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Ravaillac persiste toujours à dire dans ses Interrogatoires: J'ai cru bien faire en tuant un Roi qui vouloit faire la guerre au Pape, j'ai eu des visions, des révélations, j'ai cru servir Dieu: je reconnais que je me suis trompé, & que je suis coupable d'un crime horrible, je n'y ai été jamais excité par personne. Voilà la substance de toutes ses réponses. Il avoue que le jour de l'assassinat il avoit été dévotement à la Messe; il avoue qu'il avoit voulu plusieurs fois parler au Roi pour le détourner de faire la guerre en faveur des Princes hérétiques; il avoue que le dessein de tuer le Roi l'a déja tenté deux fois; qu'il y a résisté; qu'il a quitté Paris pour se rendre le crime impossible; qu'il y est retourné vaincu par son Fanatisme. Il signe l'un de ses Interrogatoires, François Ravaillac.


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Ses Complices étoient la superstition & la fureur qui animerent Jean Chatel, Pierre Barriere, Jacques Clement. C'étoit l'esprit de Poltrot qui assassina le Duc de Guise; c'étoient les maximes de Baltazar Gerard, assassin du Grand Prince d'Orange. Ravaillac avoit été Feuillant, & il suffisoit alors d'avoir été Moine pour croire que c'étoit une œuvre méritoire de tuer un Prince ennemi de sa Religion. On s'étonne qu'on ait attenté plusieurs fois sur la vie de Henry IV, le meilleur des Rois; on devroit s'étonner que les assassins n'ayent pas été en plus grand nombre. Chaque Superstitieux avoit continuellement devant les yeux Aode assassinant le Roi des Philistins, Judith se prostituant à Holoferne pour l'égorger dormant entre ses bras, Samuel coupant par morceaux un Roi prisonnier de guerre, envers qui Saul n'osoit violer le droit des Nations. Rien n'avertissoit alors que ces cas particuliers étoient des exceptions, des inspirations, des ordres exprès qui ne tiroient point à conséquence; on les prenoit pour la Loi générale. Tout encourageoit à la démence, tout consacrait le parricide. Il me paraît enfin bien prouvé par l'esprit de superstition, de fureur & d'ignorance qui dominoit, & par la connaissance du cœur humain, & par les Interrogatoires deRavaillac, qu'il n'eut aucun complice. Il faut surtout s'en tenir à ces Confessions faites à la mort devant les Juges. Ces Confessions prouvent expressément que Jean Chatel avoit commis son parricide dans l'espérance d'être moins damné, et Ravaillac, dans l'espérance d'être sauvé.


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Il le faut avouer, ces monstres étoient fervens dans la Foi. Ravaillac se recommande en pleurant à St. Fran-çois son Patron, & à tous les Saints: il se confesse avant de recevoir la Question; il charge deux Docteurs auxquels il s'est confessé, d'assurer le Greffier que jamais il n'a parlé à personne du dessein de tuer le Roi; il avoue seulement qu'il a parlé au Pere d'Aubigni Jesuite de quelques visions qu'il a euës, & le Pere d'Aubigni dit très-prudemment qu'il ne s'en souvient pas; enfin le Criminel jure jusqu'au dernier moment sur sa damnation éternelle, qu'il est seul coupable, & il le jure plein de repentir. Sont-ce-là des raisons? Sont-ce-là des preuves suffisantes?


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On m'a bien trompé quand on me disoit, le Roi est haî, on se réjouira de sa mort.

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Il y a des Livres, qui m'apprennent les Anecdotes vrayes ou fausses d'une Cour. Quiconque a vû les Cours, ou a eu envie de les voir, est aussi avide de ces illustres bagatelles, qu'une femme de Province aime à sçavoir les nouvelles de sa petite Ville. C'est au fond la même cho-se & le même mérite. On s'entretenoit sous Henri IV, des Anecdotes de Charles IX. On parloit encore de Mr. de Duc de Bellegarde dans les premieres années de Louis XIV. Toutes ces petites mignatures se conservent une génération ou deux, & périssent ensuite pour jamais.


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Il y a des Livres, qui m'apprennent les Anecdotes vray- es ou fausses d'une Cour. Quiconque a vû les Cours, ou a eu envie de les voir, est aussi avide de ces illustres bagatelles, qu'une femme de Province aime à sçavoir les nouvelles de sa petite Ville. C'est au fond la même cho- NOUVELLES CONSIDERATIONS se & le même mérite. On s'entretenoit sous Henri IV, des Anecdotes de Charles IX. On parloit encore de Mr. de Duc de Bellegarde dans les premieres années de Louis XIV. Toutes ces petites mignatures se conservent une génération ou deux, & périssent ensuite pour jamais.


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Cet Etat, d'une espece si nouvelle, étoit depuis sa fondation, attaché intimement à la France: l'intérêt les réunissoit; ils avoient les mêmes ennemis; Henri le Grand & Louis XIII avoient été ses Alliez & ses Pro- tecteurs.


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Jamais Cour ne sçut mieux se conduire selon les hommes & selon les tems. Les Papes sont presque toûjours des Italiens, blanchis dans les affaires, sans passions qui les aveuglent; leur Conseil est composé de Cardinaux, qui leur ressemblent, & qui sont tous ani- mez du même esprit. De ce Conseil émanent des or- dres, qui vont jusqu'à la Chine & à l'Amérique; il em- DE LOUIS XIV. brasse en ce sens l'Univers; & on peut dire ce que di- soit autrefois un Etranger du Sénat de Rome: j'ai vû un Consistoire de Rois. La plûpart de nos Ecrivains se sont élevez avec raison contre l'ambition de cette Cour; mais je n'en vois point qui ait rendu assez de justice à sa prudence. Je ne sai, si une autre Nation eût pû conserver si long-tems dans l'Europe tant de pré- rogatives toujours combatues: toute autre Cour les eû peut-être perdues, ou par sa fierté, ou par sa mollesse, ou par sa lenteur, ou par sa vivacité; mais Rome, em- ployant presque toujours à propos la fermeté & la souplesse, a conservé tout ce qu'elle a pû humaine- ment garder. On la vit rampante sous Charles Quint, terrible à notre Roi Henri III, ennemie & amie tour- à-tour de Henri IV, adroite avec Louis XIII, opposée ouvertement à Louis XIV, dans le tems qu'il fut à craindre, & souvent ennemie secrete des Empereurs dont elle se défioit plus que du Sultan des Turcs.


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On consultoit les Astrologues, & on y croyoit. Tous les Mémoires de ces tems-là, à commencer par l'Histoire du Président de Thou, sont remplis de Prédictions. Le grave & severe Duc de Sully, rap- porte sérieusement celles, qui furent faites à Henry IV. Cette crédulité, la marque la plus infaillible de l'igno- rance, étoit si accréditée, qu'on eut soin de tenir un Astrologue caché prés de la Chambre de la Reine Anne d'Autriche, au moment de la naissance de Louis XIV.


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Le Cardinal de Richelieu, & Louïs XIII venoient de mourir, l'un admiré & haï, l'autre déja oublié. Ils avoient laissé aux Français, alors très - inquiets, de l'aversion pour le nom seul du Ministére; & peu de re- spect pour le Trône. Louïs XIII par son Testament établissoit un Conseil de Régence. Ce Monarque, mal obéï pendant sa vie seflatta de l'être mieux après sa mort,18 Août 1643. mais la premiere démarche de sa veuve Anne d'Autriche, fut de faire annuller les volontés de son mari par un Arrêt du Parlement de Paris. Ce Corps, long-tems op- posé à la Cour, & qui avoit à peine conservé sous Lou- ïs la liberté de faire des Remontrances, cassa le Testa- ment de son Roi, avec la même facilité qu'il auroit jugé la cause d'un Citoyen. Anne d'Autriche s'adressa à cette Compagnie pour avoir la Régence illimitée; par- ceque Marie de Médicis s'étoit servie du même Tribu- nal après la mort d'Henri IV, & Marie de Médicis avoit donné cet exemple; parceque toute autre voye eût été longue & incertaine, que le Parlement entouré de Gar- des ne pouvoit résister à ses volontés, & qu'un Arrêt rendu par le Parlement & par les Pairs, sembloit assu- rer un droit incontestable *.


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Les journées de Pavie & de St. Quentin étoient encor des époques fatales à la réputation de la France. Henri IV avoit eu le malheur de ne remporter des avantages mémorables que sur sa propre Nation. Sous Louïs XIII le Maréchal de Guébriant avoit eu de petits succez; mais toûjours balancés par des pertes. Les grandes batailles, qui ébranlent les Etats, & qui restent à jamais dans la mémoire des hommes, n'avoient été données en ce tems que par Gustave Adolphe.


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Tandis que le Prince de Condé* comptoit ainsi les années de sa jeunesse par des Victoires, & que le Duc d'Or- leans, frere de Louïs XIII, avoit aussi soutenu la réputationJuillet 1644. Nov. 1644.d'un Fils d'Henry IV, & celle de la France, par la prise de Gravelines, par celle de Courtray & de Mardik; le Vi- comte de Turenne avoit pris Landau, il avoit chassé les Espagnols de Trêve, & rétabli l'Electeur.


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Elle s'enfuit de Paris avec ses enfans, son Ministre, le Duc d'Orleans, frere de Louïs XIII, le Grand Condé lui - même, & alla à St. Germain; on fut obligé de met- tre en gages chez des Usuriers les Pierreries de la Cou- ronne. Le Roi manqua souvent du nécessaire. Les Pa- ges de sa Chambre furent congediez, parcequ'on n'avoit pas dequoi les nourrir. En ce tems-là même la tante de Louïs XIV, fille de Henry le Grand, femme du Roi d'Angleterre, réfugiée à Paris, y étoit réduite aux der- niéres extrémités de la pauvreté, & sa fille, depuis ma- riée au frere de Louïs XIV, restoit au lit n'ayant pas de- quoi se chauffer; sans que le Peuple de Paris, enyvré de ses fureurs, fît seulement attention aux afflictions de tan de personnes Royales.


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Le Protecteur se détermina pour la France; mais sans faire de Traité particulier, & sans partager des Conquê- tes d'avance; il voulut illustrer son usurpation par de plus DE LOUIS XIV. grandes entreprises. Son dessein étoit d'enlever l'Améri- que aux Espagnols; mais ils furent avertis à tems, les Amiraux de Cromwel leur prirent dumoins la Jamaïque,May. 1655. Province que les Anglais possedent encor, & qui assure leur Commerce dans le Nouveau Monde. Ce ne fut qu'après l'expedition de la Jamaïque que Cromwel signa son Traité avec le Roi de France; mais sans faire encor mention de Dunkerque. Le Protecteur traita d'égal à égal; il força le Roi à lui donner le Titre de Frere. Son Sécretaire signa avant le Plénipotentiaire de France dans la minute du Traité, qui resta en Angleterre; mais il traita véritablement en Supérieur, en obligeant le Roi de2. Nov. 1655. France de faire sortir de ses Etats Charles II & le Duc d'York, petit fils de Henry IV, à qui la France devoit un azile.


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La mere de ces deux Princes, Henriette de France, fille de Henri le Grand, demeurée en France sans secours, fut réduite à conjurer le Cardinal d'obtenir aumoins de Cromwel, qu'on lui payât son Douaire. C'étoit le comble des humiliations les plus douloureuses, que de demander une subsistance à celui qui avoit versé le sang de son mari sur un échafaut. Mazarin fit de faibles instances en Angleterre au nom de cette Rei- ne, & lui annonça qu'il n'avoit rien obtenu. Elle resta à Paris dans la pauvreté, & dans la honte d'avoir imploré la pi- tié de Cromwel, tandis que ses enfans alloient dans l'Ar- mée de Condé & de Don Jean d'Autriche apprendre le mé- tier de la guerre contre la France qui les abandonnoit.