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sixiéme Tome des Mémoires de Condé

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Ce jeune-homme sans expérience, qu'ils méprisoient, étoit Louïs de Bourbon alors Duc d'Enguien, connu de- puis sous le nom du Grand Condé. La plûpart des Grands Capitaines sont devenus tels par degrés. Ce Prince étoit né Général; l'Art de la guerre sembloit en lui un instinct naturel; il n'y avoit en Europe que lui & le Suedois Torstenson, qui eussent eu à vingt ans ce gé- nie, qui peut se passer de l'expérience.


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Le Duc d'Enguien avoit reçu avec la nouvelle de la mort de Louis XIII l'ordre de ne point hazarder de ba- taille. Le Maréchal de l'Hôpital, qui lui avoit été donné pour le conseiller & pour le conduire, secondoit par sa circonspection ces ordres timides. Le Prince ne crut ni le Maréchal, ni la Cour; il ne confia son dessein qu'à Gassion Maréchal de Camp, digne d'être consulté par lui; ils forcerent le Maréchal à trouver la bataille nécessaire.


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On remarque, que le Prince ayant tout réglé le soir,19 May. veille de la bataille, s'endormit si profondement, qu'il fallut le réveiller pour la donner. On conte la même chose d'Alexandre: il est naturel qu'un jeune - homme, épuisé des fatigues que demande l'arrangement d'un si grand jour, tombe ensuite dans un sommeil plein; il l'est aussi, qu'un génie fait pour la guerre, agissant sans in- quiétude, laisse au corps assez de calme pour dormir. Le Prince gagna la bataille par lui-même, par un coup d'œil qui voyoit à la fois le danger & la ressource, par son activité exemte de trouble, qui le portoit à-propos à tous les endroits. Ce fut lui qui avec de la Cavalerie at- taqua cette Infanterie Espagnole jusques-là invincible, aussi forte, aussi resserrée que la Phalange ancienne si estimée, & qui s'ouvroit avec une agilité que la Phalange n'avoit pas, pour laisser partir la décharge de dix-huit canons qu'elle renfermoit au milieu d'elle. Le Prince l'entoura, & l'attaqua trois fois. A peine victorieux, il arrêta le carnage. Les Officiers Espagnols se jettoient à ses genoux pour trouver auprès de lui un azile contre la fureur du Soldat vainqueur. Le Duc d'Enguien eut autant de soin de les épargner, qu'il en avoit pris pour les vaincre.


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Le vieux Comte de Fuentes, qui commandoit cette Infanterie Espagnole, mourut percé de coups. Condé en l'apprenant, dit, qu'il voudroit être mort comme lui, s'il n'avoit pas vaincu.


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Cette journée de Rocroy devint l'époque de la gloire Française, & de celle de Condé: il sut vaincre & profi- ter de la victoire. Ses Lettres à la Cour firent résoudre le Siége de Thionville, que le Cardinal de Richelieu n'avoit pas osé hazarder, & ses Couriers revenus trouve- rent tout preparé pour cette expédition.


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Le Prince de Condé passa à-travers le Païs ennemi, 8 Août 1643trompa la vigilance du Général Beck, & prit enfin Thi- onville. De là il courut mettre le Siége devant Cirq, & s'en rendre maître. Il fit repasser le Rhin aux Alle- mans, il le passa après eux, il vint réparer les pertes & les défaites que les Français avoient essuyés sur ces fron- tieres après la mort du Maréchal de Guébriant. Il trou- va Fribourg pris, & le Général Mercy sous ses murs avec une Armée supérieure encor à la sienne. Condé avoit sous lui deux Maréchaux de France, dont l'un étoit le Maréchal de Gramont, & l'autre ce Vicomte de Turen- ne, qui passoit déja pour un des plus habiles Capitaines DE LOUIS XIV. de son tems, & qu'on osoit comparer au Maréchal de Guébriant.


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Le Prince de Condé passa à-travers le Païs ennemi, 8 Août 1643trompa la vigilance du Général Beck, & prit enfin Thi- onville. De là il courut mettre le Siége devant Cirq, & s'en rendre maître. Il fit repasser le Rhin aux Alle- mans, il le passa après eux, il vint réparer les pertes & les défaites que les Français avoient essuyés sur ces fron- tieres après la mort du Maréchal de Guébriant. Il trou- va Fribourg pris, & le Général Mercy sous ses murs avec une Armée supérieure encor à la sienne. Condé avoit sous lui deux Maréchaux de France, dont l'un étoit le Maréchal de Gramont, & l'autre ce Vicomte de Turen- ne, qui passoit déja pour un des plus habiles Capitaines DE LOUIS XIV. de son tems, & qu'on osoit comparer au Maréchal de Guébriant.


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Ce fut avec eux qu'il attaqua le Camp de Mercy re-31 Août 1644 tranché sur deux éminences. Le combat recommença trois fois, à trois jours différents. On dit, que le Duc d'Enguien jetta son Bâton de Commandement dans les Retranchements des Ennemis, & marcha pour le repren- dre l'épée à la main à la tête du Régiment de Conty. Il falloit peut-être des actions aussi hardies pour mener les Troupes à des attaques si difficiles. Cette bataille de Fribourg, plus meurtriere que décisive, fut comptée pour la seconde Victoire de ce Prince. Mercy décampa quatre jours après. Philipsbourg & Mayence rendus fu- rent la preuve & le fruit de la Victoire.


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Bien-tôt les affaires chancelantes forcerent la Cour de rappeller Condé en Flandre. L'Archiduc Leopold, frere de l'Empereur, assiégeoit Lens en Artois. Condé rendu à ses Troupes qui avoient toûjours vaincu sous lui, les mena droit à l'Archiduc. C'étoit pour la troisiéme fois qu'il don- noit bataille avec le désavantage du nombre. Il dit à ses Soldats ces seules paroles; Amis, souvenez-vous de Rocroy, de Fribourg & de Norlingue. Cette bataille de Lens mit le comble à sa gloire.


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Tandis que le Prince de Condé* comptoit ainsi les années de sa jeunesse par des Victoires, & que le Duc d'Or- leans, frere de Louïs XIII, avoit aussi soutenu la réputationJuillet 1644. Nov. 1644.d'un Fils d'Henry IV, & celle de la France, par la prise de Gravelines, par celle de Courtray & de Mardik; le Vi- comte de Turenne avoit pris Landau, il avoit chassé les Espagnols de Trêve, & rétabli l'Electeur.


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Que cette Reine ait éte déterminée à ce choix par son cœur ou par la politique, c'est ce qu'on n'a jamais sçu, & ce que les plus clairvoyans tâcherent envain de démê- ler. Mazarin usa d'abord avec modération de sa puissan- ce. Il faudroit avoir vécu long-tems avec un Ministre pour peindre son caractere, pour dire quel degré de cou- rage ou de faiblesse il avoit dans l'esprit; à quel point il étoit ou prudent ou fourbe. Ainsi sans vouloir deviner ce qu'étoit Mazarin, on dira seulement ce qu'il fit. Il affecta dans les commencemens de sa grandeur, autant de simplicité que Richelieu avoit déployé de hauteur. Loin de prendre des Gardes, & de marcher avec un faste Royal, il eut d'abord le train le plus modeste; il mit de l'affabilité, & même de la molesse partout, où son Préde- cesseur avoit fait paraitre une fierté infléxible. La Reine vouloit faire aimer sa Régence & sa personne, de la Cour & des Peuples, & elle y réussissoit. Gaston, Duc d'Or- leans frere de Louïs XIII, & le Prince de Condé, ap- puyoient son pouvoir, & n'avoient d'émulation que pour servir l'Etat.


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Elle s'enfuit de Paris avec ses enfans, son Ministre, le Duc d'Orleans, frere de Louïs XIII, le Grand Condé lui - même, & alla à St. Germain; on fut obligé de met- tre en gages chez des Usuriers les Pierreries de la Cou- ronne. Le Roi manqua souvent du nécessaire. Les Pa- ges de sa Chambre furent congediez, parcequ'on n'avoit pas dequoi les nourrir. En ce tems-là même la tante de Louïs XIV, fille de Henry le Grand, femme du Roi d'Angleterre, réfugiée à Paris, y étoit réduite aux der- niéres extrémités de la pauvreté, & sa fille, depuis ma- riée au frere de Louïs XIV, restoit au lit n'ayant pas de- quoi se chauffer; sans que le Peuple de Paris, enyvré de ses fureurs, fît seulement attention aux afflictions de tan de personnes Royales.


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La Reine, les larmes aux yeux, pressa le Prince de Condé de servir de Protecteur au Roi. Le Vainqueur de Rocroy, de Fribourg, de Lens & de Nordlingue, ne put démentir tant de services passez: il fut flatté de l'hon- neur de défendre une Cour, qu'il croyoit ingrate, contre la Fronde, qui recherchoit son appui. Le Parlement eut donc le Grand Condé à combattre, & il osa soutenir la Guerre.


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La Reine, les larmes aux yeux, pressa le Prince de Condé de servir de Protecteur au Roi. Le Vainqueur de Rocroy, de Fribourg, de Lens & de Nordlingue, ne put démentir tant de services passez: il fut flatté de l'hon- neur de défendre une Cour, qu'il croyoit ingrate, contre la Fronde, qui recherchoit son appui. Le Parlement eut donc le Grand Condé à combattre, & il osa soutenir la Guerre.