Suchbegriff: mazarin
Treffer: 78

16 - /

L'esprit de vertige qui régnoit en ce tems, posseda si bien tout le Corps du Parlement de Paris, qu'après avoir solemnellement ordonné un assassinat dont on se mo- quoit, il rendit un Arrêt, par lequel plusieurs Conseil- lers devoient se transporter sur la frontiere pour informer contre l'Armée du Cardinal Mazarin; c'est-à-dire, contre l'Armée Royale.


17 - /

Précisément dans le tems que cette Compagnie s'a- bandonnoit à ces extrémitez contre le Ministre du Roi, elle déclaroit Criminel de Léze - Majesté le Prince de Condé, qui n'étoit armé que contre ce Ministre; & par un renversement d'esprit, que toutes les démarches précédentes rendent croyable, elle ordonna, que les nouvelles Troupes de Gaston, Duc d'Orleans, marche- roient contre Mazarin, & elle défendit en même tems qu'on prît aucuns deniers dans les Recettes publiques pour les soudoyer.


18 - /

Louis XIV, élevé dans l'adversité, alloit avec sa mere, son frere, & le Cardinal Mazarin, de Province en Pro- vince, n'ayant pas autant de Troupes autour de sa per- sonne, à beaucoup près qu'il en eut depuis en tems de paix pour sa seule Garde. Cinq à six mille hommes, les uns envoyez d'Espagne, les autres levez par les Partisans du Prince de Condé, le poursuivoient au cœur de son Royaume.


19 - /

L'Armée Royale étoit séparée en deux Corps. Condé fondit sur celui, qui étoit à Blenau, commandé par le Ma- réchal d'Hoquincourt, & ce Corps fut dissipé en même tems qu'attaqué. Turenne n'en put être averti. Le Car- dinal Mazarin effrayé, courut à Gien au milieu de la nuit réveiller le Roi qui dormoit, pour lui apprendre cette nou- velle. Sa petite Cour fut consternée; on proposa de sau- ver le Roi par la fuite, & de le conduire sécretement à Bourges. Le Prince de Condé victorieux, approchoit de Gien, la désolation & la crainte augmentoient. Turenne par sa fermeté rassura les esprits, & sauva la Cour par son habilité: il fit, avec le peu qui lui restoit de Troupes, des mouvemens si heureux, profita si bien du terrein & du DE LOUIS XIV. tems, qu'il empêcha Condé de poursuivre son avantage. Il fut difficile alors de décider, lequel avoit acquis plus d'honneur, ou de Condé victorieux, ou de Turenne, qui lui avoit arraché le prix de sa victoire. Il est vrai, que dans ce combat de Blenau, si long-tems célébre en France, il n'y avoit pas eu quatre cens hommes de tuez; mais le Prince de Condé n'en fut pas moins sur le point de se rendre Maître de toute la Famille Royale, & d'avoir entre ses mains son ennemi, le Cardinal Mazarin. On ne pouvoit guéres voir un plus petit combat, de plus grands intérêts, & un danger plus pressant.


20 - /

L'Armée Royale étoit séparée en deux Corps. Condé fondit sur celui, qui étoit à Blenau, commandé par le Ma- réchal d'Hoquincourt, & ce Corps fut dissipé en même tems qu'attaqué. Turenne n'en put être averti. Le Car- dinal Mazarin effrayé, courut à Gien au milieu de la nuit réveiller le Roi qui dormoit, pour lui apprendre cette nou- velle. Sa petite Cour fut consternée; on proposa de sau- ver le Roi par la fuite, & de le conduire sécretement à Bourges. Le Prince de Condé victorieux, approchoit de Gien, la désolation & la crainte augmentoient. Turenne par sa fermeté rassura les esprits, & sauva la Cour par son habilité: il fit, avec le peu qui lui restoit de Troupes, des mouvemens si heureux, profita si bien du terrein & du DE LOUIS XIV. tems, qu'il empêcha Condé de poursuivre son avantage. Il fut difficile alors de décider, lequel avoit acquis plus d'honneur, ou de Condé victorieux, ou de Turenne, qui lui avoit arraché le prix de sa victoire. Il est vrai, que dans ce combat de Blenau, si long-tems célébre en France, il n'y avoit pas eu quatre cens hommes de tuez; mais le Prince de Condé n'en fut pas moins sur le point de se rendre Maître de toute la Famille Royale, & d'avoir entre ses mains son ennemi, le Cardinal Mazarin. On ne pouvoit guéres voir un plus petit combat, de plus grands intérêts, & un danger plus pressant.


21 - /

Condé, qui ne se flattoit pas de surprendre Turenne, comme il avoit surpris d'Hoquincourt, fit marcher son Armée vers Paris: il se hâta d'aller dans cette Ville jouïr de sa gloire, & des dispositions favorables d'un Peuple aveugle. L'admiration qu'on avoit pour ce dernier com- bat, dont on exagéroit encor toutes les circonstances, la haine qu'on portoit à Mazarin, le nom & la présence du Grand Condé, sembloient d'abord le rendre Maître absolu de la Capitale. Mais dans le fond tous les esprits étoient divisés; chaque Parti étoit subdivisé en Factions, comme il arrive dans tous les troubles. Le Coadjuteur, devenu Cardinal de Retz, racommodé en apparence avec la Cour, qui le craignoit, & dont il se défioit, n'étoit plus le Maître du Peuple, & ne jouoit plus le principal rôle. Il gouver- noit le Duc d'Orleans, & étoit opposé à Condé. Le Par- lement flotoit entre la Cour, le Duc d'Orleans, & le Prince, quoique tout le monde s'accordât à crier contre Mazarin; chacun ménageoit en secret des intérêts particuliers; le Peuple étoit une mer orageuse dont les vagues étoient poussées au hazard par tant de vents contraires.


22 - /

Condé, qui ne se flattoit pas de surprendre Turenne, comme il avoit surpris d'Hoquincourt, fit marcher son Armée vers Paris: il se hâta d'aller dans cette Ville jouïr de sa gloire, & des dispositions favorables d'un Peuple aveugle. L'admiration qu'on avoit pour ce dernier com- bat, dont on exagéroit encor toutes les circonstances, la haine qu'on portoit à Mazarin, le nom & la présence du Grand Condé, sembloient d'abord le rendre Maître absolu de la Capitale. Mais dans le fond tous les esprits étoient divisés; chaque Parti étoit subdivisé en Factions, comme il arrive dans tous les troubles. Le Coadjuteur, devenu Cardinal de Retz, racommodé en apparence avec la Cour, qui le craignoit, & dont il se défioit, n'étoit plus le Maître du Peuple, & ne jouoit plus le principal rôle. Il gouver- noit le Duc d'Orleans, & étoit opposé à Condé. Le Par- lement flotoit entre la Cour, le Duc d'Orleans, & le Prince, quoique tout le monde s'accordât à crier contre Mazarin; chacun ménageoit en secret des intérêts particuliers; le Peuple étoit une mer orageuse dont les vagues étoient poussées au hazard par tant de vents contraires.


23 - /

On ne voyoit que Négociations entre les Chefs de Par- tis, Députations du Parlement, Assemblées de Chambres, séditions dans la Populace, Gens de Guerre dans la cam- ESSAI SUR LE SIE'CLE pagne. Le Prince avoit appellé les Espagnols à son se- cours. Charles IV, ce Duc de Lorraine chassé de ses Etats, & à qui il restoit pour tous biens une Armée de huit mille hommes, qu'il vendoit tous les ans au Roi d'Espagne, vint auprès de Paris avec cette Armée. Le Cardinal Mazarin lui offrit plus d'argent pour s'en retourner, que le Parti de Condé ne lui en avoit donné pour venir. Le Duc de Lor- raine quitta bien-tôt la France après l'avoir désolée sur son passage, emportant l'argent des deux Partis.


24 - /

Le Prince de Condé avec un petit nombre de Seigneurs de son Parti, suivi de peu de Soldats, soutint & repoussa l'effort de l'Armée Royale. Le Roi regardoit ce combat du haut d'une éminence avec Mazarin. Le Duc d'Orleans, incertain du parti, qu'il devoit prendre, restoit dans son Palais du Luxembourg. Le Cardinal de Retz étoit can- tonné dans son Archevêché. Le Parlement attendoit l'is- suë de la bataille pour donner quelque Arrêt. Le Peuple, qui craignoit alors également, & les Troupes du Roi, & celles de Mr. le Prince, avoit fermé les portes de la Ville, & ne laissoit plus entrer ni sortir personne, pendant que ce 2 Juil. 1652.qu'il y avoit de plus grand en France s'acharnoit au combat, & versoit son sang dans le Fauxbourg. Ce fût-la que le Duc de la Rochefoucault, si illustrepar son courage & par son esprit, reçut un coup au-dessous des yeux, qui lui fit perdre la vuë pour quelque tems. On ne voyoit que jeunes Sei- gneurs tuez, ou blessez, qu'on rapportoit à la porte Saint Antoine, qui ne s'ouvroit point.


25 - /

Enfin Mademoiselle, fille de Gaston, prenant le parti de Condé, que son pere n'osa secourir, fit ouvrir les por- tes aux blessez, & eut la hardiesse de faire tirer sur les Troupes du Roi le canon de la Bastille. L'Armée Royale se retira, Condé n'acquit que de la gloire; mais Made- moiselle se perdit pour jamais dans l'esprit du Roi son cousin par cette action violente; & le Cardinal Maza- rin, qui savoit l'extrême envie, qu'avoit Mademoiselle d'epouser une Tête Couronnée, dit alors: Ce canon-là vient de tuer son mari.


26 - /

Après le sanglant & inutile combat de St. Antoine, le Roi ne put rentrer dans Paris, & le Prince n'y put de- meurer long-tems. Une émotion populaire, & le meur- tre de plusieurs Citoyens, dont on le crut l'auteur, le rendirent odieux au Peuple. Cependant il avoit encor sa brigue au Parlement. Ce Corps, peu intimidé alors par une Cour errante, & chassée en quelque façon de la Capitale, pressée par les cabales du Duc d'Orleans & du Prince, déclara par un Arrêt le Duc d'Orleans, Lieute-20 Juilles 1652. nant Général du Royaume, & Condé, Généralissime de ses Armées. La Cour irritée, ordonna au Parlement ESSAI SUR LE SIE'CLE de se transferer à Pontoise; quelques Conseillers obéï- rent. On vit ainsi deux Parlemens, qui se contestoient l'un à l'autre leur autorité, qui donnoient des Arrêts contraires, & qui par-là se seroient rendus le mépris du Peuple, s'ils ne s'étoient toujours accordez à deman- der l'expulsion de Mazarin, tant la haine contre ce Mi- nistre sembloit alors le devoir essentiel d'un Français.


27 - /

Il ne se trouva dans ce tems aucun Parti, qui ne fût faible; celui de la Cour l'étoit autant que les autres; l'ar- gent & les forces manquoient à tous; les Factions se mul- tiplioient; les combats n'avoient produit de chaque côté que des pertes & des regrets. La Cour se vit obli- gée de sacrifier encor Mazarin, que tout le monde ap- pelloit la cause des troubles, & qui n'en étoit que le pré- texte. Il sortit une seconde fois du Royaume; pour sur- 12 Août 1652.croît de honte, il fallut que le Roi donna une Déclara- tion publique par laquelle elle renvoyoit son Ministre, en vantant ses services, & en se plaignant de son exil.


28 - /

Charles I, Roi d'Angleterre, venoit de se mettre la tête sur un échafaut, pour avoir dans le commencement des troubles abandonné le sang de Straford son Premier Ministre, à son Parlement. Louïs XIV au-contraire de- vint le maître paisible de son Royaume en souffrant l'exil de Mazarin. Ainsi les mêmes faiblesses eurent des suc- cez bien différens. Le Roi d'Angleterre, en abandon- nant son Favori, enhardit un Peuple, qui respiroit la guer- re, & qui haïssoit les Rois: & Louïs XIV (ou plûtôt la Reine Mere) en renvoyant le Cardinal, ôta tout pré- texte de révolte à un Peuple las de la guerre, & qui ai- moit la Royauté.


29 - /

Ce calme du Royaume étoit l'effet du bannissement du Cardinal Mazarin; cependant à peine fut-il chassé parMars 1653. le cri général des Français, & par une Déclaration du Roi, que le Roi le fit revenir. Il fut étonné de rentrer dans Paris, tout-puissant & tranquille. Louïs XIV le reçut comme un pere, & le Peuple comme un maître. On lui fit un festin à l'Hôtel de Ville au milieu des accla- * Mémoires de Gourville.ESSAI SUR LE SIE'CLE mations des Citoyens: il jetta de l'argent à la Populace; mais on dit, que dans la joye d'un si heureux changement il marqua du mépris pour notre inconstance. Le Parle- ment, après avoir mis sa tête à prix comme celle d'un voleur public, le complimenta par Députez; & ce même Parlement peu de tems après condamna par contumace le Prince de Condé à perdre la vie; changement ordi- naire dans de pareils tems, & d'autant plus humiliant que 27 Mars 1654.l'on condamnoit par des Arrêts celui dont on avoit si long tems partagé les fautes.


30 - /

Pendant que l'Etat avoit été ainsi déchiré au-dedans, il avoit été attaqué & affaibli au-dehors. Tout le fruit des Batailles de Rocroy, de Lens & de Norlingue fut perdu. La place importante de Dunkerque fut reprise par les Espagnols: ils chasserent les Français de Barcelo-1651. ne, ils reprirent Casal en Italie. Cependant malgré les tumultes d'une Guerre Civile, & le poids d'une Guerre Etrangere, Mazarin avoit été assez heureux pour conclu- re cette celébre Paix de Westphalie, par laquelle l'Em-1648. pereur & l'Empire vendirent * la Préfecture, & non la Souveraineté de l'Alsace, pour trois millions de livres payables à l'Archiduc; c'est-à-dire, pour six millions d'au- jourd'hui. Par ce Traité devenu pour l'avenir la Base de tous les Traitez, un nouvel Electorat fut créé pour la Maison Palatine. Les Droits de tous les Princes, & des Villes Impériales, les Priviléges des moindres Gentils- hommes Allemans furent confirmez. Le pouvoir de l'Empereur fut restraint dans des bornes étroites, & les Français joints aux Suedois devinrent Législateurs. Cette gloire de la France étoit aumoins en partie dûë aux Ar- mes de la Suede; Gustave Adolphe avoit commencé d'e- branler l'Empire. Ses Généraux avoient encor poussé assez loin leurs Conquêtes sous le Gouvernement de sa fille Christine. Son Général Vrangel étoit prêt d'entrer en Autriche. Le Comte de Konismar étoit Maître de la moitié de la Ville de Prague, & assiégeoit l'autre alors que cette Paix fut concluë. Pour accabler ainsi l'Empe- * Au Roi de France.ESSAI SUR LE SIE'CLE. reur, il n'en coûta guéres à la France qu'un million par an donné aux Suedois.