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1 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Plaute & Térence ne nous ont repréſenté que la vie honteuſe & mercénaire des Courtiſannes d'A- thenes (a). Ces peintures odieuſes ne peuvent nous donner une juſte idée de la conduite domeſtique des Dames Romaines; & notre curioſité reclamera toûjours un champ de cri tique auſſi vaſte & auſſi fécond. Les modernes, plus heureux, (dirai-je plus téméraires?) ont tiré meilleur parti des mœurs du ſexe, & nous leur avons l'obligation de l'avoir réduit à ne pouvoir plus rire qu'à frais communs.


2 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Dans le nombre des nouveautés qu'ils ont introduites ſur notre Scene, je ne dirai rien de ces Co médies ſingulieres, où l'on ſubſtitue des êtres perſonnifiés à la place de perſonnages réels; c'eſt un goût de féerie que l'Opéra ſeul a droit de revendiquer: ni de celles où la viva- cité piquante du dialogue tient lieu d'intrigue & d'action; on ne peut les regarder que comme de ſubtiles analyſes des ſentimens du cœur, que comme un compoſé de ſaillies & d'éclairs d'imagination, plus pro pres à brillanter un Roman, qu'à parer de ſes vrais ornemens un Poë me dramatique. Je me borne à vous parler de ce nouveau genre de Co mique que l'Abbé Desfontaines qualifioit de Larmoyant, & auquel en effet il eſt difficile de trouver un nom (a) plus décent & plus conve nable.


3 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Dans le nombre des nouveautés qu'ils ont introduites ſur notre Scene, je ne dirai rien de ces Co médies ſingulieres, où l'on ſubſtitue des êtres perſonnifiés à la place de perſonnages réels; c'eſt un goût de féerie que l'Opéra ſeul a droit de revendiquer: ni de celles où la viva- cité piquante du dialogue tient lieu d'intrigue & d'action; on ne peut les regarder que comme de ſubtiles analyſes des ſentimens du cœur, que comme un compoſé de ſaillies & d'éclairs d'imagination, plus pro pres à brillanter un Roman, qu'à parer de ſes vrais ornemens un Poë me dramatique. Je me borne à vous parler de ce nouveau genre de Co mique que l'Abbé Desfontaines qualifioit de Larmoyant, & auquel en effet il eſt difficile de trouver un nom (a) plus décent & plus conve nable.


4 - Reflexions sur comique-lamoryant /

(a) Rien n'eſt plus ridicule, j'en conviens, que de diſputer ſur les noms: il ne l'eſt guere moins de vouloir donner un nom connu & déterminé à une choſe à laquelle il ne convient nullement. Le nom de Comédie ne convient pas davantage au Comique-Larmoyant, que celui de Poëme épique aux Aventures de Dom Quichotte. . . Comment donc caractériſer ce nouveau genre? Une décla- mation pathétique miſe en Dialogue, & ſoûtenue dans le cours d'une intrigue de Roman, &c. Principes pour lire les Poëtes, tome 2.


5 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Mais afin que vous ne m'accuſiez pas de combattre des chimeres, je dois vous tranſcrire ici les maximes * Lettresſur Méla-nide.Paris,Merigot,1741.d'un Apologiſte de Mélanide*, cet te Comédie, ſi juſtement célebre, & dont j'aurai ſi ſouvent occaſion de vous parler dans la ſuite. „Pour- quoi, dit-il, voudroit-on défen dre à ſon Auteur de réunir dans le même ouvrage ce que le Comique a de plus fin, & tout ce que le Tra gique peut offrir de plus touchant? Blâme ce mélange qui voudra; pour moi, je m'en accommode très-bien; aimer le changement juſques dans les plaiſirs, c'eſt le goût de la nature. . . . . On paſſe d'un plaiſir à l'autre; on rit & l'on pleure tour à tour. Ce genre de Spectacle eſt nouveau, ſil'on veut; mais il a pour lui le ſuffrage de la raiſon & de la nature, l'autorité du beau ſexe, & les applaudiſſe mens du Public“.


6 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Telles ſont, Meſſieurs, les maximes dangereuſes contre leſ quelles j'oſe m'élever; car remar quez, je vous prie, que, péné tré de la plus ſincere admiration pour le génie des Auteurs, je n'at taque jamais que le goût de leurs ouvrages, ou plutôt celui du Comique- plaintif pris en général. Je me ſuis toûjours réſervé la liberté de donner avec vous mille loüanges aux Poëtes charmans, qui, par des beautés de détail très-réelles, par la découverte de pluſieurs portraits & de pluſieurs caracteres vrais & ſaillans, & par la nouveau té impoſante de leur coloris, ont ſu nous dérober quelquefois ce que le fond de leurs fables pouvoit a voir de frivole ou de défectueux. Le gé nie d'un Auteur perce toûjours, & peut lui attirer de juſtes éloges mal- gré les défauts de ſon ouvrage: mais les défauts de l'ouvrage percent auſſi, & peuvent être légitimement repris, malgré tous les preſtiges du génie de l'ouvrier.


7 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Ce n'eſt donc pas chez les An ciens que les Auteurs du nouveau genre ont puiſé la maniere plainti ve; & la victoire ne ſeroit pas long tems incertaine, ſi elle dépendoit de leurs exemples, ou même de ceux des Poëtes François qui ont brillé ſur notre Théatre juſqu'au com mencement de ce ſiecle. Le concours de tant d'autorités pourroit ſans doute former une démonſtration victorieuſe; cependant je veux bien pour un moment renoncer à cet avantage, & rechercher avec vous ſi les nouveaux accens mêlés de traits comiques & plaintifs ſont exactement puiſés dans la nature. Je conſens que l'uſage contraire, ſuivi pendant vingt ſiecles, ne puiſſe preſ crire contre la raiſon, & que l'erreur qu'il auroit conſacrée n'en ſoit pas moins une erreur. Je vous mets, comme vous voyez, extremement à votre aiſe; & vous ne pouvez, ſans injuſtice, exiger de moi plus de complaiſance & de déſintéreſſement.


8 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Pour vous fáire ſentir cette vérité dans toute ſa force, permettez-moi de vous citer un exemple odieux: mais il faut vous convain cre, ſi je ne puis vous perſuader. Dans la monſtrueuſe Comédie de Samſon, ce Héros, rempli d'un zele courageux, & après avoir invoqué l'Etre ſuprême, enfonce les portes de la priſon, & les emporte ſur ſes épaules. Arlequin paroît dans l'in ſtant chargé d'un dindon, & ſe répand en bouffonneries auſſi platement comiques, que les ſentimens du Héros avoient paru nobles & gé néreux. Que dites-vous, je vous prie, d'un contraſte qui amene ſi bruſquement deux ſituations, deux mouvemens auſſi contraires? Doutez-vous que la nature, la raiſon & la bienſéance ne lui ſoient pas éga lement oppoſées? & pouvez-vous vous empêcher de concevoir une eſ pece d'indignation contre ce concours de frivoles ſpectateurs, qui vont réguliérement admirer des ab- ſurdités auſſi révoltantes?


9 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Ainsi, l'objection priſe de la nature arbitraire de la Comédie, me paroît ſolidement réfutée; puiſque tout ce qui anéantit l'effet principal qu'un ouvrage doit produire, eſt un défaut eſſentiel. Cependant vous croyez pouvoir réſiſter enco re, parce que l'art comique eſt na turellement plus aſſervi que les au tres productions de génie au goût du ſiecle où l'on écrit, & que c'eſt ce goût qu'il faut ſuivre, ſi l'on veut réuſſir. J'adopte volontiers ces ma ximes: mais de quelle reſſource peuvent-elles ſervir à la gloire du Comique-Larmoyant? Loin que le goût général décide en ſa faveur, les autorités ſont au moins parta gées. Il eſt une portion choiſie de ſpectateurs dépoſitaires, pour ainſi dire, du feu ſacré de la vérité, & dont le goût ſûr & invariable n'a ja mais fléchi ſous la tyrannie de la mo de, niadoré la divinité du jour.


10 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Il faut choiſir, Meſſieurs, dans vos autres objections; car, quoique ce ſoit qpprofondir la matiere que d'y répondre ſucceſſivement, je dois néanmoins, pour éviter la longueur, me borner à celles qui paroiſſent les plus frappantes.


11 - Reflexions sur comique-lamoryant /

De ce que je viens de dire, il ſuit évidemment que l'original d'une vraie Comédie ne peut être un perſonnage entierement vertueux, comme le ſont ceux du nouveau genre, & que c'eſt un vice radical, ſur lequel toutes les beautés de dé tail ne peuvent jamais nous faire une entiere illuſion. En vain dira-t-on que les traits piquans & ſatyriques lancés ſur les originaux, ne portent plus aucun coup; que notre amour- propre ſait les détourner ſur les ob jets qui nous environnent*. En vain*Lettreſur Méla-nide. eſſayera-t-on de perſuader que les nouveaux comiques ſont d'autant plus loüables d'avoir ſubſtitué à des caracteres vicieux des perſonnages remplis de ſentimens d'honneur, que nous allons plus naturellement au-devant des maximes vertueuſes, & que nous les goûtons même avec délices pour peu qu'on ſache nous in téreſſer. Toutes ces raiſons ſont plus captieuſes que vraies, plus ébloüiſ ſantes que ſolides: jugeons-en par les effets; ils ſont plus ſûrs que le raiſonnement.


12 - Reflexions sur comique-lamoryant /

J'avoue

13 - Reflexions sur comique-lamoryant /

N'évoquez point ici pour ju ſtifier une maxime trop générale, & par là même dangereuſe, le bon mot de M. le Prince ſur la Tragé die ré guliere & ennuyeuſe de l'Abbé d'Aubignac, Ce ne fut pas l'emploi des regles qui cauſa la chûte de ſa Piece, mais la foibleſſe du coloris de ſon pinceau; & comme j'ai réſo lu de ne vous oppoſer que des rai ſons dont je ſois moi-même perſua dé, je commence par vous accorder que le Comique - plaintif produit de grands mouvemens, & même quelquefois des ſentimens agréables (a). Mais réduiſant pour un moment toute la queſtion à l'intérêt du plus grand plaiſir, je ſoûtiens qu'il

(a) On ne conteſte pas aux Auteurs du Co mique-Larmoyant, que le pathétique ne donne du plaiſir: mais cela ne prouve pas que cette ſorte de plaiſir ſoit celle qui convienne à la véritable Co médie, &c. Principes, idem.

ne peut nous en procurer d'auſſi variés, d'auſſi naturels que celui du ſiecle de Moliere.


14 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Mais ce n'eſt pas, ſi je l'oſe dire, la diminution & l'affoibliſſement de nos plaiſirs où l'inutilité d'une morale grave & triſtement ſententieu ſe, qu'on peut le plus légitimement reprocher au nouveau comique; ſon défaut principal eſt d'ôter les bornes qui ont toûjours ſéparéle Co- thurne du Brodequin (a), & de nous rappeller ainſi à l'eſpece monſtrueu- ſe du Tragi-comique, ſi juſtement proſcrite après pluſieurs années d'un triomphe impoſteur. Je ſais bien que le nouveau genre n'a point de traits auſſi biſarres; que la diſproportion des perſonnages n'eſt point auſſi révoltante, & que les Valetsn'y jouent pas avec les Princes: mais le fond en eſt également défectueux, quoi- que ce ſoit par des vices différens.

(a) Il ſemble qu'en France, depuis ſoixante ans, on ait oublié le ſecret de la bonne Comédie. On a perdu juſqu'a la trace de Moliere. On ne ſait plus établir & garder les différences qui ſé- parent la Comédie du genre tragique. Les deux ſtyles ſont maintenant confondus ſur notre Théa tre. Melpomene abandonne à Thalie ſa nobleſſe & ſa dignité. Donnez aux Acteurs des noms plus relevés; & de la plûpart de nos Comédies, vous ferez de vraies Tragédies, ou ce ſeront, ſi l'on veut, des Tragédies Bourgeoiſes, &c. Mémoires de Trévoux, Juillet 1748.

En effet, ſi le premier dégradoit des perſonnages héroïques, en ne leur donnant que des paſſions ſubal ternes, & s'il ne nous préſentoit que des tableaux de ces vertus commu nes, qui ne ſont point aſſez élevées pour l'Héroïſme de la Tragédie; le ſecond éleve des perſonnages communs à ce genre de ſentimens qui produit l'admiration, & les peint ſous les traits de cette pitié char mante qui fait l'appanage diſtinctif du Tragique. Ainſi le génie de l'une & de l'autre Scene paroiſſant égale ment oppoſé à l'eſſence convenue du Poëme comique, elles méritent une égale cenſure, & peut-être une égale proſcription.


15 - Reflexions sur comique-lamoryant /

Du tems de Moliere & des Cor neilles, & ſurtout au commence ment de leur ſiecle, on pouvoit re- préſenter les Savans & les beaux Eſ- prits de profeſſion, hériſſés de cita- tions Greques & Latines; appeſan tis ſur les Auteurs les plus barbares; durs & groſſiers dans leurs façons; ſales & négligés dans leur extérieur. Les mêmes traits ne conviennent plus depuis long-tems. L'air pédant a diſparu avec cette érudition pro- fonde, puiſée dans la lecture des originaux. Satisfaits, ſi je l'oſe dire, du ſimple vernis de la littérature, un débit aiſé & brillant tient lieu à la plûpart de nos Modernes de ce fond réel d'érudition qu'avoient leurs de vanciers. Leurs connoiſſances ſont, dit-on, plus variées, mais par là mê me plus ſuperficielles. Ils ont, ſi l'on veut, plus d'eſprit; mais peut- être moins de véritable génie. Enfin pluſieurs d'entr'eux ſemblent n'a voir retenu de leurs prédéceſſeurs que l'acharnement déplorable de décrier mutuellement leurs perſon nes & leurs ouvrages, & le talent fu- neſte de s'avilir ainſi eux - mêmes aux yeux de leurs contemporains & de la poſtérité.