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16 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

La guerre qu'il fit à Charles douze pour recouvrer les Provinces que les Suedois avoient autrefois conquises sur les Russes, ne l'empêcha pas toute malheureuse qu'elle fut d'abord, de continuer ses reformes dans l'état & dans l'Eglise; il declara à la fin de 1699 que l'année suivante commençoit au mois de Janvier et non au mois de Septembre. Les Russes qui pensoient, que Dieu avoit crée le monde en Septembre, furent étonnez que leur Csar fut assez puissant pour changer ce que Dieu avoit fait. Cette reforme commença avec le Siecle en 1700 par un grand Jubilé que le Csar indiqua lui-même, il avoit supprimé la dignité de Patriarche et il en faisoit les fonctions. Il n'est pas vrai qu'il eut, comme on l'a dit, mis son Patriarche aux petites maisons de Moscau. Il avoit coutume, quand il vouloit se rejouïr en punissant, de dire à celui qu'il chatioit ainsi, je te fais fou; et celui à qui il donnoit ce beau titre étoit obligé, fût il le plus grand Seigneur du Royaume, de porter une marotte, une jacquette et des grelots, et de divertir la cour en qualité de fou de Sa Majesté Csarienne. Il ne donna point cette charge au Patriarche; il se contenta de supprimer un emploi, dont ceux, qui en avoient été revétis, avoient abusés au point qu'ils avoient obligé les Csars de marcher devant eux une fois l'an en tenant la bride du cheval patriarchal, ceremonie dont un homme tel que Pierre le Grand s'étoit d'abord dispensé.


17 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

La guerre qu'il fit à Charles douze pour recouvrer les Provinces que les Suedois avoient autrefois conquises sur les Russes, ne l'empêcha pas toute malheureuse qu'elle fut d'abord, de continuer ses reformes dans l'état & dans l'Eglise; il declara à la fin de 1699 que l'année suivante commençoit au mois de Janvier et non au mois de Septembre. Les Russes qui pensoient, que Dieu avoit crée le monde en Septembre, furent étonnez que leur Csar fut assez puissant pour changer ce que Dieu avoit fait. Cette reforme commença avec le Siecle en 1700 par un grand Jubilé que le Csar indiqua lui-même, il avoit supprimé la dignité de Patriarche et il en faisoit les fonctions. Il n'est pas vrai qu'il eut, comme on l'a dit, mis son Patriarche aux petites maisons de Moscau. Il avoit coutume, quand il vouloit se rejouïr en punissant, de dire à celui qu'il chatioit ainsi, je te fais fou; et celui à qui il donnoit ce beau titre étoit obligé, fût il le plus grand Seigneur du Royaume, de porter une marotte, une jacquette et des grelots, et de divertir la cour en qualité de fou de Sa Majesté Csarienne. Il ne donna point cette charge au Patriarche; il se contenta de supprimer un emploi, dont ceux, qui en avoient été revétis, avoient abusés au point qu'ils avoient obligé les Csars de marcher devant eux une fois l'an en tenant la bride du cheval patriarchal, ceremonie dont un homme tel que Pierre le Grand s'étoit d'abord dispensé.


18 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Pierre abolit les poignées de verges, defendit aux maris de tuer leurs femmes, & pour rendre les mariages moins malheureux & mieux assortis, il introduisit l'usage de faire manger les hommes avec elles & de presenter les prétendants aux filles avant la célébration; en un mot, il établit & fit naitre tout dans ses états jusqu'à la Societé. On connait le réglement, qu'il fit lui-même pour obliger ses Boyards & ses Boyardes à tenir des assemblées, où les fautes, qu'on commettoit contre la civilité Russe, étoient punies d'un grand verre d'eau de vie, qu'on faisoit boire au délinquant, de façon, que toute l'honorable compagnie s'en retournoit fort yvre & peu corrigée. Mais c'étoit beaucoup d'introduire un espéce de societé chez un peuple, qui n'en connaissoit point. On alla même jusqu'à donner quelque fois des spectacles dramatiques. La Princesse Natalie, une de ses sœurs, fit des Tragédies en langue Russe, qui ressembloient assez aux piéces de Shakespear, dans lesquelles des Tirans & des Arlequins faisoient les premiers rôles. L'orchestre étoit composée de violons Russes qu'on faisoit jouer à coup de nerfs de bœuf. A présent on a dans Petersbourg des Comédiens Français & des Operas Italiens. La magnificence & le goût même ont en tout succedé à la Barbarie. Une des plus difficiles entreprises du fondateur, fut d'accourcir les robes & de faire raser les barbes de son Peuple. Ce fut là l'objet des plus grands murmures; comment apprendre à toute une nation à faire des habits à l'Allemande & à manier le rasoir. On en vint à bout en plaçant aux portes des villes des tailleurs & des Barbiers, les uns coupoient les robes de ceux, qui entroient; les autres les barbes: les obstinés payoient quarante sols de nôtre monnaye. Bientôt on aima mieux perdre sa barbe, que son argent. Les femmes servirent utilement le Csar dans cette reforme; elles preferoient les mentons rasés, elles lui eurent l'obligation de n'être plus fouettés, de vivre en Societé avec les hommes, & d'avoir à baiser des visages plus honnêtes.


19 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Pierre abolit les poignées de verges, defendit aux maris de tuer leurs femmes, & pour rendre les mariages moins malheureux & mieux assortis, il introduisit l'usage de faire manger les hommes avec elles & de presenter les prétendants aux filles avant la célébration; en un mot, il établit & fit naitre tout dans ses états jusqu'à la Societé. On connait le réglement, qu'il fit lui-même pour obliger ses Boyards & ses Boyardes à tenir des assemblées, où les fautes, qu'on commettoit contre la civilité Russe, étoient punies d'un grand verre d'eau de vie, qu'on faisoit boire au délinquant, de façon, que toute l'honorable compagnie s'en retournoit fort yvre & peu corrigée. Mais c'étoit beaucoup d'introduire un espéce de societé chez un peuple, qui n'en connaissoit point. On alla même jusqu'à donner quelque fois des spectacles dramatiques. La Princesse Natalie, une de ses sœurs, fit des Tragédies en langue Russe, qui ressembloient assez aux piéces de Shakespear, dans lesquelles des Tirans & des Arlequins faisoient les premiers rôles. L'orchestre étoit composée de violons Russes qu'on faisoit jouer à coup de nerfs de bœuf. A présent on a dans Petersbourg des Comédiens Français & des Operas Italiens. La magnificence & le goût même ont en tout succedé à la Barbarie. Une des plus difficiles entreprises du fondateur, fut d'accourcir les robes & de faire raser les barbes de son Peuple. Ce fut là l'objet des plus grands murmures; comment apprendre à toute une nation à faire des habits à l'Allemande & à manier le rasoir. On en vint à bout en plaçant aux portes des villes des tailleurs & des Barbiers, les uns coupoient les robes de ceux, qui entroient; les autres les barbes: les obstinés payoient quarante sols de nôtre monnaye. Bientôt on aima mieux perdre sa barbe, que son argent. Les femmes servirent utilement le Csar dans cette reforme; elles preferoient les mentons rasés, elles lui eurent l'obligation de n'être plus fouettés, de vivre en Societé avec les hommes, & d'avoir à baiser des visages plus honnêtes.


20 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Au milieu de ces réformes grandes & petites, qui faisoient les amusemens du Csar, & de la guerre terrible, qui l'occupoit contre Charles douze, il jetta les fondemens de l'importante Ville & du Port de Petersbourg en 1704, dans un marais, où il n'y avoit pas une cabane.Pierre travailla de ses mains à la premiére maison; rien ne le rebuta, des ouvriers furent forcés de venir sur ce bord de la Mer Baltique, des frontiéres d'Astracan, des bords de la Mer Noire & de la Mer Caspienne. Il perit plus de cent mille hommes dans les travaux, qu'il fallut faire, & dans les fatigues & la disette qu'on essuya; mais enfin la ville existe. Les ports d'Archangel, d'Astracan, d'Azoph, de Veronis furent construits.


21 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Quand il eut crée sa nation, il crut, qu'il lui étoit bien permis de satisfaire son goût en épousant sa Maitresse, & une Maitresse, qui méritoit d'être sa femme. Il fit ce Mariage publiquement en 1712. Cette célébre Catherine, orfeline née dans le village de Ringen en Estonie, nourrie par charité chez un Vicaire, long-tems servante, mariée à un Soldat Livonien, prise par un parti Moscovite deux jours après ce premier mariage, avoit passé du service duGénéral Bauer à celui de Menzicof, garçon patissier, qui devint Prince & le premier homme de l'Empire; enfin elle fut l'Epouse de Pierre le Grand, & ensuite Imperatrice Souveraine après la mort du Csar, & digne de l'être. Elle adoucit beaucoup les Mœurs de son Mari, & sauva beaucoup plus de dos du Knout & beaucoup plus de têtes de sa hache, que n'avoit fait le Général le Fort. On l'aima, on la revera; un Baron Allemand, un Ecuyer d'un Abbé de Fulde n'eut point épousé Catherine; mais Pierre le Grand ne pensoit pas, que le mérite eut auprès de lui besoin de trente deux quartiers. Les Souverains pensent volontiers, qu'il n'y a d'autre grandeur, que celle qu'ils donnent, & que tout est égal dévant eux. Il est bien certain, que la Naissance ne met pas plus de différence entre les hommes qu'entre un anon dont le Pere portoit du fumier, & un anon dont le Pere portoit des reliques. L'Education fait la grande différence, les Talens la font prodigieuse, la fortune encore plus. Catherine avoit eu une Education toute aussi bonne pour le moins chez son Curé d'Estonie, que toutes les Boyardes de Moscau & d'Archangel, & étoit née avec plus de Talens & une ame plus grande: elle avoit reglé la Maison du Général Bauer & celle du Prince Menzikof, sans savoir ni lire ni écrire. Quiconque sait très bien gouverner une maison peut gouverner un Royaume; cela peut paraître un paradoxe; mais certainement c'est avec le même Esprit d'ordre, desagesse & de fermeté, qu'on commande à cent personnes & à cent millions.


22 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Le Csarevitz Alexis, Fils du Csar, qui épousa, dit on, comme lui une Esclave, & qui comme lui quitta sécrétement la Moscovie n'eut pas un succès pareil dans ses deux entreprises & il en couta la vie au fils pour avoir imité mal à propos le Pere; ce fut un des plus terribles exemples de sévérité, que jamais on ait donné du haut d'un Trône; mais ce qui est bien honorable pour la memoire de l'Imperatrice Catherine c'est qu'elle n'eut point de part au malheur de ce Prince né d'un autre lit, & qui n'aimoit rien de ce que son Pere aimoit: on n'accusa point Catherine d'avoir agi en Marâtre cruelle; le grand crime du malheureux Alexis étoit d'être trop Russe, de desapprouver tout ce que son Pere faisoit de grand & d'immortel pour la gloire de la nation. Un jour entendant des Moscovites, qui se plaignoient des travaux insupportables, qu'il falloit endurer pour batir Petersbourg, Consolez vous, dit-il, cette ville ne durera pas long-tems. Quand il falloit suivre son Pere dans ces voyages de cinq à six cent lieuës que le Csar entreprenoit souvent, le Prince fei-gnoit d'être malade, on le purgeoit rudement, pour la maladie, qu'il n'avoit pas, tants de médecines jointes à beaucoup d'eau de vie altererent sa sante & son Esprit. Il avoit eu d'abord de l'inclination pour s'instruire; il savoit la Géométrie, l'Histoire, avoit appris l'Allemand, mais il n'aimoit point la Guerre, ne vouloit point l'apprendre & c'est ce que son Pere lui reprochoit le plus. On l'avoit marié à la Princesse de Wolfenbuttel, Sœur de l'Imperatrice femme de Charles six en 1711. Ce mariage fut malheureux. La Princesse étoit souvent abandonnée pour des débauches d'eau de vie, & pour Afrosine fille Finlandaise, grande, bienfaite, & fort douce. On prétend que la Princesse mourut de chagrin, si le chagin<chagrin> peut donner la mort, & que le Csarowitz épousa ensuite secrettementAfrosine en 1713, lorsque l'Imperatrice Catherine venoit de lui donner un frere dont il se séroit bien passé.


23 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Les mecontentemens entre le Pere & le fils devinrent de jour en jour plus sérieux jusque là que Pierre des l'an 1716 ménaça le Prince de le désheriter, & le Prince lui dit, qu'il vouloit se faire Moine.


24 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Le Csar en 1717 rénouvella ses Voyages par Politique & par Curiosité, il alla enfin en France. Si son Fils avoit voulu se révolter, s'il y avoit eu en effet un Parti formé en sa faveur, c'étoit là le tems de se déclarer; mais au lieu de rester en Russie & de s'y faire des créatures, il alla voyager de son côté, ayant eu bien de la peine à rassembler quelque miliers de Ducats, qu'il avoit sécrettement empruntés. Il se jetta entre les bras de l'EmpereurCharles VI, frere de sa defunte femme. On le garda quelque tems très incognito à Vienne, de là on le fit passer à Naples où il resta près d'un an, sans que ni le Csar, ni personne en Russie, sut le lieu de sa rétraite.


25 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Pendant que le fils étoit ainsi caché, le Pere étoit à Paris, où il fut reçû avec les mêmes réspects qu'ailleurs, mais avec une Galanterie, qu'il ne pouvoit trouver qu'en France. S'il alloit voir une manufacture, & qu'un ouvrage attirât plus ses régards qu'un autre, on lui en faisoit présent le lendemain; il alla diner à Petitbourg, chez Monsieur le Duc d'Antin, & la premiére chose qu'il vit, fut son Portrait en grand avec le méme<même> habit qu'il portoit. Quand il alla voir la Monnoye Royale des medailles, on en frappa dévant lui de toute espéce, & on les lui présentoit; enfin on en frappa une qu'on laissa expres tomber à ses pieds & qu'on lui laissa ramasser. Il s'y vit gravé d'une maniére parfaite avec ces mot: Pierre le Grand. Le Revers étoit une Renommée & la Legende, Vires acquirit eundo; allégorie aussi juste, que flateuse pour un Prince qui augmentoit en effet son mérite par ses voyages.


26 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Après avoir vû ce païs, où tout dispose les hommes à la douceur & à l'indulgence, il retourna dans sa patrie, & y reprit sa sévérité. Il avoit enfin engagé son Fils à revenir de Naples à Petersbourg; ce jeune Prince fut de là conduit à Moscau devant le Csar son Pere, qui commença par le priver de la succession au Trône, & lui fit signer un acte solemnel de renonciation, à la fin du mois de Janvier 1718, & en considération de cette le Pere promit à son Fils de lui laisser la vie.


27 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

Il n'étoit pas hors de vraisemblance, qu'un tel acte séroit un jour annullé. Le Csar pour lui donner plus de force, oubliant qu'il étoit Pere & se souvenant seulement qu'il étoit fondateur d'un Empire, que son Fils pouvoit replonger dans la Barbarie, fit instruire publiquement le Procès de ce Prince infortuné, sur quelques reticences, qu'on lui reprochoit dans l'aveu, qu'on avoit d'abord exigé de lui.


28 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

On assembla des Eveques, des Abbés & des Professeurs, qui trouverent dans l'Ancien Testament, que ceux, qui maudissent leur Pere & leur Mere, doivent être mis à mort, qu'à la verité >David avoit pardonné à son Fils Absalon révolté contre lui, mais que Dieu n'avoit pas pardonné à Absalon. Tel fut leur avis sans rien conclure, mais c'étoit en effet signer un arrêt de mort. Alexis n'a-voit à la verité jamais maudit son Pere; il ne s'étoit point revolté comme Absalon, il n'avoit point couché publiquement avec les Concubines du Roi; il avoit voiagé sans la permission paternelle, & il avoit écrit des lettres à ses amis, par lesquelles il marquoit seulement, qu'il esperoit, qu'on se souviendroit un jour de lui en Russie. Cependant de cent vingt quatre Juges seculiers qu'on lui donna il ne s'en trouva pas un, qui ne conclut à la mort; & ceux qui ne savoient pas écrire, firent signer les autres pour eux. On a dit dans l'Europe, que le Csar s'étoit fait traduire d'Espagnol en Russe le Procès criminel de Don Carlos, ce Prince infortuné, que Philippe second son Pere avoit fait mettre dans un prison, où mourut cet Heritier d'une grande Monarchie; mais jamais il n'y eut de Procès fait à Don Carlos, & jamais on n'a sû la Maniére soit violente soit naturelle dont ce Prince mourut. Pierre le plus despotique des Princes n'avoit pas besoin d'exemple. Ce qui est certain c'est, que son fils mourut dans son lit de lendemain de l'arrest, & que le Csar avoit à Moscau une des plus belles Apotiquaireries de l'Europe. Cependant il est probable, que le Prince Alexis Heritier de la plus vaste Monarchie du monde, condamné unanimement par les sujets de son Pere, qui devoient être un jour les siens, put mourir de la revolution, que fit dans son corps un arrest si étrange & si funeste. Le Pere alla voir son Fils expirant, & on dit qu'il versa des larmes, infelix utcunque ferent ea fata nepotes. Mais malgré ses larmes les roues furent couvertes des membres rompus des amis de son Fils. Il fit couper la tête à son propre beau frere le Comte Lapuchin frere de sa femme Ottokesa Lapuchin, qu'il avoit repudiée & Oncle du Prince Alexis. Le Confesseur du Prince eut aussi la tête coupée. Si la Moscovie a été civilisée, il faut avouer, que cette politesse lui a couté cher.


29 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

On assembla des Eveques, des Abbés & des Professeurs, qui trouverent dans l'Ancien Testament, que ceux, qui maudissent leur Pere & leur Mere, doivent être mis à mort, qu'à la verité >David avoit pardonné à son Fils Absalon révolté contre lui, mais que Dieu n'avoit pas pardonné à Absalon. Tel fut leur avis sans rien conclure, mais c'étoit en effet signer un arrêt de mort. Alexis n'a-voit à la verité jamais maudit son Pere; il ne s'étoit point revolté comme Absalon, il n'avoit point couché publiquement avec les Concubines du Roi; il avoit voiagé sans la permission paternelle, & il avoit écrit des lettres à ses amis, par lesquelles il marquoit seulement, qu'il esperoit, qu'on se souviendroit un jour de lui en Russie. Cependant de cent vingt quatre Juges seculiers qu'on lui donna il ne s'en trouva pas un, qui ne conclut à la mort; & ceux qui ne savoient pas écrire, firent signer les autres pour eux. On a dit dans l'Europe, que le Csar s'étoit fait traduire d'Espagnol en Russe le Procès criminel de Don Carlos, ce Prince infortuné, que Philippe second son Pere avoit fait mettre dans un prison, où mourut cet Heritier d'une grande Monarchie; mais jamais il n'y eut de Procès fait à Don Carlos, & jamais on n'a sû la Maniére soit violente soit naturelle dont ce Prince mourut. Pierre le plus despotique des Princes n'avoit pas besoin d'exemple. Ce qui est certain c'est, que son fils mourut dans son lit de lendemain de l'arrest, & que le Csar avoit à Moscau une des plus belles Apotiquaireries de l'Europe. Cependant il est probable, que le Prince Alexis Heritier de la plus vaste Monarchie du monde, condamné unanimement par les sujets de son Pere, qui devoient être un jour les siens, put mourir de la revolution, que fit dans son corps un arrest si étrange & si funeste. Le Pere alla voir son Fils expirant, & on dit qu'il versa des larmes, infelix utcunque ferent ea fata nepotes. Mais malgré ses larmes les roues furent couvertes des membres rompus des amis de son Fils. Il fit couper la tête à son propre beau frere le Comte Lapuchin frere de sa femme Ottokesa Lapuchin, qu'il avoit repudiée & Oncle du Prince Alexis. Le Confesseur du Prince eut aussi la tête coupée. Si la Moscovie a été civilisée, il faut avouer, que cette politesse lui a couté cher.


30 - Geheime Nachrichten von dem Czaar Peter dem großen /

A voir ce qu'il a fait de Petersbourg qu'on juge ce qu'il eut fait de Paris. Ce qui m'étonne le plus c'est le peu d'esperance, que devoit avoir le genre-humain, qu'il dut naitre à Moscau un homme tel que le Csar Pierre. Il y avoit à parier un nombre égal à celui de tous les hommes, qui ont peuplé de tous les tems la Russie contre l'unité, que ce genie si contraire au genie de sa Nation ne seroit donné à aucun Russe; & il y avoit encore à parier quinze millions, qui font le nombre des Russes d'aujourd'hui contre un, que ce lot de la nature ne tomberoit pas au Csar. Cependant la chose est arrivée. Il a fallu un nombre prodigieux de combinaisons & de Siécles avant que la nature fit naitre celui qui devoit inventer la charruë & celui à qui nous devons l'art de la navette. Aujourd'hui les Russes ne sont plus surpris de leurs progrés, ils se sont en moins de cinquante ans familiarisez avec tous les arts. On diroit, que ces arts sont anciens chez eux, il y a encore de vastes climats en Afrique où les hommes ont besoin d'un Csar Pierre; il viendra peut-être dans des millions d'années, car tout vient trop tard.