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Cette Reine fut la première à le reconnaître dès qu'il fut Protecteur des trois Royaumes. Presque tous les Souverains de l'Europe envoyérent des Ambassadeurs à leur frere Cromvel, à ce domestique d'un Eveque, qui venoit de faire perir par les mains du bourreau un Souverain leur Parent. Ils briguérent à l'envie son alliance. Le Cardinal Mazarin pour lui plaire chassa de France les deux Fils de Charles Premier, les deux petits fils deHenri IV, les deux Cousins Germains de Louis XIV. La France conquit Dunkerke pour lui, & on lui en remit les clefs. Après sa mort Louis XlV & toute sa cour portérent le deuil, excepté Mademoiselle, qui eut le courage de venir au cercle en habit de couleur, & soutient seule l'honneur de sa race.


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La France n'avoit en tout qu'environ quatrevingt mille hommes effectifs sur pied. La Marine anéantie depuis des siécles, rétablie un peu par le Cardinal de Richelieu, fut ruinée sous Mazarin. Louis XIII. DE LOUIS XIV. n'avoit qu'environ trente millions réels de revenu; mais l'argent étoit à vingt-six livres le marc; ces tren- te millions revenoient à environ cinquante-sept milli- ons de ce tems, où la valeur arbitraire du marc d'argent est poussée jusqu'à quarante-neuf livres idéales, valeur numéraire exorbitante, & que l'intêrêt public & la justice demandent qui ne soit jamais augmentée.


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La Reine Anne d'Autriche, Régente absolue, avoit fait du Cardinal Mazarin le maître de la France, & le sien. Il avoit sur elle cet empire, qu'un homme adroit devoit avoir sur une femme née avec assez de faiblesse pour être dominée, & avec assez de fermeté pour persi- ster dans son choix.


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Que cette Reine ait éte déterminée à ce choix par son cœur ou par la politique, c'est ce qu'on n'a jamais sçu, & ce que les plus clairvoyans tâcherent envain de démê- ler. Mazarin usa d'abord avec modération de sa puissan- ce. Il faudroit avoir vécu long-tems avec un Ministre pour peindre son caractere, pour dire quel degré de cou- rage ou de faiblesse il avoit dans l'esprit; à quel point il étoit ou prudent ou fourbe. Ainsi sans vouloir deviner ce qu'étoit Mazarin, on dira seulement ce qu'il fit. Il affecta dans les commencemens de sa grandeur, autant de simplicité que Richelieu avoit déployé de hauteur. Loin de prendre des Gardes, & de marcher avec un faste Royal, il eut d'abord le train le plus modeste; il mit de l'affabilité, & même de la molesse partout, où son Préde- cesseur avoit fait paraitre une fierté infléxible. La Reine vouloit faire aimer sa Régence & sa personne, de la Cour & des Peuples, & elle y réussissoit. Gaston, Duc d'Or- leans frere de Louïs XIII, & le Prince de Condé, ap- puyoient son pouvoir, & n'avoient d'émulation que pour servir l'Etat.


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Que cette Reine ait éte déterminée à ce choix par son cœur ou par la politique, c'est ce qu'on n'a jamais sçu, & ce que les plus clairvoyans tâcherent envain de démê- ler. Mazarin usa d'abord avec modération de sa puissan- ce. Il faudroit avoir vécu long-tems avec un Ministre pour peindre son caractere, pour dire quel degré de cou- rage ou de faiblesse il avoit dans l'esprit; à quel point il étoit ou prudent ou fourbe. Ainsi sans vouloir deviner ce qu'étoit Mazarin, on dira seulement ce qu'il fit. Il affecta dans les commencemens de sa grandeur, autant de simplicité que Richelieu avoit déployé de hauteur. Loin de prendre des Gardes, & de marcher avec un faste Royal, il eut d'abord le train le plus modeste; il mit de l'affabilité, & même de la molesse partout, où son Préde- cesseur avoit fait paraitre une fierté infléxible. La Reine vouloit faire aimer sa Régence & sa personne, de la Cour & des Peuples, & elle y réussissoit. Gaston, Duc d'Or- leans frere de Louïs XIII, & le Prince de Condé, ap- puyoient son pouvoir, & n'avoient d'émulation que pour servir l'Etat.


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Deux pouvoirs établis chez les hommes, uniquement pour le maintien de la paix; un Archevêque & un Par- ESSAI SUR LE SIE'CLE lement de Paris ayant commencé les Troubles, le Peu- ple crut tous ses emportemens justifiés. La Reine ne pouvoit paraître en Public sans être outragée; on ne l'ap- pelloit que Dame Anne; & si on y ajoutoit quelque titre, c'étoit un opprobre. Le Peuple lui reprochoit avec fu- reur de sacrifier l'Etat à son amitié pour Mazarin; & ce qu'il y avoit de plus insupportable, elle entendoit de tous côtez ces Chansons & ces Vaudevilles, monumens de plaisanterie & de malignité, qui sembloient devoir éter- niser le doute où l'on étoit de sa vertu.


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Le Duc de Beaufort, l'Idole du Peuple, & l'instru- ment dont on se servit pour le soulever, Prince populaire, mais d'un esprit borné, étoit publiquement l'objet des railleries de la Cour & de la Fronde même. On ne par- loit jamais de lui, que sous le nom de Roi des Halles. Les Troupes Parisiennes, qui sortoient de Paris, & qui revenoient toûjours battues, étoient reçuës avec des huées & des éclats de rire. On ne réparoit tous ces petits échecs que par des Couplets & des Epigrammes. Les cabarêts, & les autres maisons de débauche étoient les tentes où l'on tenoit les Conseils de Guerre, au milieu des plaisan- teries, des Chansons, & de la gayeté la plus dissolue. La licence étoit si effrenée qu'une nuit les principaux Offi- ciers de la Fronde ayant rencontré le St. Sacrement qu'on portoit dans les ruës à un homme qu'on soupçonnoit d'ê- tre Mazarin, reconduisirent les Prêtres coups de plat d'épée.


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La Guerre finit, & recommença à plusieurs reprises, il n'y eut personne, qui ne changeât souvent de Parti. Le Prince de Condé, ayant ramené dans Paris la Cour triom- phante, se livra au plaisir de la mépriser, après l'a- voir défenduë; & ne trouvant pas qu'on lui donnât des récompenses proportionnées à sa gloire & à ses ser- vices, il fut le premier à tourner Mazarin en ridi- cule, à braver la Reine, & à insulter un Gouverne- ment qu'il dédaignoit. Il écrivit, à ce qu'on prétend, au Cardinal, à l'illustrissimo Signor Faquino*. Il lui dit, un jour, adieu Mars. Il encouragea un Marquis de Jarsay à faire une déclaration d'amour à la Rei- ne, & trouva mauvais, qu'elle osât s'en offenser. Il se ligua avec le Prince de Conty son frere, & le Duc de Longueville, qui abandonnerent le parti de la Fronde.


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Un an après ces mêmes Frondeurs, qui avoient vendu le Grand Condé & les Princes à la vengéance ti- mide de Mazarin, forcerent la Reine à ouvrir leurs pri- sons, & à chasser du Royaume son Premier Ministre. Condé revint aux acclamations de ce même Peuple, qui l'avoit tant haï. Sa présence renouvella les cabales & les dissentions.


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Le Royaume resta dans cette combustion encor quel- ques années. Le Gouvernement ne prit jamais que des Conseils faibles & incertains: il sembloit devoir suc- comber: mais les Révoltés furent toûjours désunis, & c'est ce qui sauva la Cour. Le Coadjuteur tantôt ami, tantôt ennemi du Prince de Condé, suscita con- tre lui une partie du Parlement & du Peuple: il osa en même - tems servir la Reine, en tenant tête à ce Prince, & l'outrager, en la forçant d'éloigner le Car- dinal Mazarin, qui se retira à Cologne. La Reine par une contradiction trop ordinaire aux Gouvernemens faibles, fut obligée de recevoir à la fois ses services & ses offenses, & de nommer au Cardinalat ce même Coadjuteur, l'Auteur des Barricades, qui avoit con-

traint la Famille Royale à sortir de la Capitale, & à l'assiéger.


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Alors le Cardinal Mazarin, qui du fond de son exil Dec. 1631.à Cologne avoit gouverné la Cour, rentra dans le Royaume, moins en Ministre, qui revenoit reprendre son poste, qu'en Souverain qui se remettoit en possession de ses Etats; il étoit conduit par une petite Armée de sept mille hommes levez à ses dépens; c'est-à-dire, avec de l'argent du Royaume, qu'il s'étoit approprié.


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On fait dire au Roi dans une déclaration de ce tems- là, que le Cardinal avoit en effet levé ces Troupes de son DE LOUIS XIV. argent; ce qui doit confondre l'opinion de ceux qui ont écrit, qu'à sa premiére sortie du Royaume, Mazarin s'é- toit trouvé dans l'indigence. Il donna le commande- ment de sa petite Armée au Maréchal d'Hoquincourt. Tous les Officiers portoient des Echarpes vertes, c'étoit la couleur des Livrées du Cardinal. Chaque parti avoit alors son Echarpe. La blanche étoit celle du Roi, l'isa- belle celle du Prince de Condé. Il étoit étonnant que le Cardinal Mazarin, qui avoit jusques alors affecté tant de modestie, eût la hardiesse de faire porter ses Livrées à une Armée, comme s'il avoit eu un parti différent de ce- lui de son maître; mais il ne put résister à cette vanité. La Reine l'approuva. Le Roi déja majeur, & son Frere, vinrent au-devant de lui.


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On fait dire au Roi dans une déclaration de ce tems- là, que le Cardinal avoit en effet levé ces Troupes de son DE LOUIS XIV. argent; ce qui doit confondre l'opinion de ceux qui ont écrit, qu'à sa premiére sortie du Royaume, Mazarin s'é- toit trouvé dans l'indigence. Il donna le commande- ment de sa petite Armée au Maréchal d'Hoquincourt. Tous les Officiers portoient des Echarpes vertes, c'étoit la couleur des Livrées du Cardinal. Chaque parti avoit alors son Echarpe. La blanche étoit celle du Roi, l'isa- belle celle du Prince de Condé. Il étoit étonnant que le Cardinal Mazarin, qui avoit jusques alors affecté tant de modestie, eût la hardiesse de faire porter ses Livrées à une Armée, comme s'il avoit eu un parti différent de ce- lui de son maître; mais il ne put résister à cette vanité. La Reine l'approuva. Le Roi déja majeur, & son Frere, vinrent au-devant de lui.


14 - /

Aux premiéres nouvelles de son retour Gaston d'Or- leans, Frere de Louis XIII, qui avoit demandé l'éloigne- ment du Cardinal, leva des Troupes dans Paris sans trop savoir à quoi elles seroient employées. Le Parlement re- nouvella ses Arrêts, il proscrivit Mazarin, & mit sa tête à prix. Il fallut chercher dans les Registres, quel étoit le prix d'une tête ennemie du Royaume. On trouva, que sous Charles IX, on avoit promis par Arrêt cinquante mille écus à celui, qui représenteroit l'Amiral Coligny mort ou vif. On crut très-sérieusement procéder en ré- gle, en mettant ce même prix à l'assassinat d'un Cardinal Premier Ministre. Cette proscription ne donna à per- sonne la tentation de mériter les cinquante mille écus, qui après tout n'eussent point été payez. Chez une autre Nation & dans un autre tems un tel Arrêt eut trouvé des executeurs; mais il ne servit qu'à faire de nouvelles plai- santeries. Les Blots & les Marigny, Beaux Esprits, qui portoient la gayeté dans les tumultes de ces troubles, fi- rent afficher dans Paris une repartition de cent cinquante mille livres; tant pour qui couperoit le nez au Cardinal tant pour une oreille, tant pour un œil, tant pour le ESSAI SUR LE SIECLE faire Eunuque. Ce ridicule fut tout l'effet de la proscri- ption. Le Cardinal de son côté n'employoit contre ses ennemis, ni le poison, ni l'assassinat; & malgré l'aigreur & la manie de tant de Partis & de tant de haines, on ne commit pas beaucoup de grands crimes. Les Chefs de Partis furent peu cruels, & les Peuples peu furieux; car ce n'étoit pas une Guerre de Religion.


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Aux premiéres nouvelles de son retour Gaston d'Or- leans, Frere de Louis XIII, qui avoit demandé l'éloigne- ment du Cardinal, leva des Troupes dans Paris sans trop savoir à quoi elles seroient employées. Le Parlement re- nouvella ses Arrêts, il proscrivit Mazarin, & mit sa tête à prix. Il fallut chercher dans les Registres, quel étoit le prix d'une tête ennemie du Royaume. On trouva, que sous Charles IX, on avoit promis par Arrêt cinquante mille écus à celui, qui représenteroit l'Amiral Coligny mort ou vif. On crut très-sérieusement procéder en ré- gle, en mettant ce même prix à l'assassinat d'un Cardinal Premier Ministre. Cette proscription ne donna à per- sonne la tentation de mériter les cinquante mille écus, qui après tout n'eussent point été payez. Chez une autre Nation & dans un autre tems un tel Arrêt eut trouvé des executeurs; mais il ne servit qu'à faire de nouvelles plai- santeries. Les Blots & les Marigny, Beaux Esprits, qui portoient la gayeté dans les tumultes de ces troubles, fi- rent afficher dans Paris une repartition de cent cinquante mille livres; tant pour qui couperoit le nez au Cardinal tant pour une oreille, tant pour un œil, tant pour le ESSAI SUR LE SIECLE faire Eunuque. Ce ridicule fut tout l'effet de la proscri- ption. Le Cardinal de son côté n'employoit contre ses ennemis, ni le poison, ni l'assassinat; & malgré l'aigreur & la manie de tant de Partis & de tant de haines, on ne commit pas beaucoup de grands crimes. Les Chefs de Partis furent peu cruels, & les Peuples peu furieux; car ce n'étoit pas une Guerre de Religion.