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Le Prince de Condé passa à-travers le Païs ennemi, 8 Août 1643trompa la vigilance du Général Beck, & prit enfin Thi- onville. De là il courut mettre le Siége devant Cirq, & s'en rendre maître. Il fit repasser le Rhin aux Alle- mans, il le passa après eux, il vint réparer les pertes & les défaites que les Français avoient essuyés sur ces fron- tieres après la mort du Maréchal de Guébriant. Il trou- va Fribourg pris, & le Général Mercy sous ses murs avec une Armée supérieure encor à la sienne. Condé avoit sous lui deux Maréchaux de France, dont l'un étoit le Maréchal de Gramont, & l'autre ce Vicomte de Turen- ne, qui passoit déja pour un des plus habiles Capitaines DE LOUIS XIV. de son tems, & qu'on osoit comparer au Maréchal de Guébriant.


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L'année suivante il livra bataille à Altemen dans les3 Août 1645. plaines de Norlingue. Gramont & Turenne comman- doient encor sous ses ordres. Mercy & Glene étoient à la tête de l'Armée Allemande. La Victoire des Fran- çais fut plus complette, & non moins sanglante qu'à Fri- bourg. Le Maréchal de Gramont fut fait prisonnier; mais Glene fut pris, & Mercy fut tué. Ce General compté entre les plus Grands Capitaines, fut enterré dans le champ de bataille, & on mit sur sa tombe cette Inscri- ption Latine: Sta, Viator, Heroëm calcas. Arrête, Vo- yageur, tu foule aux piés un Héros.


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Tandis que le Prince de Condé* comptoit ainsi les années de sa jeunesse par des Victoires, & que le Duc d'Or- leans, frere de Louïs XIII, avoit aussi soutenu la réputationJuillet 1644. Nov. 1644.d'un Fils d'Henry IV, & celle de la France, par la prise de Gravelines, par celle de Courtray & de Mardik; le Vi- comte de Turenne avoit pris Landau, il avoit chassé les Espagnols de Trêve, & rétabli l'Electeur.


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Les Français au - contraire se précipitoient dans les séditions, par caprice, & en riant; les femmes étoient à la tête des Factions, l'amour faisoit & rompoit les Cabales. La Duchesse de Longueville engagea Tu- renne, à peine Maréchal de France, à faire révolter1649. l'Armée qu'il commandoit pour le Roi. Turenne n'y réussit pas: il quitta en fugitif l'Armée dont il étoit Général, pour plaire à une femme, qui se mo- quoit de sa passion: il devint de Général du Roi de France, Lieutenant de Don Estevan de Gamarre, avec lequel il fut battu à Retel par les Troupes Royales. On connaît ce Billet du Maréchal d'Hoquincourt à la Duchesse de Montbazon. Perrone est à la Belle des Belles. On sçait ces Vers du Duc de la Rochefou- ESSAI SUR LE SIE'CLE cault pour la Duchesse de Longueville, lorsqu'il reçut au combat de St. Antoine un coup de mousquet, qui lui fit perdre quelque tems la vuë:


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Condé, ligué avec les Espagnols, étoit en campagne contre le Roi; & Turenne ayant quitté ces mêmes Espa- gnols, avec lesquels il avoit été batu à Retel, venoit de faire sa paix avec la Cour, & commandoit l'Armée- Royale. L'épuisement des Finances ne permettoit ni à l'un ni à l'autre des deux Partis d'avoir de grandes d'Ar- mées; mais de petites ne décidoient pas moins du sort de l'Etat. Il y a des tems où cent mille hommes en cam- pagne peuvent à peine prendre deux Villes: il y en à d'autres où une bataille entre sept ou huit mille hommes peut renverser un Trône, ou l'affermir.


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Toute l'espérance de la Cour étoit dans le Maréchal de Turenne. L'Armée Royale se trouva auprès de Gien ESSAI SUR LE SIE'CLE sur la Loire. Celle du Prince de Condé étoit à quelques lieuës sous les ordres du Duc de Nemours & du Duc de Beaufort. Les divisions de ces deux Généraux alloient être funestes au Parti du Prince. Le Duc de Beaufort étoit in- capable du moindre Commandement. Le Duc de Ne- mours passoit pour être plus brave, & plus aimable qu'ha- bile. Tous deux ensemble ruïnoient leur Armée. Les Soldats savoient, que le Grand Condé étoit à cent lieües de là, & se croyoient perdus, lorsqu'au milieu de la nuit un Courier se présenta dans la forêt d'Orleans devant les Gran- des Gardes. Les Sentinelles reconnurent dans ce Courier le Prince de Condé lui - même, qui venoit d'Agen à - tra- vers mille avantures, & toûjours déguisé se mettre à la tête de son Armée.


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L'Armée Royale étoit séparée en deux Corps. Condé fondit sur celui, qui étoit à Blenau, commandé par le Ma- réchal d'Hoquincourt, & ce Corps fut dissipé en même tems qu'attaqué. Turenne n'en put être averti. Le Car- dinal Mazarin effrayé, courut à Gien au milieu de la nuit réveiller le Roi qui dormoit, pour lui apprendre cette nou- velle. Sa petite Cour fut consternée; on proposa de sau- ver le Roi par la fuite, & de le conduire sécretement à Bourges. Le Prince de Condé victorieux, approchoit de Gien, la désolation & la crainte augmentoient. Turenne par sa fermeté rassura les esprits, & sauva la Cour par son habilité: il fit, avec le peu qui lui restoit de Troupes, des mouvemens si heureux, profita si bien du terrein & du DE LOUIS XIV. tems, qu'il empêcha Condé de poursuivre son avantage. Il fut difficile alors de décider, lequel avoit acquis plus d'honneur, ou de Condé victorieux, ou de Turenne, qui lui avoit arraché le prix de sa victoire. Il est vrai, que dans ce combat de Blenau, si long-tems célébre en France, il n'y avoit pas eu quatre cens hommes de tuez; mais le Prince de Condé n'en fut pas moins sur le point de se rendre Maître de toute la Famille Royale, & d'avoir entre ses mains son ennemi, le Cardinal Mazarin. On ne pouvoit guéres voir un plus petit combat, de plus grands intérêts, & un danger plus pressant.


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L'Armée Royale étoit séparée en deux Corps. Condé fondit sur celui, qui étoit à Blenau, commandé par le Ma- réchal d'Hoquincourt, & ce Corps fut dissipé en même tems qu'attaqué. Turenne n'en put être averti. Le Car- dinal Mazarin effrayé, courut à Gien au milieu de la nuit réveiller le Roi qui dormoit, pour lui apprendre cette nou- velle. Sa petite Cour fut consternée; on proposa de sau- ver le Roi par la fuite, & de le conduire sécretement à Bourges. Le Prince de Condé victorieux, approchoit de Gien, la désolation & la crainte augmentoient. Turenne par sa fermeté rassura les esprits, & sauva la Cour par son habilité: il fit, avec le peu qui lui restoit de Troupes, des mouvemens si heureux, profita si bien du terrein & du DE LOUIS XIV. tems, qu'il empêcha Condé de poursuivre son avantage. Il fut difficile alors de décider, lequel avoit acquis plus d'honneur, ou de Condé victorieux, ou de Turenne, qui lui avoit arraché le prix de sa victoire. Il est vrai, que dans ce combat de Blenau, si long-tems célébre en France, il n'y avoit pas eu quatre cens hommes de tuez; mais le Prince de Condé n'en fut pas moins sur le point de se rendre Maître de toute la Famille Royale, & d'avoir entre ses mains son ennemi, le Cardinal Mazarin. On ne pouvoit guéres voir un plus petit combat, de plus grands intérêts, & un danger plus pressant.


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L'Armée Royale étoit séparée en deux Corps. Condé fondit sur celui, qui étoit à Blenau, commandé par le Ma- réchal d'Hoquincourt, & ce Corps fut dissipé en même tems qu'attaqué. Turenne n'en put être averti. Le Car- dinal Mazarin effrayé, courut à Gien au milieu de la nuit réveiller le Roi qui dormoit, pour lui apprendre cette nou- velle. Sa petite Cour fut consternée; on proposa de sau- ver le Roi par la fuite, & de le conduire sécretement à Bourges. Le Prince de Condé victorieux, approchoit de Gien, la désolation & la crainte augmentoient. Turenne par sa fermeté rassura les esprits, & sauva la Cour par son habilité: il fit, avec le peu qui lui restoit de Troupes, des mouvemens si heureux, profita si bien du terrein & du DE LOUIS XIV. tems, qu'il empêcha Condé de poursuivre son avantage. Il fut difficile alors de décider, lequel avoit acquis plus d'honneur, ou de Condé victorieux, ou de Turenne, qui lui avoit arraché le prix de sa victoire. Il est vrai, que dans ce combat de Blenau, si long-tems célébre en France, il n'y avoit pas eu quatre cens hommes de tuez; mais le Prince de Condé n'en fut pas moins sur le point de se rendre Maître de toute la Famille Royale, & d'avoir entre ses mains son ennemi, le Cardinal Mazarin. On ne pouvoit guéres voir un plus petit combat, de plus grands intérêts, & un danger plus pressant.


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Condé, qui ne se flattoit pas de surprendre Turenne, comme il avoit surpris d'Hoquincourt, fit marcher son Armée vers Paris: il se hâta d'aller dans cette Ville jouïr de sa gloire, & des dispositions favorables d'un Peuple aveugle. L'admiration qu'on avoit pour ce dernier com- bat, dont on exagéroit encor toutes les circonstances, la haine qu'on portoit à Mazarin, le nom & la présence du Grand Condé, sembloient d'abord le rendre Maître absolu de la Capitale. Mais dans le fond tous les esprits étoient divisés; chaque Parti étoit subdivisé en Factions, comme il arrive dans tous les troubles. Le Coadjuteur, devenu Cardinal de Retz, racommodé en apparence avec la Cour, qui le craignoit, & dont il se défioit, n'étoit plus le Maître du Peuple, & ne jouoit plus le principal rôle. Il gouver- noit le Duc d'Orleans, & étoit opposé à Condé. Le Par- lement flotoit entre la Cour, le Duc d'Orleans, & le Prince, quoique tout le monde s'accordât à crier contre Mazarin; chacun ménageoit en secret des intérêts particuliers; le Peuple étoit une mer orageuse dont les vagues étoient poussées au hazard par tant de vents contraires.


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Condé resta donc dans Paris avec un pouvoir, qui di- minua tous les jours, & une Armée plus faible encore. Turenne mena le Roi & sa Cour vers Paris. Le Roi à l'âge de quinze ans vit de la hauteur de Charonne la bataille de St. Antoine, où ces deux Généraux firent avec si peu de Troupes de si grandes choses, que la réputation de l'un & de l'autre, qui sembloit ne pouvoir plus croître, en fut augmentée.


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Ils étoient si puissants, que dans une Guerre qu'ils eurent quelque tems après avec l'Angleterre, ils mirent en mer cent Vaisseaux de ligne, & la Victoire demeura souvent indécise entre Black l'Amiral Anglais, & TrompDE LOUIS XIV. l'Amiral d'Hollande, qui étoient tous deux sur mer ce que les Condés & les Turennes étoient sur Terre. La France n'avoit pas en ce tems dix Vaisseaux de cinquante piéces de canon qu'elle pût mettre en mer; sa Marine s'anéantissoit de jour en jour.


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Condé, devenu Général des Armées Espagnoles, ne put relever un Parti qu'il avoit affaibli lui-même par la destruction de leur Infanterie aux Journées de Rocroy & de Lens. Il combattoit avec des Troupes nouvelles, dont il n'étoit pas le maître, contre les vieux Régimens Français, qui avoient appris à vaincre sous lui, & qui étoient commandez par Turenne.


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Le sort de Turenne & de Condé fut d'être toûjours Vainqueurs, quand ils combatirent ensemble à la tête des Français, & d'être battus, quand ils commanderent les Espa- gnols. Turenne avoit à peine sauvé les débris de l'Ar- mée d'Espagne à la bataille de Retel, lorsque de Général du Roi de France il s'étoit fait le Lieutenant de Don Este- ran de Gamare.


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Le sort de Turenne & de Condé fut d'être toûjours Vainqueurs, quand ils combatirent ensemble à la tête des Français, & d'être battus, quand ils commanderent les Espa- gnols. Turenne avoit à peine sauvé les débris de l'Ar- mée d'Espagne à la bataille de Retel, lorsque de Général du Roi de France il s'étoit fait le Lieutenant de Don Este- ran de Gamare.