16 - Reflexions sur comique-lamoryant /
A la vûe de ce noble eſſor, il étoit naturel de penſer que la Co- médie reſteroit dans le degré de gloire où elle étoit enfin parvenue, ou du moins qu'on feroit tous ſes efforts pour ne pas dégénérer. Mais eſt-il des Lois, des Coûtumes, des conventions qui puiſſent réſiſter aux caprices de la nouveauté & fixer le goût de cette impérieuſe Déeſſe? L'autorité de Moliere, & plus en- core le ſentiment du vrai, obligerent en quelque ſorte pluſieurs de ſes ſucceſſeurs à marcher ſur ſes tra ces, & lui font encore aujourd'hui trouver d'illuſtres Diſciples. Mais la plus grande partie de nos Auteurs, ceux même à qui la nature a donné le plus de talens, croyent pouvoir abandonner un modele auſſi utile, & s'efforcent à l'envi de ſe faire un nom qui ne doive rien à l'imitation ni des Anciens ni des Modernes.
17 - Reflexions sur comique-lamoryant /
Mais afin que vous ne m'accuſiez pas de combattre des chimeres, je dois vous tranſcrire ici les maximes * Lettresſur Méla-nide.Paris,Merigot,1741.d'un Apologiſte de Mélanide*, cet te Comédie, ſi juſtement célebre, & dont j'aurai ſi ſouvent occaſion de vous parler dans la ſuite. „Pour- quoi, dit-il, voudroit-on défen dre à ſon Auteur de réunir dans le même ouvrage ce que le Comique a de plus fin, & tout ce que le Tra gique peut offrir de plus touchant? Blâme ce mélange qui voudra; pour moi, je m'en accommode très-bien; aimer le changement juſques dans les plaiſirs, c'eſt le goût de la nature. . . . . On paſſe d'un plaiſir à l'autre; on rit & l'on pleure tour à tour. Ce genre de Spectacle eſt nouveau, ſil'on veut; mais il a pour lui le ſuffrage de la raiſon & de la nature, l'autorité du beau ſexe, & les applaudiſſe mens du Public“.
18 - Reflexions sur comique-lamoryant /
La maniere du Théatre (a) La tin ne leur eſt pas plus favorable. Ce n'eſt point l'attendriſſement du cœur qui fait l'objet des Comédies de Plaute: aucunes de ſes fables, au cuns de ſes incidens, aucuns de ſes caracteres, ne ſont deſtinés à nous faire verſer des pleurs. Il eſt vrai
(a) On ne parle ici du Théatre Latin, que re lativement aux deux Auteurs qui nous reſtent. Perſonne n'ignore que les Romains avoient deux eſpeces de Comédies: la Greque, Palliata; & la Romaine, Togata; & que celle-ci ſe ſubdiviſoit en core en quatre claſſes, nommées Prætextata, Ta bernaria, Attelana, & Planipes. Dubos, Réflexions Critiques, tom. 1, ch. 21.
qu'on trouve dans Térence quelques Scenes touchantes; par exemple, celles où Pamphile* expoſe ſes ten-* Voyezl'Andrien-ne, Acte1. Scene6. dres inquiétudes pour Glycérion, qu'il a ſéduite: mais la poſition d'un jeune homme amoureux, éga lement agité par l'honneur & par la paſſion, n'a aucun trait de reſſem- blance avec celles de nos originaux modernes. Térence trouve ſous ſa main des ſituations attendriſſantes, telles que l'amour en produit toû jours; & il les exprime avec ce feu & cette naïveté qui peignent ſi bien la nature & qui la fixent. Eſt-ce bien là le goût des nouveaux Dramati ques? Ils choiſiſſent de deſſein pré médité une action triſte; & par une ſuite néceſſaire, ils ſont obligés de donner un ton lugubre à leurs prin cipaux Acteurs, & de réſerver le co mique pour les ſubalternes. Les in cidens ne naiſſent que pour faire couler de nouvelles larmes; & l'on ſort enfin d'un Spectacle comique le cœur auſſi ſerré de douleur, que ſi l'on venoit de voir repréſenter Médée ou Thieſte.19 - Reflexions sur comique-lamoryant /
C'est ſans doute un ſentiment naturel de rire ou de pleurer, ſui vant les diverſes affections du cœur: mais il n'eſt point dans la nature de rire & de pleurer dans le même in ſtant, & pourſuivre notre eſpece de rire dans une Scene, & de pleurer dans l'autre. Ce paſſage trop rapide de la joie à la douleur, & de la dou leur à la joie, gêne l'ame, & lui cauſe des mouvemens déſagréables & même violens (a).
20 - Reflexions sur comique-lamoryant /
Celui, dites-vous, qui le pre mier étala le Spectacle de la Comé die, ne put travailler d'après un mo dele; il dreſſa un plan ſelon ſes vûes; & ce fut par conſéquent du fond de ſes idées que le nouvel ouvrage tira ſa nature & ſes attributs; ceux qui vinrent enſuite ſe crurent auſſi en droit d'inventer. Sous leurs mains, la Comédie reçut une nouvelle for me, qui eſſuya elle-même des viciſſitudes. Ces changemens ne furent pas traités d'innovations; on n'ima ginoit pas encore qu'il ne fût pas permis de changer, de modifier une production écloſe du cerveau d'un Auteur, & dont la nature ne peut être, ſi on l'oſe dire, que verſatille & un peu arbitraire. Car enfin, ajoûtez- vous, l'eſſence de la Comédie, quel le qu'elle ſoit, ne ſera jamais auſſi invariablement fixée que l'eſſence des vérités géométriques: d'où vous concluez qu'il doit être permis à nos Modernes de changer l'an cienne conſtitution du Poëme co mique. L'exemple de leurs prédé ceſſeurs les enhardit, & la nature de la choſe le permet.
21 - Reflexions sur comique-lamoryant /
Les impreſſions de plaiſir que produit le vrai comique, ont un ca- ractere bien différent: c'eſt avec un agrément toûjours nouveau que nous voyons repréſenter & que nous reliſons ſans ceſſe ces portraits avoüés de la nature, tels que le Mi- ſantrope, l'Avare, le Muet, le Joüeur, le Grondeur, le Glorieux, &c. & pour entrer en quelque dé tail, nous ne nous laſſons jamais de revoir les Scenes vraiement comi ques d'Harpagon avec Froſine, Va- lere & Maître Jacques, du Bourgeois-Gentilhomme avec ſa Servan- te & ſes différens Maîtres, la querel le pédanteſque de Triſſotin & de Va dius; & dans un genre plus élevé, le dialogue fin & délicat de Mer cure avec la Nuit, la converſation médiſante de Célimene avec le Mar quis, & ſa maniere ingénieuſe de rendre à la prude Arſinoé, ſes traits ſatyriques, &c. Les plus brillantes moralités pouſſées juſqu'aux larmes, les reconnoiſſances même multi- pliées, nous apporteront - elles ja mais des plaiſirs auſſi vifs, auſſi vrais, auſſi durables?
22 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /
Bey Erblickung dieses edeln Fluges konnte man natürlicher Weise nicht anders denken, als daß die Komödie auf diesem Grade der Vortreflichkeit, welchen sie endlich erlangt hatte, stehen bleiben, und daß man wenigstens alle Mühe anwenden würde, nicht aus der Art zu schlagen. Allein, wo sind die Gesetze, die Gewohnheiten, die Vergleiche, welche dem Eigensinne der Neuigkeit widerstehen, und den Geschmack dieser gebiethrischen Göttin festsetzen könnten? Das Ansehen des Moliere, und noch mehr, die Empfindung des Wahren, nöthigten zwar einigermassen verschiedne von seinen Nachfolgern, in seine Fußtapfen zu treten, und lassen ihn auch noch jetzt berühmte Schüler finden. Doch der größte Theil unsrer Verfasser, und selbst diejenigen, welchen die Natur die meisten Gaben ertheilet hat, glauben, daß sie ein Betrachtungen über das so nützliches Muster verlassen können, und bestreben sich um die Wette, einen Namen zu erlangen, den sie, weder der Nachahmung der Alten noch der Neuern, zu danken hätten.
23 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /
Warum wollte man, sagt er, einem Verfasser verwehren, in eben demselben Werke das Feinste, was das Lustspiel hat, mit dem Rührendsten, was das Trauerspiel darbiethen kann, zu verbinden. Es tadle diese Vermischung wer da will; ich, für mein Theil, bin sehr wohl damit zufrieden. Die Veränderungen sogar in den Ergötzungen lieben, ist der Geschmack der Natur = = = Man geht von einem Vergnügen zu dem andern über; bald lacht man, und bald weinet man. Diese Gattung von Schauspielen, wenn man will, ist neu; allein sie hat den Beyfall der Vernunft und der Natur, das Ansehen des schönen Geschlechts und die Zufriedenheit des Pu blicums sür sich.24 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /
Die Art und Weise des lateinischen Theaters ist eben so wenig für sie. * Es ist ganz und gar nicht die Weichmachung der Herzen, die Plautus zum Gegenstand seiner Lustspiele gewählt hat. Keine einzige von seinen Fabeln, kein einziger von seinen Zwischenfällen, kein einziger von seinen Charaktern ist dazu bestimmt, daß wir Thränen darüber vergiessen sollen. Es ist wahr, daß man bey dem Terenz einige rührende Scenen findet; zum Exempel diejenigen, wo Pamphilus seine zärtliche Unruhe für die Glycerium, die er verführt hatte, ausdrückt: allein die Stellung eines jungen verliebten Men
* Man redet hier von dem lateinischen Theater bloß nach Beziehung auf die zwey Schriftsteller, die uns davon ubrig sind.
Betrachtungen über das schen, der von der Ehre und von der Leidenschaft gleich stark getrieben wird, hat ganz und gar keine Aehnlichkeit mit den Stellungen unsrer neuen Originale. Terenz findet unter der Hand bewegliche Stellungen, dergleichen dieLiebe beständig hervorbringt; und er drückt sie auch mit demjenigen Feuer und mit derjenigen ungekünstelten Einfalt aus, welche die Natur so wohl treffen, und auf einen gewissen Punkt fest stellen. Jst aber dieses der Geschmack der neuen Schauspielschreiber? Sie wählen, mit allem Bedacht, eine traurige Handlung, und durch eine natürliche Folge sind sie hernach verbunden, ihren vornehmsten Personen einen klagenden Ton zu geben, und das Komische für die Nebenrollen aufzubehalten. Die Zwischenfälle entstehen blos um neue Thränen vergiessen zu lassen, und man geht endlich aus dem komischen Schauspiele mit einem von Schmerz eben so beklemmten Herze, als ob man die Medea oder den Thyest hätte aufführen sehen.25 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /
Nach den verschiednen Rührungen des Herzens entweder lachen oder weinen, sind, ohne Zweifel, natürliche Empfindungen: allein in eben demselben Augenblicke lachen und weinen, und jenes in der einen Scene fortsetzen, wenn man in der andern dieses thun soll, das ist ganz und gar nicht nach der Natur. Dieser schleinige Uebergang von der Freude zur Betrübniß, und von der Betrübniß zur Freude, setzet die Seele in Zwang und verursacht ihr unangenehme und gewaltsame Bewegungen. *
26 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /
Derjenige, sagt man, der das Schauspiel einer Komödie zuerst aufführte, konnte nach keinem Muster arbeiten; er machte sich einen Plan nach seiner Einsicht, und das neue Werk bekam folglich seine Natur und seine Eigenschaften aus dem Jnnersten seiner Begriffe. Die, welche nachfolgten, glaubten eben so wohl ein Recht zum Erfinden zu haben; unter ihren Händen bekam die Komödie eine neue Form, welche gleichfalls der Veränderung unterworfen war. Diese Veränderungen wurden nicht als Neuerungen ausgeschrien; man hatte es sich noch nicht in Sinn kommen lassen, daß es nicht erlaubt sey, Aenderungen zu machen, und die Hirngeburth eines Verfassers anders zu bearbeiten, deren Natur ziemlich willkührlich seyn muß. Denn kurz, setzt man hinzu, das Wesen der Komödie, es mag nun bestehen worinne es will, kann doch nimmermehr so unwandelbar festgesetzt seyn, als es das Wesen der geometrischenWahrheiten ist; und hieraus schließt man endlich, daß es unsern Neuern erlaubt seyn müsse, die alte Einrichtung des komischen Gedichts zu ändern. Das Beyspiel ihrer Vorgänger mun Betrachtungen über das tert sie dazu auf, und die Natur der Sache erlaubt es.
27 - Betrachtungen über das weinerlich Komische /
Die Eindrücke des Vergnügens, welche das wahre Komische hervorbringt, sind von einer ganz andern Beschaffenheit. Es geschiehet allezeit mit einem stets neuen Vergnügen, so oft wir jene von der Natur erkannte Schilderungen, dergleichen der Menschenfeind, der Geizige, der Stumme, der Spieler, der Mürrische, der Ruhmredige und andre sind, wieder vorstellen sehen, oder sie aufs neue lesen. Oder, wenn wir uns in kleine Stücke einlassen wollen, wird man es wohl jemals satt, die wahren komischen Auftritte zu sehen, zum Exempel die Auftritte des Horpagons mit der Euphrosine, des Valers mit dem Meister Jacob, des bürgerlichen Edelmanns mit seinem Mädchen und seinen verschiednen Lehrmeistern, die pedantische Zänckerey des Trissotins und des Vadius; oder auch in einer höhern Art, das feine und sinnreiche Gespräch des Merkurs mit der Nacht, die verleumdrische Unterredung der Cölimene mit dem Marquis und ihre sinnreiche Art, der spröden Arsinoe ihre spitzigen Anzüglichkeiten wieder zurück zu geben? Verursachen uns wohl die am meisten glänzenden Moralien, wann sie auch bis zum Thränen getrieben werden, jemals ein so lebhaftes, ein so wahres und ein so daurendes Vergnügen?
28 - Discours de la tragedie /
Quand elle ne se fait qu'après la mort del'inconnu, la compassion qu'excitent les déplaisirs de celui qui le fait périr, ne peut avoir grande étendue, puisqu'elle est reculée& renfermée dans la Catastrophe. Maislorsqu'on agit à visage découvert, & qu'onsait à qui on en veut, le combat des passions contre la nature, ou du devoir contrel'amour, occupe la meilleure partie du poëme, & de-là naissent les grandes & fortesémotions, qui renouvellent à tous momens,& redoublent la commisération. Pour justifier ce raisonnement par l'expérience, DE LA TRAGEDIE. 525 nous voyons que Chiméne & Antiochus enexcitent beaucoup plus que ne fait Oedipede sa personne. Je dis de sa personne; parce que le poëme entier en excite peut-êtreautant que le Cid, ou que Rodogune; mais il en doit une partie à Dircé, & ce qu'elle en fait naître n'est qu'une pitié empruntéed'une épisode.
29 - Discours de la tragedie /
Pour résoudre cette difficulté, & trouverde quelle nature est cet impossible croyable, dont il ne donne aucun exemple, jerépons qu'il y a des choses impossibles enelles-mêmes qui paroissent aisément possibles, & par conséquent croyables, quandon les envisage d'une autre maniére. Tellessont toutes celles où nous falsifions l'Histoire. Il est impossible qu'elles se soient passées comme nous les représentons, puisqu'elles se sont passées autrement, & qu'iln'est pas au pouvoir de Dieu même derien changer au passé; mais elles paroissentmanifestement possibles, quand elles sont dans la vraisemblance générale, pourvûqu'on les regarde détachées de l'Histoire,& qu'on veuille oublier pour quelque temps 552 SECOND DISCOURS. ce qu'elle dit de contraire à ce que nousinventons. Tout ce qui se passe dans Nicoméde est impossible, puisque l'Histoireporte qu'il fit mourir son pére sans le voir,& que ses fréres du second lit étoient en ôtage à Rome, lorsqu'il s'empara du Royaume. Tout ce qui arrive dans Héracliusne l'est pas moins, puisqu'il n'étoit pas filsde Maurice, & que bien loin de passer pourcelui de Phocas, & être nourri comme tel chez ce tyran, il vint fondre sur lui à force ouverte des bords de l'Afrique, dont ilétoit Gouverneur, & ne le vit peut-êtrejamais. On ne prend point néanmoins pourincroyables les incidens de ces deux Tragédies, & ceux qui savent le desaveu qu'en fait l'Histoire, la mettent aisément à quartier, pour se plaire à leur représentation,parce qu'ils sont dans la vraisemblance générale, bien qu'ils manquent de la particuliére.
30 - Discours de la tragedie /
Beaucoup déclament contre cette réglequ'ils nomment tyrannique, & auroientraison, si elle n'étoit fondée que sur l'autorité d'Aristote: mais ce qui la doit faireaccepter, c'est la raison naturelle qui lui DES TROIS UNITE'S. 577 sert d'appui. Le poëme dramatique est uneimitation, ou pour en mieux parler, unportrait des actions des hommes; & il esthors de doute que les portraits sont d'autant plus excellens, qu'ils ressemblent mieux à l'original. La représentation dure deuxheures, & ressembleroit parfaitement, sil'action qu'elle représente n'en demandoitpas davantage pour sa réalité. Ainsi ne nousarrêtons point ni aux douze, ni aux vingtquatre heures; mais resserrons l'action du poëme dans la moindre durée qu'il noussera possible, afin que sa représentation ressemble mieux, & soit plus parfaite. Nedonnons, s'il se peut, à l'une que les deuxheures que l'autre remplit; je ne croi pas que Rodogune en demande guére davantage, & peut-être qu'elles suffiroient pourCinna. Si nous ne pouvons la renfermerdans ces deux heures, prenons-en quatre, six, dix; mais ne passons pas de beaucouples vingt-quatre, de peur de tomber dansle déréglement, & de réduire tellement leportrait en petit, qu'il n'aye plus ses dimensions proportionnées, & ne soit qu'imperfection.