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La Sardaigne & la Ligurie se révoltérent de nouveau. La Ligurie échut par sort à Fabius, la Sardaigne à Pomponius. Comme on soupçonnoit les Carthaginois de soulever secrettement ces peuples, Rome leur envoya des Ambassadeurs, sous prétexte de leur demander les sommes qu'ils s'étoient engagés de payer en différens termes. Ils leur défendirent aussi en termes fort durs de s'ingérer dans les affaires des Iles appartenantes au Peuple Romain, avec menaces de leur déclarer la guerre s'ils n'obéissoient. Les Carthaginois s'étoient remis de leurs allarmes, & avoient commencé à reprendre cou rage, depuis qu'Amilcar leur Général avoit non seulement pacifié les peuples d'afrique qui s'étoient révoltés, mais encore augmenté de beaucoup le domaine de Carthage, par les victoires qu'il avoit remportées en Espagne. Ils répondirent donc avec fierté aux Ambassadeurs: & comme ceux-ci, selon l'ordre qu'ils en avoient reçu, leur présenté rent un javelot & un caducée, symboles de la Guerre & de la Paix, en ajoutant qu'ils eussent à choisir de l'un ou de l'autre, ils répondirent qu'ils ne feroient point ce choix, mais qu'ils accepteroient de bon cœur celui des deux que les Romains leur laisseroient. Ainsi raconte ce fait*Zonare, Ecrivain qui n'est pas de la plus grande autorité. La chose en soi est peu vraisemblable. Les Romains étoient trop fiers pour reculer après de telles avances. Et la ressemblance de ce

* Il vivoit dans le XII. Siécle, vers l'an 1120.

M. Æm. Lepid. M. Pub. Cons. que nous débite ici Zonare, avec la déclaAn. R.519.A. J. C.233.ration de guerre qui suivit la prise de Sagonte, achéve de nous rendre son récit suspect. Ils se séparérent de la sorte sans rien décider, la haine mutuelle dans le cœur de part & d'autre, qui n'attendoit qu'une occasion pour éclater. Les habitans de Sardaigne & les Liguriens furent aisément vaincus par les Consuls, à qui cette expédition procura l'honneur du triomphe. Ils furent vaincus mais non domtés, & reprirent encore les armes l'année suivante, mais sans beaucoup de succès.


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Amilcar, surnommé Barcas, pére d'AnLa puissance deCarthagequi croissoit de jouren jour,allarme lesRomains.nibal, dont il a été fort parlé dans la guerre de Sicile, après avoir commandé les Armées en Espagne pendant neuf ans, & y avoir soumis à Carthage plusieurs nations puissantes & belliqueuses, avoit été tué malheu reusement dans un combat. Asdrubal, son gendre & son successeur, qui avoit hérité de sa haine contre les Romains, marchant sur ses traces, avoit ajouté de nouvelles conquêtes à celles de son prédécesseur, employant néanmoins plutôt l'adresse & la persuasion, que les armes. Entre les serConstruction deCarthagela neuve.vices qu'il rendit à l'Etat, un des plus importans, & qui contribua le plus à étendre & affermin la puissance de sa République en Espagne, ce fut la construction d'une ville, qu'on nomma Carthage la neuve, & qui depuis a été appellée Carthagéne. Sa situation étoit la plus heureuse que pussent souhaiter les Carthaginois pour tenir l'Espagne en bride.


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Idée générale de la seconde Guerre Punique. Mécontentement & haine d'Amilcar contre les Romains. Serment qu'il fait prêter à son fils Annibal encore enfant. Pareille haine dans Asdrubal, qui lui succéde. Il fait venir à l'Armée Annibal. Caractére de ce dernier. Annibal est chargé du commandement des troupes. Il se prépare à la guerre contre les Romains, par les conquêtes qu'il fait en Espagne. Siége de Sagonte par Annibal. Ambassade des Romains vers Annibal, puis à Carthage. Alorque tente envain de porter les Sagontins à un accommodement. Prise & ruïne de Sagonte. Trouble & douleur que cause à Rome la ruï-

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Annibal apporta dans cette guerre une haine contre les Romains qui venoit de plus loin, & qu'il avoit héritée de son pé re. Il étoit fils d'Amilcar surnommé* Bar

* De-là vient que le parti qui favorisoit à Carthage les intérêts d'Amilcar & de sa famille, fut surnommé la Faction Barcine.

Pre'p. e'loig. ala II. Guer. Pun. cas, qui aiant été vaincu par ces redoutables ennemis, avoit signé lui-même le Traité honteux mais nécessaire qui avoit mis fin à la prémiére Guerre Punique. Mais en cessant de leur faire la guerre, il n'avoit pas cessé de les haïr. Ce (a) courage altier ne pouvoit se consoler de la perte de la Sicile & de la Sardaigne. Il étoit outré sur-tout de la maniére dont ces Vainqueurs, également injustes & intéressés, avoient envahi la derniére de ces deux Iles, en profitant, pendant la paix, du mauvais état des affaires des Carthaginois en Afrique, pour les forcer à la leur abandonner, & aiant encore eu la dureté de leur imposer un nouveau tribut.


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Si Amilcar eût vécu plus longtems, il est certain qu'il auroit porté lui-même en Italie la guerre qu'Annibal y porta dans la suite. Elle ne fut différée que par la mort trop promte de ce Général, & par la trop grande jeunesse de son fils.


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Pendant cet intervalle, Asdrubal, à qui Amilcar avoit fait épouser sa fille, aidé du crédit immense que la Faction Barcine avoit parmi le Peuple & dans l'Armée, se rendit maitre du gouvernement, malgré les efforts que firent les Grands pour l'empêcher. Il étoit plus propre à négocier qu'à faire la guerre; & il ne fut pas moins utile à sa patrie, par les alliances que sa dextérité lui fit ménager avec de nouvelles nations dont il sut gagner les a la II. Guerre Punique. Chefs, que s'il eût remporté plusieurs vic toires par la force des armes. Asdrubal fit un Traité avec les Romains: car nous sommes obligés de répéter ici quelques faits pour la plus grande commodité du Lecteur. Par ce Traité il étoit réglé, sans s'expliquer sur le reste de l'Espagne, que les Carthaginois ne pourroient point s'avancer au-delà de l'Ebre pour y faire la guerre. Il y avoit aussi un article qui exceptoit les Sagontins, comme Alliés des Romains, du nombre des peuples qu'il seroit permis aux Carthaginois d'attaquer.


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La prospérité dont jouissoit Asdrubal,Il faitvenir Annibal àl'Armée.Liv. XXI.3. ne lui avoit pas fait oublier les obligations qu'il avoit à son beaupére. Il écrivit à Carthage, où Annibal étoit retourné après la mort d'Amilcar, pour demander qu'on le lui envoyât à l'Armée. Annibal pouvoit avoir* vingt-trois ans. La chose souffrit quelque difficulté. Le Sénat étoit partagé par deux puissantes Factions, qui suivoient des vues tout opposées dans la con duite des affaires de l'Etat. L'une avoit pour Chef Hannon, à qui sa naissance, son mérite, & son zèle pour le bien de l'Etat donnoient une grande autorité dans les délibérations publiques; & elle étoit

* Tite-Live s'est ici trompé, en ne lui donnant que quatorze ans, vixdum puberem. Il en avoit neuf quand il fut mené en Espagne, où Amilcar sonpére passa neuf ans. A oes dix-huit années il faut ajouter les cinq prémiéres du commandement d'Asdrubal; ce qui fait 22 ou 23 ans.

Pre'paratifs e'loigne's. d'avis en toute occasion de préférer une paix sure, & qui conservoit toutes les conquêtes d'Espagne, aux événemens incertains d'une guerre hazardeuse, qu'elle prévoyoit devoir un jour se terminer par la ruïne de la patrie. L'autre Faction, qu'on appelloit la Faction Barcine, parce qu'elle soutenoit les intérêts d'Amilcar sur nommé Barcas & de ceux de sa famille, étoit ouvertement déclarée pour la guerre. Quand il s'agit donc de délibérer dans le Sénat sur la demande d'Asdrubal au sujet du jeune Annibal, la Faction Barcine, qui souhaitoit lui voir remplir la place d'A milcar son pére, appuya de tout son crédit le dessein d'Asdrubal. D'un autre côté Hannon, Chef de la Faction opposée, fit tous ses efforts pour le retenir dans la ville.Il paroit, dit-il alors, que la demande d'Asdrubal est juste; & cependant je ne suis pas d'avis qn'on la lui accorde. Une proposition si bizarre aiant réveillé l'attention de toute l'Assemblée: Asdrubal, continua-t-il, se croyant redevable de toute safortune à A milcar, semble avoir raison, pour lui témoigner sa reconnoissance, de travailler à l'élevation de son fils: mais il ne nous convient pas de préférer des vues particuliéres à l'intérêt public. Craignons-nous qu'un fils d'Amilcar n'imite pas assez-tôt l'ambition tyrannique de sonpére? Craignons-nous d'être trop tard les esclaves du fils, après avoir vule gendre envahir, après la mort de son beaupére, le commandement de nos Armées, comme un bien héréditaire qui luia la II. Guerre Punique.appartenoit par droit de succession? Mon avis est, que nous devons retenir ce jeune homme dans la ville, pour lui donner le tems d'apprendre la soumission & l'obéissance qu'il doit aux Loix & aux Magistrats;de peur que cette légére étincelle n'allume un jour quelque grand incendie. Les plus gens de bien étoient du sentiment d'Hannon: mais, comme il arrive d'ordinaire, le plus grand nombre l'emporta sur la plus saine partie.


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Il en avoit neuf quand il fut mené en Espagne, où Amilcar sonpére passa neuf ans. A oes dix-huit années il faut ajouter les cinq prémiéres du commandement d'Asdrubal

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La prospérité dont jouissoit Asdrubal,Il faitvenir Annibal àl'Armée.Liv. XXI.3. ne lui avoit pas fait oublier les obligations qu'il avoit à son beaupére. Il écrivit à Carthage, où Annibal étoit retourné après la mort d'Amilcar, pour demander qu'on le lui envoyât à l'Armée. Annibal pouvoit avoir* vingt-trois ans. La chose souffrit quelque difficulté. Le Sénat étoit partagé par deux puissantes Factions, qui suivoient des vues tout opposées dans la con duite des affaires de l'Etat. L'une avoit pour Chef Hannon, à qui sa naissance, son mérite, & son zèle pour le bien de l'Etat donnoient une grande autorité dans les délibérations publiques; & elle étoit

* Tite-Live s'est ici trompé, en ne lui donnant que quatorze ans, vixdum puberem. Il en avoit neuf quand il fut mené en Espagne, où Amilcar sonpére passa neuf ans. A oes dix-huit années il faut ajouter les cinq prémiéres du commandement d'Asdrubal; ce qui fait 22 ou 23 ans.

Pre'paratifs e'loigne's. d'avis en toute occasion de préférer une paix sure, & qui conservoit toutes les conquêtes d'Espagne, aux événemens incertains d'une guerre hazardeuse, qu'elle prévoyoit devoir un jour se terminer par la ruïne de la patrie. L'autre Faction, qu'on appelloit la Faction Barcine, parce qu'elle soutenoit les intérêts d'Amilcar sur nommé Barcas & de ceux de sa famille, étoit ouvertement déclarée pour la guerre. Quand il s'agit donc de délibérer dans le Sénat sur la demande d'Asdrubal au sujet du jeune Annibal, la Faction Barcine, qui souhaitoit lui voir remplir la place d'A milcar son pére, appuya de tout son crédit le dessein d'Asdrubal. D'un autre côté Hannon, Chef de la Faction opposée, fit tous ses efforts pour le retenir dans la ville.Il paroit, dit-il alors, que la demande d'Asdrubal est juste; & cependant je ne suis pas d'avis qn'on la lui accorde. Une proposition si bizarre aiant réveillé l'attention de toute l'Assemblée: Asdrubal, continua-t-il, se croyant redevable de toute safortune à A milcar, semble avoir raison, pour lui témoigner sa reconnoissance, de travailler à l'élevation de son fils: mais il ne nous convient pas de préférer des vues particuliéres à l'intérêt public. Craignons-nous qu'un fils d'Amilcar n'imite pas assez-tôt l'ambition tyrannique de sonpére? Craignons-nous d'être trop tard les esclaves du fils, après avoir vule gendre envahir, après la mort de son beaupére, le commandement de nos Armées, comme un bien héréditaire qui luia la II. Guerre Punique.appartenoit par droit de succession? Mon avis est, que nous devons retenir ce jeune homme dans la ville, pour lui donner le tems d'apprendre la soumission & l'obéissance qu'il doit aux Loix & aux Magistrats;de peur que cette légére étincelle n'allume un jour quelque grand incendie. Les plus gens de bien étoient du sentiment d'Hannon: mais, comme il arrive d'ordinaire, le plus grand nombre l'emporta sur la plus saine partie.


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La prospérité dont jouissoit Asdrubal,Il faitvenir Annibal àl'Armée.Liv. XXI.3. ne lui avoit pas fait oublier les obligations qu'il avoit à son beaupére. Il écrivit à Carthage, où Annibal étoit retourné après la mort d'Amilcar, pour demander qu'on le lui envoyât à l'Armée. Annibal pouvoit avoir* vingt-trois ans. La chose souffrit quelque difficulté. Le Sénat étoit partagé par deux puissantes Factions, qui suivoient des vues tout opposées dans la con duite des affaires de l'Etat. L'une avoit pour Chef Hannon, à qui sa naissance, son mérite, & son zèle pour le bien de l'Etat donnoient une grande autorité dans les délibérations publiques; & elle étoit

* Tite-Live s'est ici trompé, en ne lui donnant que quatorze ans, vixdum puberem. Il en avoit neuf quand il fut mené en Espagne, où Amilcar sonpére passa neuf ans. A oes dix-huit années il faut ajouter les cinq prémiéres du commandement d'Asdrubal; ce qui fait 22 ou 23 ans.

Pre'paratifs e'loigne's. d'avis en toute occasion de préférer une paix sure, & qui conservoit toutes les conquêtes d'Espagne, aux événemens incertains d'une guerre hazardeuse, qu'elle prévoyoit devoir un jour se terminer par la ruïne de la patrie. L'autre Faction, qu'on appelloit la Faction Barcine, parce qu'elle soutenoit les intérêts d'Amilcar sur nommé Barcas & de ceux de sa famille, étoit ouvertement déclarée pour la guerre. Quand il s'agit donc de délibérer dans le Sénat sur la demande d'Asdrubal au sujet du jeune Annibal, la Faction Barcine, qui souhaitoit lui voir remplir la place d'A milcar son pére, appuya de tout son crédit le dessein d'Asdrubal. D'un autre côté Hannon, Chef de la Faction opposée, fit tous ses efforts pour le retenir dans la ville.Il paroit, dit-il alors, que la demande d'Asdrubal est juste; & cependant je ne suis pas d'avis qn'on la lui accorde. Une proposition si bizarre aiant réveillé l'attention de toute l'Assemblée: Asdrubal, continua-t-il, se croyant redevable de toute safortune à A milcar, semble avoir raison, pour lui témoigner sa reconnoissance, de travailler à l'élevation de son fils: mais il ne nous convient pas de préférer des vues particuliéres à l'intérêt public. Craignons-nous qu'un fils d'Amilcar n'imite pas assez-tôt l'ambition tyrannique de sonpére? Craignons-nous d'être trop tard les esclaves du fils, après avoir vule gendre envahir, après la mort de son beaupére, le commandement de nos Armées, comme un bien héréditaire qui luia la II. Guerre Punique.appartenoit par droit de succession? Mon avis est, que nous devons retenir ce jeune homme dans la ville, pour lui donner le tems d'apprendre la soumission & l'obéissance qu'il doit aux Loix & aux Magistrats;de peur que cette légére étincelle n'allume un jour quelque grand incendie. Les plus gens de bien étoient du sentiment d'Hannon: mais, comme il arrive d'ordinaire, le plus grand nombre l'emporta sur la plus saine partie.


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se croyant redevable de toute safortune à A milcar, semble avoir raison, pour lui témoigner sa reconnoissance, de travailler à l'élevation de son fils: mais il ne nous convient pas de préférer des vues particuliéres à l'intérêt public. Craignons-nous qu'un fils d'Amilcar n'imite pas assez-tôt l'ambition tyrannique de sonpére? Craignons-nous d'être trop tard les esclaves du fils, après avoir vule gendre envahir, après la mort de son beaupére, le commandement de nos Armées, comme un bien héréditaire qui lui

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(a) Annibal fut donc envoyé en EspaCaractère d'Annibal.Liv.XXI. 4.

(a) Missus Annibal in Hispaniam, primo statim adventu omnem exercitum in se convertit. Amilcarem viventem redditum sibi veteres milites credere: eumdem vigorem in vultu, vimque in oculis, habitum oris, lineamentaque intueri. Deinde brevi effecit, ut pater in se minimum momentum ad favorem conciliandum esset. Nunquam ingenium idem ad res diversissimas, parendum atque imperandum habilius fuit. Itaque haud facilè discerneres, utrum impera tori an exercitui carior esset. Neque Asdrubal alium quemquam præficere malle, ubi quid strenuè ac fortiter agendum esset: neque milites alio duce plus confidere, aut audere. Plurimum audaciæ ad pericula capessenda, plurimum consilii inter ipsa pericula erat. Nullo labore aut corpus fatigari, aut animus vinci poterat. Caloris ac frigoris patientia par: cibi potionisque, desiderio naturali, non voluptate, modus finitus: vigiliarum somnique, nec die nec nocte discriminata tempora; id quod gerendis rebus superesset, quieti datum. Ea neque molli strato, neque silentio arcessita: multi sæpe militari sagulo opertum humi jacentem inter custodias stationesque militum conspexerunt. Vestitus nihil inter æquales excellens: arma atque equi conspiciebantur. Equitum peditumque idem longè primus erat. Princeps in prælium ibat: ultimus conserto prælio excedebat. Has tantas viri virtutes ingentia vitia æquabant: inhumana crudelitas, perfidia plusquàm Punica: nihil veri, nihil sancti, nullus deûm metus, nullum jusjurandum, nulla religio. Cum hac indole virtutum atque vitiorum, triennio sub Asdrubale imperatore meruit; nullâ re, quæ agenda videndaque magno futuro duci esset, prætermissâ. Liv. XXI. 4.

Pre'paratifs e'loigne'sgne: & à cette occasion voici comme Tite-Live trace son portrait. Dès qu'il parut dans l'Armée, il attira sur lui les yeux & la faveur des troupes. Les vieux soldats sur-tout croyoient voir revivre en lui Amilcar leur ancien Général. Ils remarquoient les mêmes traits, la même vigueur martiale dans l'air du visage, la même vivacité dans le regard. Mais bientôt cette ressemblance avec son pére devint le moindre des motifs qui lui gagnérent tous les cœurs. En effet, jamais un même caractére ne fut plus heureusement disposé que le sien à deux choses aussi contraires que le paroissent l'obéissance & le commandement. Aussi eût-il été difficile de décider qui le chérissoit davantage du Général ou des Soldats. S'il s'agissoit d'exécuter quelque entreprise qui deman doit de la vigueur & du courage, Asdru bal le choisissoit préférablement à tout autre: & les troupes n'avoient jamais plus de confiance, que quand elles marchoient sous sa conduite. Personne n'avoit plus de valeur que lui, lorsqu'il faloit s'exposer au péril: personne n'avoit plus de présence d'esprit dans le péril même. Nulle fatigue ne pouvoit domter, ni les forces de a la II. Guerre Punique. son corps, ni la fermeté de son courage. Il supportoit également & le froid, & le chaud. Le plaisir n'avoit aucune part à ses repas, & il régloit le boire & le manger sur la simple nécessité, & sur les be soins de la nature. Il ne connoissoit point la distinction du jour & de la nuit, pour marquer les heures du travail ou du repos. Il donnoit au sommeil le tems qui lui restoit après qu'il avoit terminé ses affaires; & il ne cherchoit, pour l'inviter, ni le silence, ni un lit mollet & délicat. On le trouvoit souvent couché par terre enveloppé dans une casaque de soldat parmi les sentinelles & les corps de garde. Il ne se distinguoit point de ses égaux par la ma gnificence de ses habits, mais par la bonté de ses chevaux & de ses armes. Il étoit en même tems le meilleur homme de pie & le meilleur cavalier de l'Armée. Il alloit toujours le prémier au combat, & n'en revenoit jamais que le dernier. De si grandes qualités se trouvoient jointes en lui à des vices qui n'étoient pas moins grands: une cruauté inhumaine, une perfidie plus que Carthaginoise: nul respect pour la Vérité, ni pour ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes: nulle crain te des Dieux, nul égard pour la sainteté des Sermens, nul sentiment de Religion. Avec ce mêlange de vertus & de vices, il servit trois ans sous Asdrubal, pendant lesquels il s'appliqua avec une attention infinie à voir faire aux plus habiles, & à pra- Pre'paratifs e'loigne's tiquer lui-même dans l'occasion, tout ce qui peut former un grand Capitaine. Nous examinerons dans la suite, si les traits vi cieux, dont Tite-Live a composé une partie du portrait d'Annibal, lui conviennent tous véritablement.


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Messieurs, que je vous ai avertis de ce que vous aviez à craindre de la race d'Amilcar; & que je vous ai conjurés par les Dieux arbitres & témoins des Traités, de ne point confier le commandement de vos troupes à quiconque seroit sorti de cette race odieuse. Les mê nes d'Amilcar ne peuvent demeurer en repos; & tant qu'il restera à Carthage quelqu'un du sang & du nom de Barcas, vous

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qu'ils ne soient inexorables quand ils auront une fois pris les armes pour se venger. Souvenez-vous du Mont Erix, souvenez-vous des Iles Egates. Remettez-vous devant les yeux les maux que vous avez soufferts, & les pertes que vous avez faites pendant vingt-quatre ans par terre & par mer. Et vous n'aviez pas à votre tête un jeune té méraire comme Annibal, mais son pére A milcar lui-même, cet autre Mars comme l'appellent ses partisans. Pourquoi donc avez-vous été vaincus? C'est que les Dieux vouloient venger l'outrage que les Romains avoient reçu de nous en Italie, lorsque contre les Traités nous secourumes Tarente, comme ils vengeront celui que nous leur avons fait en Espagne en assiégeant Sagonte.

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dra soutenir contre les Romains la guerre que nous aurons entreprise contre ceux de Sa gonte. Vous voulez donc qu'on livre Anni bal aux Romains, dira quelqu'un? Je sai bien que l'inimitié qui a toujours été entre son pére & moi peut me rendre suspect, & ôter à mon sentiment une partie de l'autorité qu'il devroit avoir dans la Compagnie. Mais je ne vous dissimulerai pas que je me suis réjoui de la mort d'Amilcar, parce que, s'il eût vécu plus longtems, nous serions déja aux prises avec les Romains. A l'égard de son fils, je le hai & le déteste comme la furie & le flambeau de cette guerre. Et non seulement je suis d'avis que pour expier la rupture du Traité on le livre aux Romains, comme ils le demandent