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1 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

trouve embarrassé, quand on veut ex- pliquer tout ce que les Auteurs anciens ont dit de leur Musique, & de l'usage qui s'en faisoit de leur tems. Il est donc arrivé que les passages de la Poëtique d'Aristote, que ceux de Ciceron, de Quintilien & des meilleurs Ecrivains de l'antiquité, où il est fait mention de leur Musique, ont été mal entendus par les Commentateurs, qui s'imaginant que dans ces endroits-là il étoit question de notre danse & de notre chant; c'est à dire, de la danse & du chant proprement dits, n'ont jamais pu comprendre le véritable sens de leurs passages. L'explication qu'ils en donnent, n'est propre qu'à les rendre plus obscurs. Elle n'est propre qu'à nous empêcher de concevoir jamais la maniere dont les piéces dramatiques étoient exécutées sur le théâtre des Anciens.

2 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Les Auteurs Latins disent la même chose. La Musique, c'est Quintilien l'Orateur qui parle, donne des enseignemens, non-seulement pour régler toutes les inflexions dont la voix est susceptible, mais encore pour régler tous les mouvemens du corps. Ces inflexions, ces mouvemens veulent être ménagés suivant une méthode certaine & judicieuse. Numeros musices duplices habet in vocibus & in corpore, utriusque enim rei aptus quidam motus desideratur (**). No-

(*) De Music. lib. prim.

(**) Inst. l. 1. c. 12. de Music. & ejus laudibus.

sur la Poësie & sur la Peinture. tre Auteur ajoute quelques lignes après: „La décence dans la contenance & dans le ge- ste, est nécessaire à l'Orateur, & il n'y a que la Musique qui puisse lui enseigner cette décence„. Corporis quoque decens & aptus motus, qui dicitur Eurithmia, est necessarius, nec aliunde peti potest.


3 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Saint Augustin, dans l'ouvrage qu'il a composé sur la Musique, dit la même chose que Quintilien. Il y écrit que la Musique donne des préceptes sur la contenance, sur le geste; en un mot, sur tous les mouvemens du corps dont il avoit été possible de réduire la théorie en science, & la pratique en méthode. Quidquid numerositatis, quæ temporum atque intervallorum dimensionibus movetur .... Musica est scientia bene movendi (*). La Musique des Anciens avoit assujetti à une mesure réglée tous les mouvemens du corps, ainsi que le sont les mouvemens des pieds de nos danseurs.


4 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Dès que Porphyre a dit qu'il prenoit l'art poëtique dans sa plus grande étendue, comme il prend soin de le dire, il a dû ne point parler de la mélopée, ou de l'art de composer la mélopée, comme d'un art musical particulier, parce que ce dernier art étoit renfermé dans l'art poëtique, pris dans toute son étendue. En effet, suivant l'usage des Grecs, l'art de composer la mélopée, faisoit une partie de l'art poëtique. On verra ci- dessous que les Poëtes Grecs composoient eux- mêmes la mélopée de leurs piéces. Si au contraire Aristides fait de l'art poëtique & de l'art de composer la mélopée, deux arts distincts, c'est qu'il a eu égard à l'usage des Romains, qui étoit que les Poëtes dramatiques ne composassent point eux-mêmes la déclamation de leurs vers; mais qu'ils la fissent composer par des Artisans compositeurs de profession, & que Quintilien appelle:Artifices pronunciandi. C'est ce que nous rapporterons plus au long dans la suite.


5 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Quintilien écrit par la même raison, que non-seulement il faut savoir la musique pour être Orateur, mais qu'on ne sauroit même être bon Grammairien sans l'avoir apprise, puisqu'on ne pouvoit pas bien enseigner la Grammaire sans montrer l'usage dont y étoient le métre & le rithme. (*) Nec citra musicam Grammatica potest esse perfecta, cum ei de rithmis metrisque dicendum sit. Cet Ecrivain judicieux observe encore en un autre endroit (**) que dans les tems précédens, la profession d'enseigner la Musique, & celle d'enseigner la Grammaire, avoient été unies, & qu'elles étoient alors exercées par le même maître.


6 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Enfin Quintilien dit dans le chapitre de son Livre où il veut prouver que l'Orateur est du moins obligé d'apprendre quelque chose de la Musique. „On ne me refusera point de tomber d'accord que ceux qui prétendent faire la profession d'Orateur, doi

(*) Instit. lib. prim. cap. 3.

(**) Ibid. cap. sexto.

Réflexions critiquesvent lire & entendre les Poëtes. La Musique ne préside-t'elle point à la composition des poëmes de quelque nature qu'ils soient? Si quelqu'un est assez déraisonnable pour dire qu'en général les régles que suit un Poëte dans la composition de ses vers, n'appartiennent point à la Mu- sique, du moins ne sauroit-il nier que les régles qu'il faut suivre dans la composition des vers qui sont faits pour être récités avec un accompagnement, n'appartien ment à ce bel art.„ Poetas certe legendos futuro Oratori concesserint.. Num hi sine Musica? At si quis tam cæcus animi est, ut de aliis dubitet, illos certe, qui carmina ad liram composuerunt. Hæc diutius. (*) Ce passage paroîtra beaucoup plus clair, lorsqu'on aura lû ce que je dois écrire concernant le carmen ou la déclamation notée des vers faits pour être récités avec un accompagnement.


7 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Platon, pour dire que le mouvement est l'ame d'un chant mésuré, dit (*) que le rithme est l'ame du métre. Le métre, écrit Aristote (**), n'est encore qu'une partie du rithme. On lit dans Quintilien, si je l'entends bien, qu'il ne faut pas qu'une mesure emprunte sur l'autre; mais que celui qui bat la mesure, a la liberté d'en presser, ou d'en rallentir le mouvement. Rithmis spatia libera, metris finita sunt (***). Aristides Quintilianus écrit, que suivant plusieurs, le métre différoit du rithme, comme le tout différe de sa partie. Porro & pedibus constant metra ... differre autem metra a rithmo, aiunt alii ut a toto partem (****). Mais comme nous disons quelquefois absolument le mouvement pour dire la mesure &

(*) Plat. de Leg. l. 2.

(**) Poët. chap. 4.

(***) Instit. l. 9. cap. 4.

(****) Arist. lib. prim.

sur la Poësie & sur la Peinture. le mouvement, les Grecs disoient aussi quelquefois le rithme tout court, pour dire le rithme & le métre: c'est en prenant le mot de rithme dans cette acception qu'Aristote a dit dans sa Poëtique, que la Musique fait ses imitations avec le chant, l'harmonie & le rithme; ainsi que la Peinture fait les siennes avec les traits & avec les couleurs.


8 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Quintilien rapporte qu'Aristoxene, que Suidas dit avoir été l'un des disciples d'Aristote, & qui a écrit sur la musique un livre qui se trouve dans le recueil de M. Meibomius, divisoit la musique qui s'exécute avec la voix en rithme & en chant. Le rithme, ajoute Quintilien, est ce que nous appellons modulation, & le chant assujetti ou noté, est ce que nous appellons le ton & les sons. Vocis rationes Aristoxenes musicus dividit in rithmum & melos emmetrum, quorum alterum modulatione, canore alterum ac sonis constat (*).


9 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Cependant, & c'est ce que nous avons à dire en second lieu, Quintilien appelle souvent toute la composition une modulation, en comprenant sous ce nom le chant, l'harmonie, la mesure & le mouvement. Par exemple, cet Auteur, dans le troisiéme chapitre du livre onziéme de ses Institutions, où il donne des leçons si curieuses sur le soin qu'un Orateur doit avoir de sa voix, & sur la récitation, dit, en parlant de plusieurs mauvaises manieres de prononcer: „Il n'y a point de désagrément dans la prononciation qui me choque autant que d'entendre dans les Ecoles & dans les Tribunaux, chanter la mo- dulation théâtrale. C'est le vice à la mode, j'en conviens, mais il n'en est pas moins vrai que ce vice dégrade l'Orateur„. Sed quodcumque ex hisvitium magis tulerim quam quo nunc maxime laboratur, in causis omnibus scholisque cantandi, quod inutilius sit an fœdius, ignoro! Quid enim Oratori minus

(*) Quint. Instit. lib. prim. cap. 13.

sur la Poësie & sur la Peinture. convenit quam modulatio Scenica (*)? On voit bien que Quintilien comprend le chant ou la déclamation composée dans la modula- tion dont il parle. C'est la composition entiere que Quintilien appelle ici modulation.


10 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Cependant, & c'est ce que nous avons à dire en second lieu, Quintilien appelle souvent toute la composition une modulation, en comprenant sous ce nom le chant, l'harmonie, la mesure & le mouvement. Par exemple, cet Auteur, dans le troisiéme chapitre du livre onziéme de ses Institutions, où il donne des leçons si curieuses sur le soin qu'un Orateur doit avoir de sa voix, & sur la récitation, dit, en parlant de plusieurs mauvaises manieres de prononcer: „Il n'y a point de désagrément dans la prononciation qui me choque autant que d'entendre dans les Ecoles & dans les Tribunaux, chanter la mo- dulation théâtrale. C'est le vice à la mode, j'en conviens, mais il n'en est pas moins vrai que ce vice dégrade l'Orateur„. Sed quodcumque ex hisvitium magis tulerim quam quo nunc maxime laboratur, in causis omnibus scholisque cantandi, quod inutilius sit an fœdius, ignoro! Quid enim Oratori minus

(*) Quint. Instit. lib. prim. cap. 13.

sur la Poësie & sur la Peinture. convenit quam modulatio Scenica (*)? On voit bien que Quintilien comprend le chant ou la déclamation composée dans la modula- tion dont il parle. C'est la composition entiere que Quintilien appelle ici modulation.


11 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Nous savons comment les Anciens mesuroient leur musique vocale ou leur musique composée sur des paroles. Comme nous l'avons observé déja en parlant de la mécanique de la Poësie, les syllabes avoient une quantité déterminée dans la langue Grecque & dans la langue Latine. Cette quantité étoit même relative, c'est-à-dire, que deux syllabes bréves ne devoient point durer plus

(*) De Arte Gramm. lib. 2. cap. 4.

sur la Poësie & sur la Peinture. longtems dans la prononciation, qu'une longue; & qu'une syllabe longue devoit durer aussi longtems que deux bréves. La syllabe bréve valoit un tems dans la mesure, & la syllabe longue en valoit deux. Les enfans n'ignorent pas, dit Quintilien, que la longue vaut deux tems, & que la bréve n'en vaut qu'un. Longam esse duorum temporum, brevem unius etiam pueri sciunt (*).


12 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Quel nombre de tems les Grecs & les Romains mettoient-ils dans les mesures des chants, composés sur des paroles de quelque nature que ces chants-là pussent être? Je réponds: Quant aux chants composés sur des vers, la mesure de ses chants, le nombre des tems de chaque mesure se trouvoit être déja réglé par la figure du vers. Chaque pied du vers faisoit une mesure. En effet, on trouvera dans la suite le mot de pes, qui signifie un pied, employé par Quintilien & par d'autres, pour sur la Poësie & sur la Peinture. dire une mesure. Il y a néanmoins une ob- jection à faire contre cette explication; c'est que suivant son contenu, les mesures du même chant devoient être inégales dans leur durée, parce que les pieds du même vers n'étoient pas égaux. Les uns n'avoient que trois tems, tandis que les autres en avoient quatre. En effet, les pieds qui n'étoient composés que d'une syllabe longue & d'une bréve, ou de trois syllabes bréves, ne renfermoient que trois tems, au lieu que les pieds composés de syllabes longues, ou d'une syllabe longue & de deux bréves, avoient quatre tems. Je tombe d'accord que cela ne pouvoit pas être autrement. Mais cela n'empêchoit point que le bateur de mesure ne pût la marquer toujours avec justesse.


13 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

On sera bien plus curieux d'apprendre une autre chose, je veux dire la maniere dont la musique métrique marquoit les tems dans toute sorte de mouvemens du corps. Comment, dira-t'on d'abord, les Anciens écrivoient-ils en notes les gestes? Comment s'y Réflexions critiques prenoient-ils pour marquer chaque mouvement des pieds & des mains, chaque attitude & chaque démarche par une figure particuliere qui désignât distinctement chacun de ces mouvemens? Je me contenterai de répondre ici, que l'art d'écrire les notes en gestes, ou, si l'on veut, les Dictionnaires des gestes (car nous verrons que les Anciens avoient de ces Dictionnaires-là, s'il est permis d'user de cette expression) n'étoient point du sort de la musique rithmique dont il s'agit présentement. Elle supposoit l'art d'écrire les gestes en notes, un art déja trouvé & pratiqué. C'étoit la musique hypocritique ou la Saltation, qui enseignoit cette espéce d'écriture. Ainsi nous remettons à en parler, que nous traitions de celui des arts musicaux que les Grecs nommoient Orchesis, & les Romains Saltatio. Comment, répliquerat'on, la musique rithmique s'y prenoit-elle pour asservir à une même mesure, & pour faire tomber en cadence, & le Comédien qui récitoit, & le Comédien qui faisoit les gestes? Je répondrai que c'est une de ces choses dont S. Augustin dit qu'elles étoient connues de tous ceux qui montoient sur le théâtre, & que pour cela même il dédaigne de l'expliquer. Mais comme nous n'avons sur la Poësie & sur la Peinture. plus sous les yeux la chose dont il est question, il ne nous est plus bien facile de concevoir ce que S. Augustin, dit que tout le monde savoit de son tems. Si les passages des Auteurs anciens que nous rapporterons ci-dessous, prouvent que l'Acteur qui récitoit, & l'Acteur qui faisoit les gestes, s'accordoient très-bien, & qu'ils tomboient en cadence avec une grande justesse; ils n'expliquent point la maniere dont ils s'y prenoient pour suivre exactement l'un & l'autre, une mesure commune. On trouve néanmoins dans Quintilien quelque chose des principes sur lesquels ce moyen de les accorder, avoit été trouvé & établi.


14 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

Il paroît donc, en lisant un passage de Quintilien, que pour venir à bout de mesurer, pour ainsi dire, l'action, & pour mettre en état celui qui faisoit les gestes, de suivre celui qui récitoit, on avoit imaginé une régle, qui étoit que trois mots valussent un geste. Or comme ces mots avoient une durée réglée, le geste devoit avoir ainsi une durée déterminée, & qui pouvoit se mesurer. Voici le passage (*). Hic veteres Artifices illud recte adjecerunt, ut manus cum sensu & deponeret & inciperet; alioqui

(*) Inst. lib. 11. c. 4.

Réflexions critiques enim aut ante vocem erit gestus, aut post vocem, quod est utrumque deforme. In illo lapsi nimia subtilitate sunt, quod intervallum motus tria verba esse voluerunt, quod nec observatur, nec fieri potest; sed illi quasi mensuram tarditatis celeritatisque aliquam esse voluerunt: nec immerito, ne aut diu otiosa esset manus, aut, quod multi faciunt, actionem continuo motu conciderent. „Ceux qui les premiers ont fait profession de composer la déclamation des piéces de théâtre, & de les faire représenter sur la scène, en ont usé très-sagement quand ils ont réglé que chaque geste commençât avec un sens, & qu'il finit en même tems que ce sens-là. Ils ont eu raison d'introduire cette régle: car il est également messéant de commencer à gesticuler avant que d'avoir ouvert la bouche; & de continuer à gesticuler après avoir cessé de parler. Il est vrai que nos Artisans, pour avoir voulu être trop ingénieux, se sont trompés, lorsqu'ils ont réglé que le même tems qu'il falloit pour prononcer trois mots, seroit le tems de la durée d'un geste. Voilà ce qui ne se fait point naturellement, & c'est même ce que l'art ne peut apprendre à bien pratiquer. Mais nos Artisans ont cru qu'il falloit, à sur la Poësie & sur la Peinture. quelque prix que ce fût, prescrire une méthode qui réglât la mesure du geste qui déplaît également, soit qu'il soit trop lent, soit qu'il soit trop précipité, & le principe qu'ils ont établi, est ce qu'ils ont pû imaginer de mieux.„


15 - Réflexions critiques sur la Poesie et sur la Peinture /

J'ai traduit le mot d'Artifices, dont se sert ici Quintilien, par ceux qui font profession de composer la déclamation des piéces de théâtre, & de les faire représenter sur la scéne, fondé sur deux raisons. La premiere, c'est que Quintilien n'entend point ici parler des Professeurs en éloquence, qu'il désigne par d'autres noms dans son institution. La seconde, c'est que dans le chapitre où se trouve le passage que je viens de rapporter, Quintilien parle très-souvent des usages pratiqués par les Comédiens, & qu'il y appelle Artifices ou Artifices pronunciandi ceux qui faisoient profession de faire représenter les piéces de théâtre. Nous apporterons ci-dessous un de ces passages dans lequel Qnintilien parle fort au long du soin qu'avoient ces Artifices pronunciandi, de donner à chaque Comédien un masque assortissant au caractere du personnage qu'il devoit représenter.