.


62 - Fils naturelle /

Cette tristesse m'agite, me confond, &porte mon esprit sur toutes sortes d'idées. Un peu plus de confiance de votre part, m'en épargneroit beaucoup de fausses.... Mon ami, vous n'avez jamais eu d'ouverture avec moi... Dorval ne connoît point ces doux épanche mens .... son ame renfermée .... Mais enfin vous aurois - je compris? Auriez - vous appréhendé que, privé par un second mariage de Constance de la moitié d'une fortune, à la vérité peu considérable, mais qu'on me croyoit assurée, je ne fusse plus assez riche pour épouser Rosalie?


63 - Fils naturelle /

Que devint alors mon maître? Des larmes couloient de ses yeux. Il poussoit de profonds DRAME. 69 soupirs. Il tournoit ses regards, il étendoit ses bras, son ame sembloit s'élancer vers le rivage d'où nous nous éloignions. Mais à peine les eûmes-nous perdus de vue, que ses yeux se sécherent; son cœur se serra; sa vue s'attacha sur les eaux, il tomba dans une douleur sombre & morne, qui me fit trembler pour sa vie. Je lui présentai plusieurs fois du pain & de l'eau, qu'il repoussa.


64 - Fils naturelle /

Avec des richesses, serois-je moins à plain- dre? .... C'est dans une ame innocente & tranquille que le bonheur habite; & cette ame, Justine, je l'avois!


65 - Fils naturelle /

Mais auriez-vous cette crainte, si vous pensiez que l'effet de la vertu sur notre amen'est ni moins nécessaire, ni moins puissant que celui de la beauté sur nos sens. Qu'il est DRAME. 97 dans le cœur de l'homme un goût de l'ordre, plus ancien qu'aucun ressentiment réfléchi; que c'est ce goût qui nous rend sensibles à la honte; la honte qui nous fait redouter le mépris au-delà même du trépas; que l'imitation nous est naturelle, & qu'il n'y a point d'exemple qui captive plus fortement que celui de la vertu, pas même l'exemple du vice ..... Ah! Dorval, combien de moyens de rendre les hommes bons!


66 - Fils naturelle /

Je connois les maux que le fanatisme a causés, & ceux qu'il en faut craindre ...... Mais s'il paroissoit aujourd'hui ..... parmi nous .... un monstre, tel qu'il en a produit dans les tems de ténebres, où sa fureur & ses illusions arrosoient de sang cette terre ... qu'on vît ce monstre s'avancer au plus grand des crimes, en invoquant le secours du Ciel .... &, tenant la loi de son Dieu d'une main, & de l'autre un poignard, préparer aux peuples de longs regrets ..... croyez, Dorval, qu'on en auroit autant d'étonnement que d'horreur .... Il y a sans doute encore des barbares; & quand n'y en aura-t-il plus? Mais les tems de barbarie sont passés. Le siécle s'est éclairé. La raison s'est épurée. Ses préceptes remplissent les ouvrages de la nation. Ceux où l'on inspire aux hommes la bienveillance générale, sont presque les seuls qui soient lus. Voilà les leçons dont nos théâtres retentissent, & dont ils ne peuvent retentir trop souvent. Et le Philosophe, dont vous m'avez rappellé les vers, doit principalement ses succès aux sentimens d'humanité qu'il arépandus dans ses Poëmes, & au pou- DRAME. 99 voir qu'ils ont sur nos ames. Non, Dorval,un peuple qui vient s'attendrir tous les jours sur la vertu malheureuse, ne peut être ni méchant, ni farouche. C'est vous-même; ce sont les hommes qui vous ressemblent, que la Nation honore, & que le Gouvernement doit protéger plus que jamais, qui affranchi ront vos enfans de cette chaine terrible dont votre mélancolie vous montre leurs mains innocentes chargées.


67 - Fils naturelle /

S'il s'afflige, c'est du moins sans contrainte. Son ame honnête peut montrer toute sa dou leur ..... Et nous, honteux de nos sentimens, nous n'osons les confier à personne; nous nous les cachons ... Dorval & Rosalie, contens d'échapper aux soupçons, sont peutêtre assez vils pour s'en applaudir en secret....


68 - Fils naturelle /

Vous rougissez. Vous baissez les yeux ... Quoi donc? Seriez-vous offensée qu'il y eût dans la nature quelque chose pour moi de 120 LE FILS NATUREL, plus sacré que vous? Voudriez-vous me revoir encore dans ces instans humilians & cruels, où vous me méprisiez sans doute, où je me haïssois, où je craignois de vous rencontrer, où vous trembliez de m'entendre, & où nos ames flottantes entre le vice & la vertu, étoient déchirées? ...


69 - Fils naturelle /

Ce jour, Dorval avoit tenté, sans succès, de terminer une affaire qui divisoit depuis long-tems deux familles du voisinage, & qui pouvoit ruiner l'une & l'autre. Il en étoit chagrin, & je vis que la disposition de son ame alloit répandre une teinte obscure sur notre entretien. Cependant je lui dis:


70 - Fils naturelle /

Si j'osois, je vous demanderois gracepour les soubrettes. Il me semble que les 142 DE LA POÉSIE jeunes personnes, toujours contraintes dans leur conduite & dans leurs discours, n'ont que ces femmes à qui elles puissent ouvrir leur ame, confier des sentimensqui la pressent, & que l'usage, la bien séance, la crainte & les préjugés y tiennent renfermés

71 - Fils naturelle /

Il m'entendit, & me répondit d'une voix altérée. Il est vrai. C'est ici qu'on voit la na- DRAMATIQUE. 159 ture. Voici le séjour sacré de l'enthousiasme. Un homme a-t-il reçu du génie: il quitte la ville & ses habitans. Il aime, selon l'attrait de son cœur, à mêler ses pleurs au crystald'une fontaine; à porter des fleurs sur un tombeau; à fouler d'un pied léger l'herbe tendre de la prairie; à traverser à pas lents des campagnes fertiles; à contempler les travaux des hommes; à fuir au fond des forêts: il aime leur horreur secrette; il erre; il cherche un antre qui l'inspire. Qui est-ce qui mêle sa voix au torrent qui tombe de la mon tagne? Qui est-ce qui sent le sublime d'un lieu désert? Qui est-ce qui s'écoute dans le silence de la solitude? C'est lui. Notre poëte habite sur les bords d'un lac. Il promene sa vue sur les eaux, & son génie s'étend C'est-là qu'il est saisi de cet esprit tantôt tranquille,& tantôt violent, qui souleve son ame ouqui l'appaise à son gré .... O Nature, tout ce qui est bien est renfermé dans ton sein! Tu es la source féconde de toutes vérités!.... Il n'y a dans ce monde que la vertu & la vérité qui soient dignes de m'occuper ..... L'enthousiasme naît d'un objet de la nature. Si l'esprit l'a vu sous des aspects frappans &divers, il en est occupé, agité, tourmenté. 160 DE LA POÉSIE L'imagination s'échauffe. La passion s'émeut. On est successivement étonné, attendri, indigné, courroucé. Sans l'enthousiasme, ou l'idée véritable ne se présente point, ou, si par hafard on la rencontre, on ne peut la poursuivre ..... Le poëte sent le moment de l'enthousiasme. C'est après qu'il a médité. Il s'annonce en lui par un frémissement qui part de sa poitrine, & qui passe d'une maniere délicieuse & rapide jusqu'aux extrémités de son corps. Bientôt ce n'est plus un frémissement: c'est une chaleur forte & permanente qui l'embrâse, qui le fait haleter, qui le consume, qui le tue; mais qui donne l'ame, la vie à tout ce qu'il touche. Si cette chaleur s'accroissoit encore, les spectres se multiplieroient devant lui: sa passion s'éleveroit presqu'au degré de la fureur: il ne connoîtroit de soulagement qu'à verser au-dehors un torrent d'idées qui se pressent, se heurtent & se chassent.


72 - Fils naturelle /

Heureusement une actrice d'un jugement borné, d'une pénétration commune, mais d'une grande sensibilité, saisit sans peine une situation d'ame, & trouve, sans y penser, l'accent qui convient à plusieurs sentimens différens qui se fondent ensemble, & qui constituent cette situation que toute la saga cité du philosophe n'analyseroit pas.


73 - Fils naturelle /

Je voudrois bien (dit-il d'abord) persuader à ces esprits timides qui ne connoissent rien au-delà de ce qui est, que, si les choses étoient autrement, ils les trouveroient également bien; & que, l'autorité de la raison n'étant rien devant eux, en comparaison de l'autorité du tems, ils approuveroient ce qu'ils reprennent, comme il leur est souvent DRAMATIQUE. 181 arrivé de reprendre ce qu'ils avoient approuvé .... Pour bien juger dans les beaux arts, il faut réunir plusieurs qualités rares ... Un grand goût suppose un grand sens, une lon gue expérience, une ame honnête & sensi ble, un espritélevé, un tempérament un peu mélancolique, & des organes délicats...


74 - Fils naturelle /

Telle fut, ou put être, autrefois la scène des Euménides d'Eschyle. D'un côté, c'étoit un espace sur lequel les Furies, déchaînées, cherchoient Oreste qui s'étoit dérobé à leur poursuite, tandis qu'elles étoient assoupies. De l'autre, on voyoit le coupable, le front ceint d'un bandeau, embrassant les pieds de la statue de Minerve, & implorant son assistance. Ici, Oreste adresse sa plainte à la Déesse. Là, les Furies s'agitent; elles vont, 182 DE LA POÉSIE elles viennent, elles courent. Enfin, une d'entr'elles s'écrie: Voici la trace du sang que le parricide a laissé sur ses pas .... Je le sens .... Je le sens .... Elle marche. Ses sœurs impitoyables la suivent: elles passent de l'endroit où elles étoient, dans l'asyle d'Oreste: elles l'environnent en poussant descris, en frémissant de rage, en secouant leurs flambeaux. Quel moment de terreur & de pitié, que celui où l'on entend la priere & les gémissemens du malheureux percer à travers les cris & les mouvemens effroyables des êtres cruels qui le cherchent! Exécuterons-nous rien de pareil sur nos théâtres? On n'y peut jamais montrer qu'une action, tan dis que, dans la nature, il y en a presque toujours de simultanées, dont les représentations concomitantes se fortifiant réciproquement, produiroient sur nous des effets terribles. C'est alors qu'on trembleroit d'aller au spectacle, & qu'on ne pourroit s'en empêcher;c'est alors qu'au lieu de ces petites émotions passageres, de ces froids applaudissemens, de ces larmes rares dont le poete se contente, il renverseroit les esprits, il porteroit dans les ames le trouble & l'épouvante; & que l'on verroit ces phénomenes de la tragédieDRAMATIQUE. 183 ancienne, si possibles & si peu crus, se renouveller parmi nous. Ils attendent, pour se montrer, un homme de génie qui sache com biner la pantomime avec le discours; entremêler une scène parlée avec une scène muette; & tirer parti de la réunion des deux scènes,& sur-tout de l'approche ou terrible, oucomique de cette réunion, qui se seroit toujours. Après que les Euménides se sont agitées sur la scène, elles arrivent dans le sanctuaire, où le coupable s'est réfugié, & les deux scènes n'en font qu'une.


75 - Fils naturelle /

Je définis la vertu: le goût de l'ordre dans les choses morales. Le goût de l'ordre en général, nous domine dès la plus tendre en fance. Il est plus ancien dans notre ame, me disoit Constance, qu'aucun sentiment réfléchi; & c'est ainsi qu'elle m'opposoit à moi-DRAMATIQUE. 201 même. Il agit en nous, sans que nous nous en appercevions: c'est le germe de l'honnê teté & du bon goût: il nous porte au bien, tant qu'il n'est point gêné par la passion: il nous suit jusques dans nos écarts. Alors il dispose les moyens, de la maniere la plus avantageuse pour le mal. S'il pouvoit jamais être étouffé, il y auroit des hommes qui sentiroient le remords de la vertu, comme d'autres sentent le remords du vice. Lorsque je vois un scélérat capable d'une action héroïque, je demeure convaincu que les hommes de bien sont plus réellement hommes de bien, que les méchans ne sont vraiment méchans; que la bonté nous est plus indivisiblement attachée que la méchanceté; & qu'en général il reste plus de bonté dans l'ame d'un méchant, que de méchanceté dans l'ame des bons.