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On fait dire au Roi dans une déclaration de ce tems- là, que le Cardinal avoit en effet levé ces Troupes de son DE LOUIS XIV. argent; ce qui doit confondre l'opinion de ceux qui ont écrit, qu'à sa premiére sortie du Royaume, Mazarin s'é- toit trouvé dans l'indigence. Il donna le commande- ment de sa petite Armée au Maréchal d'Hoquincourt. Tous les Officiers portoient des Echarpes vertes, c'étoit la couleur des Livrées du Cardinal. Chaque parti avoit alors son Echarpe. La blanche étoit celle du Roi, l'isa- belle celle du Prince de Condé. Il étoit étonnant que le Cardinal Mazarin, qui avoit jusques alors affecté tant de modestie, eût la hardiesse de faire porter ses Livrées à une Armée, comme s'il avoit eu un parti différent de ce- lui de son maître; mais il ne put résister à cette vanité. La Reine l'approuva. Le Roi déja majeur, & son Frere, vinrent au-devant de lui.


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Louis XIV, élevé dans l'adversité, alloit avec sa mere, son frere, & le Cardinal Mazarin, de Province en Pro- vince, n'ayant pas autant de Troupes autour de sa per- sonne, à beaucoup près qu'il en eut depuis en tems de paix pour sa seule Garde. Cinq à six mille hommes, les uns envoyez d'Espagne, les autres levez par les Partisans du Prince de Condé, le poursuivoient au cœur de son Royaume.


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Charles I, Roi d'Angleterre, venoit de se mettre la tête sur un échafaut, pour avoir dans le commencement des troubles abandonné le sang de Straford son Premier Ministre, à son Parlement. Louïs XIV au-contraire de- vint le maître paisible de son Royaume en souffrant l'exil de Mazarin. Ainsi les mêmes faiblesses eurent des suc- cez bien différens. Le Roi d'Angleterre, en abandon- nant son Favori, enhardit un Peuple, qui respiroit la guer- re, & qui haïssoit les Rois: & Louïs XIV (ou plûtôt la Reine Mere) en renvoyant le Cardinal, ôta tout pré- texte de révolte à un Peuple las de la guerre, & qui ai- moit la Royauté.


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Charles I, Roi d'Angleterre, venoit de se mettre la tête sur un échafaut, pour avoir dans le commencement des troubles abandonné le sang de Straford son Premier Ministre, à son Parlement. Louïs XIV au-contraire de- vint le maître paisible de son Royaume en souffrant l'exil de Mazarin. Ainsi les mêmes faiblesses eurent des suc- cez bien différens. Le Roi d'Angleterre, en abandon- nant son Favori, enhardit un Peuple, qui respiroit la guer- re, & qui haïssoit les Rois: & Louïs XIV (ou plûtôt la Reine Mere) en renvoyant le Cardinal, ôta tout pré- texte de révolte à un Peuple las de la guerre, & qui ai- moit la Royauté.


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Ce calme du Royaume étoit l'effet du bannissement du Cardinal Mazarin; cependant à peine fut-il chassé parMars 1653. le cri général des Français, & par une Déclaration du Roi, que le Roi le fit revenir. Il fut étonné de rentrer dans Paris, tout-puissant & tranquille. Louïs XIV le reçut comme un pere, & le Peuple comme un maître. On lui fit un festin à l'Hôtel de Ville au milieu des accla- * Mémoires de Gourville.ESSAI SUR LE SIE'CLE mations des Citoyens: il jetta de l'argent à la Populace; mais on dit, que dans la joye d'un si heureux changement il marqua du mépris pour notre inconstance. Le Parle- ment, après avoir mis sa tête à prix comme celle d'un voleur public, le complimenta par Députez; & ce même Parlement peu de tems après condamna par contumace le Prince de Condé à perdre la vie; changement ordi- naire dans de pareils tems, & d'autant plus humiliant que 27 Mars 1654.l'on condamnoit par des Arrêts celui dont on avoit si long tems partagé les fautes.


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Louis XIV se trouva donc en 1653 maître absolu d'un Royaume encor ébranlé des secousses qu'il avoit re- çuës; rempli de désordres en tout genre d'administration; mais plein de ressources, n'ayant aucun Allié, excepté la Savoye, pour faire une Guerre offensive; & n'ayant plus d'Ennemis Etrangers que l'Espagne, qui étoit alors en plus mauvais état que la France. Tous les Français qui avoient fait la Guerre Civile étoient soumis hors le Prin- ce de Condé & quelques-uns de ses Partisans, dont un ou deux lui étoient demeurez fidéles par amitié & par gran- deur d'ame, comme le Comte de Coligny, & Boute- ville; & les autres parceque la Cour ne voulut pas les acheter assez chérement.


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Le Roi ne se trouva point à la bataille d'Arras, & au- roit pu y être: il étoit allé à la tranchée au siége de Ste- nay; mais le Cardinal Mazarin ne voulut pas qu'il expo- sât davantage Sa Personne, à laquelle le repos de l'Etat & la puissance du Ministre sembloient attachées.


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D'un côté Mazarin, maître absolu de la France & du jeune Roi, de l'autre, Don Louis de Haro, qui gouver- noit l'Espagne & Philippe IV, continuoient sous le nom de leurs Maîtres cette Guerre peu vivement soutenuë. Il n'étoit pas encor question dans le monde du nom de Louis XIV, & jamais on n'avoit parlé du Roi d'Espagne. Il n'y avoit alors aucune Tête Couronnée en Europe qui eût une gloire personnelle. La seule Christine, Reine de Suede, gouvernoit par elle-même, & soutenoit l'hon- neur du Trône abandonné, ou flétri, ou inconnu, dans les autres Etats.


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Les enfans de Charles I, chassez de France se refu- gierent en Espagne. Les Ministres Espagnols éclaterent dans toutes les Cours, & surtout à Rome de vive voix, & par écrit contre un Cardinal, qui sacrifioit, disoient - ils, les Loix Divines, humaines, l'honneur & la Religion, au meurtrier d'un Roi, & qui chassoit de France Charles II, & le Duc d'Yorck, cousins de Louis XIV, pour plaire au bourreau de leur pere. Pour toute réponse aux cris de ces Espagnols, on produisit les offres qu'ils avoient faites eux-mêmes au Protecteur.


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Ne jugez point, je vous prie, Mylord, de mon Essai sur le siecle de Louis XIV, par les deux Chapitres imprimés en Hollande avec tant de fautes qui rendent mon Ouvrage méconnaissable & inintelligible. Si la Tra- duction Anglaise s'est faite sur cette Copie informe, le Traducteur est digne de faire une Version de l'Apocalyp- se; mais surtout soyez un peu moins fâché contre moi, de ce que j'appelle le dernier siecle, le siecle de Louis XIV. Je sçai bien, que Louis XIV n'a eu l'honneur d'être ni le Maî- tre ni le Bienfaicteur d'un Boyle, d'un Newton, d'un Halley, d'un Addisson, d'un Dryden; mais dans le siécle que l'on nomme, le siecle de Leon X, ce Leon X avoit-il tout fait? N'y avoit-il pas d'autres Princes qui contribuerent à polir & à éclairer le Genre-Humain? Cependant le nom de Leon X a prévalu, parcequ'il encouragea les Arts plus qu'aucun autre. Eh! quel Roi a donc en cela rendu plus de services à l'humanité que Louis XIV? Quel Roi a ré- pandu plus de bienfaits, marqué plus de goût, s'est signa- lé par de plus beaux établissemens? Il n'a pas fait tout ce qu'il pouvoit faire, sans doute, parcequ'il étoit homme: mais il a fait plus qu'aucun autre, parcequ'il étoit Grand- Homme. Ma plus forte raison pour l'estimer beaucoup, ESSAI SUR LE SIECLE c'est qu'avec des fautes connuës il a plus de réputation qu'aucun de ses Contemporains: C'est que malgré un million d'hommes dont il a privé la France, & qui ont été intéressés à le décrier, toute l'Europe l'estime, & le met au rang des plus grands & des meilleurs Monarques.


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Ne jugez point, je vous prie, Mylord, de mon Essai sur le siecle de Louis XIV, par les deux Chapitres imprimés en Hollande avec tant de fautes qui rendent mon Ouvrage méconnaissable & inintelligible. Si la Tra- duction Anglaise s'est faite sur cette Copie informe, le Traducteur est digne de faire une Version de l'Apocalyp- se; mais surtout soyez un peu moins fâché contre moi, de ce que j'appelle le dernier siecle, le siecle de Louis XIV. Je sçai bien, que Louis XIV n'a eu l'honneur d'être ni le Maî- tre ni le Bienfaicteur d'un Boyle, d'un Newton, d'un Halley, d'un Addisson, d'un Dryden; mais dans le siécle que l'on nomme, le siecle de Leon X, ce Leon X avoit-il tout fait? N'y avoit-il pas d'autres Princes qui contribuerent à polir & à éclairer le Genre-Humain? Cependant le nom de Leon X a prévalu, parcequ'il encouragea les Arts plus qu'aucun autre. Eh! quel Roi a donc en cela rendu plus de services à l'humanité que Louis XIV? Quel Roi a ré- pandu plus de bienfaits, marqué plus de goût, s'est signa- lé par de plus beaux établissemens? Il n'a pas fait tout ce qu'il pouvoit faire, sans doute, parcequ'il étoit homme: mais il a fait plus qu'aucun autre, parcequ'il étoit Grand- Homme. Ma plus forte raison pour l'estimer beaucoup, ESSAI SUR LE SIECLE c'est qu'avec des fautes connuës il a plus de réputation qu'aucun de ses Contemporains: C'est que malgré un million d'hommes dont il a privé la France, & qui ont été intéressés à le décrier, toute l'Europe l'estime, & le met au rang des plus grands & des meilleurs Monarques.


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Ne jugez point, je vous prie, Mylord, de mon Essai sur le siecle de Louis XIV, par les deux Chapitres imprimés en Hollande avec tant de fautes qui rendent mon Ouvrage méconnaissable & inintelligible. Si la Tra- duction Anglaise s'est faite sur cette Copie informe, le Traducteur est digne de faire une Version de l'Apocalyp- se; mais surtout soyez un peu moins fâché contre moi, de ce que j'appelle le dernier siecle, le siecle de Louis XIV. Je sçai bien, que Louis XIV n'a eu l'honneur d'être ni le Maî- tre ni le Bienfaicteur d'un Boyle, d'un Newton, d'un Halley, d'un Addisson, d'un Dryden; mais dans le siécle que l'on nomme, le siecle de Leon X, ce Leon X avoit-il tout fait? N'y avoit-il pas d'autres Princes qui contribuerent à polir & à éclairer le Genre-Humain? Cependant le nom de Leon X a prévalu, parcequ'il encouragea les Arts plus qu'aucun autre. Eh! quel Roi a donc en cela rendu plus de services à l'humanité que Louis XIV? Quel Roi a ré- pandu plus de bienfaits, marqué plus de goût, s'est signa- lé par de plus beaux établissemens? Il n'a pas fait tout ce qu'il pouvoit faire, sans doute, parcequ'il étoit homme: mais il a fait plus qu'aucun autre, parcequ'il étoit Grand- Homme. Ma plus forte raison pour l'estimer beaucoup, ESSAI SUR LE SIECLE c'est qu'avec des fautes connuës il a plus de réputation qu'aucun de ses Contemporains: C'est que malgré un million d'hommes dont il a privé la France, & qui ont été intéressés à le décrier, toute l'Europe l'estime, & le met au rang des plus grands & des meilleurs Monarques.


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Ne jugez point, je vous prie, Mylord, de mon Essai sur le siecle de Louis XIV, par les deux Chapitres imprimés en Hollande avec tant de fautes qui rendent mon Ouvrage méconnaissable & inintelligible. Si la Tra- duction Anglaise s'est faite sur cette Copie informe, le Traducteur est digne de faire une Version de l'Apocalyp- se; mais surtout soyez un peu moins fâché contre moi, de ce que j'appelle le dernier siecle, le siecle de Louis XIV. Je sçai bien, que Louis XIV n'a eu l'honneur d'être ni le Maî- tre ni le Bienfaicteur d'un Boyle, d'un Newton, d'un Halley, d'un Addisson, d'un Dryden; mais dans le siécle que l'on nomme, le siecle de Leon X, ce Leon X avoit-il tout fait? N'y avoit-il pas d'autres Princes qui contribuerent à polir & à éclairer le Genre-Humain? Cependant le nom de Leon X a prévalu, parcequ'il encouragea les Arts plus qu'aucun autre. Eh! quel Roi a donc en cela rendu plus de services à l'humanité que Louis XIV? Quel Roi a ré- pandu plus de bienfaits, marqué plus de goût, s'est signa- lé par de plus beaux établissemens? Il n'a pas fait tout ce qu'il pouvoit faire, sans doute, parcequ'il étoit homme: mais il a fait plus qu'aucun autre, parcequ'il étoit Grand- Homme. Ma plus forte raison pour l'estimer beaucoup, ESSAI SUR LE SIECLE c'est qu'avec des fautes connuës il a plus de réputation qu'aucun de ses Contemporains: C'est que malgré un million d'hommes dont il a privé la France, & qui ont été intéressés à le décrier, toute l'Europe l'estime, & le met au rang des plus grands & des meilleurs Monarques.


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Louis XIV songeoit à tout; il protégeoit les Acadé- mies, & distinguoit ceux qui se signaloient. Il ne pro- diguoit point sa faveur à un genre de mérite à l'exclusion des autres, comme tant de Princes qui favorisent, non ce qui est bon, mais seulement ce qui leur plaît; la Physique & l'êtude de l'Antiquité attirerent son at- tention. Elle ne se rallentit pas même dans les Guer- res qu'il soutenoit contre l'Europe: car en bâtissant trois cens Citadelles, en faisant marcher quatre cens mille Sol- dats, il faisoit élever l'Observatoire, & tracer une Mé- ridienne d'un bout du Royaume à l'autre, Ouvrage uni- que dans le monde. Il faisoit imprimer dans son Palais les Traductions des bons Auteurs Grecs & Latins; il en- voyoit des Géométres & des Physiciens au fond de l'Afri- que & de l'Amerique, chercher des véritez. Songez, Mylord, que sans le Voyage & les Expériences de ceux qui allerent à la Cayenne en 1672, Newton n'eût pas fait ses découvertes sur la Gravitation. Regardez, je vous prie, un Cassini & un Hugens qui renoncent tous deux à leur Patrie qu'ils honorent, pour venir jouir de l'estime & des bienfaits de Louis XIV.


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Louis XIV songeoit à tout; il protégeoit les Acadé- mies, & distinguoit ceux qui se signaloient. Il ne pro- diguoit point sa faveur à un genre de mérite à l'exclusion des autres, comme tant de Princes qui favorisent, non ce qui est bon, mais seulement ce qui leur plaît; la Physique & l'êtude de l'Antiquité attirerent son at- tention. Elle ne se rallentit pas même dans les Guer- res qu'il soutenoit contre l'Europe: car en bâtissant trois cens Citadelles, en faisant marcher quatre cens mille Sol- dats, il faisoit élever l'Observatoire, & tracer une Mé- ridienne d'un bout du Royaume à l'autre, Ouvrage uni- que dans le monde. Il faisoit imprimer dans son Palais les Traductions des bons Auteurs Grecs & Latins; il en- voyoit des Géométres & des Physiciens au fond de l'Afri- que & de l'Amerique, chercher des véritez. Songez, Mylord, que sans le Voyage & les Expériences de ceux qui allerent à la Cayenne en 1672, Newton n'eût pas fait ses découvertes sur la Gravitation. Regardez, je vous prie, un Cassini & un Hugens qui renoncent tous deux à leur Patrie qu'ils honorent, pour venir jouir de l'estime & des bienfaits de Louis XIV.