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Le Prince de Condé avec un petit nombre de Seigneurs de son Parti, suivi de peu de Soldats, soutint & repoussa l'effort de l'Armée Royale. Le Roi regardoit ce combat du haut d'une éminence avec Mazarin. Le Duc d'Orleans, incertain du parti, qu'il devoit prendre, restoit dans son Palais du Luxembourg. Le Cardinal de Retz étoit can- tonné dans son Archevêché. Le Parlement attendoit l'is- suë de la bataille pour donner quelque Arrêt. Le Peuple, qui craignoit alors également, & les Troupes du Roi, & celles de Mr. le Prince, avoit fermé les portes de la Ville, & ne laissoit plus entrer ni sortir personne, pendant que ce 2 Juil. 1652.qu'il y avoit de plus grand en France s'acharnoit au combat, & versoit son sang dans le Fauxbourg. Ce fût-la que le Duc de la Rochefoucault, si illustrepar son courage & par son esprit, reçut un coup au-dessous des yeux, qui lui fit perdre la vuë pour quelque tems. On ne voyoit que jeunes Sei- gneurs tuez, ou blessez, qu'on rapportoit à la porte Saint Antoine, qui ne s'ouvroit point.


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Enfin Mademoiselle, fille de Gaston, prenant le parti de Condé, que son pere n'osa secourir, fit ouvrir les por- tes aux blessez, & eut la hardiesse de faire tirer sur les Troupes du Roi le canon de la Bastille. L'Armée Royale se retira, Condé n'acquit que de la gloire; mais Made- moiselle se perdit pour jamais dans l'esprit du Roi son cousin par cette action violente; & le Cardinal Maza- rin, qui savoit l'extrême envie, qu'avoit Mademoiselle d'epouser une Tête Couronnée, dit alors: Ce canon-là vient de tuer son mari.


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Enfin Mademoiselle, fille de Gaston, prenant le parti de Condé, que son pere n'osa secourir, fit ouvrir les por- tes aux blessez, & eut la hardiesse de faire tirer sur les Troupes du Roi le canon de la Bastille. L'Armée Royale se retira, Condé n'acquit que de la gloire; mais Made- moiselle se perdit pour jamais dans l'esprit du Roi son cousin par cette action violente; & le Cardinal Maza- rin, qui savoit l'extrême envie, qu'avoit Mademoiselle d'epouser une Tête Couronnée, dit alors: Ce canon-là vient de tuer son mari.


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Après le sanglant & inutile combat de St. Antoine, le Roi ne put rentrer dans Paris, & le Prince n'y put de- meurer long-tems. Une émotion populaire, & le meur- tre de plusieurs Citoyens, dont on le crut l'auteur, le rendirent odieux au Peuple. Cependant il avoit encor sa brigue au Parlement. Ce Corps, peu intimidé alors par une Cour errante, & chassée en quelque façon de la Capitale, pressée par les cabales du Duc d'Orleans & du Prince, déclara par un Arrêt le Duc d'Orleans, Lieute-20 Juilles 1652. nant Général du Royaume, & Condé, Généralissime de ses Armées. La Cour irritée, ordonna au Parlement ESSAI SUR LE SIE'CLE de se transferer à Pontoise; quelques Conseillers obéï- rent. On vit ainsi deux Parlemens, qui se contestoient l'un à l'autre leur autorité, qui donnoient des Arrêts contraires, & qui par-là se seroient rendus le mépris du Peuple, s'ils ne s'étoient toujours accordez à deman- der l'expulsion de Mazarin, tant la haine contre ce Mi- nistre sembloit alors le devoir essentiel d'un Français.


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Le Prince de Condé cependant, abandonné en Fran- ce de presque tous ses Partisans, & mal secouru des Espa- gnols, continuoit sur les frontieres de la Champagne une guerre malheureuse. Il restoit encor des Factions dans Bordaux; mais elles furent bien-tôt appaisées.


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Ce calme du Royaume étoit l'effet du bannissement du Cardinal Mazarin; cependant à peine fut-il chassé parMars 1653. le cri général des Français, & par une Déclaration du Roi, que le Roi le fit revenir. Il fut étonné de rentrer dans Paris, tout-puissant & tranquille. Louïs XIV le reçut comme un pere, & le Peuple comme un maître. On lui fit un festin à l'Hôtel de Ville au milieu des accla- * Mémoires de Gourville.ESSAI SUR LE SIE'CLE mations des Citoyens: il jetta de l'argent à la Populace; mais on dit, que dans la joye d'un si heureux changement il marqua du mépris pour notre inconstance. Le Parle- ment, après avoir mis sa tête à prix comme celle d'un voleur public, le complimenta par Députez; & ce même Parlement peu de tems après condamna par contumace le Prince de Condé à perdre la vie; changement ordi- naire dans de pareils tems, & d'autant plus humiliant que 27 Mars 1654.l'on condamnoit par des Arrêts celui dont on avoit si long tems partagé les fautes.


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Ils étoient si puissants, que dans une Guerre qu'ils eurent quelque tems après avec l'Angleterre, ils mirent en mer cent Vaisseaux de ligne, & la Victoire demeura souvent indécise entre Black l'Amiral Anglais, & TrompDE LOUIS XIV. l'Amiral d'Hollande, qui étoient tous deux sur mer ce que les Condés & les Turennes étoient sur Terre. La France n'avoit pas en ce tems dix Vaisseaux de cinquante piéces de canon qu'elle pût mettre en mer; sa Marine s'anéantissoit de jour en jour.


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Louis XIV se trouva donc en 1653 maître absolu d'un Royaume encor ébranlé des secousses qu'il avoit re- çuës; rempli de désordres en tout genre d'administration; mais plein de ressources, n'ayant aucun Allié, excepté la Savoye, pour faire une Guerre offensive; & n'ayant plus d'Ennemis Etrangers que l'Espagne, qui étoit alors en plus mauvais état que la France. Tous les Français qui avoient fait la Guerre Civile étoient soumis hors le Prin- ce de Condé & quelques-uns de ses Partisans, dont un ou deux lui étoient demeurez fidéles par amitié & par gran- deur d'ame, comme le Comte de Coligny, & Boute- ville; & les autres parceque la Cour ne voulut pas les acheter assez chérement.


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Condé, devenu Général des Armées Espagnoles, ne put relever un Parti qu'il avoit affaibli lui-même par la destruction de leur Infanterie aux Journées de Rocroy & de Lens. Il combattoit avec des Troupes nouvelles, dont il n'étoit pas le maître, contre les vieux Régimens Français, qui avoient appris à vaincre sous lui, & qui étoient commandez par Turenne.


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Le sort de Turenne & de Condé fut d'être toûjours Vainqueurs, quand ils combatirent ensemble à la tête des Français, & d'être battus, quand ils commanderent les Espa- gnols. Turenne avoit à peine sauvé les débris de l'Ar- mée d'Espagne à la bataille de Retel, lorsque de Général du Roi de France il s'étoit fait le Lieutenant de Don Este- ran de Gamare.


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Le Prince de Condé eut le même sort devant Arras. L'Archiduc & lui assiégeoient cette Ville. Turenne les ESSAI SUR LE SIECLE25 Août 1654.assiégea dans leur camp, & força leurs lignes; les Trou- pes de l'Archiduc furent mises en fuite. Condé avec deux Régimens de Français & de Lorraine snutint seul les efforts de l'Armée de Turenne, & tandis que l'Archi- duc fuyoit, il battit le Maréchal d'Hoquincourt, il repoussa le Maréchal de la Ferté, & se retira victorieux en cou- vrant la retraite des Espagnols vaincus.


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Le Prince de Condé eut le même sort devant Arras. L'Archiduc & lui assiégeoient cette Ville. Turenne les ESSAI SUR LE SIECLE25 Août 1654.assiégea dans leur camp, & força leurs lignes; les Trou- pes de l'Archiduc furent mises en fuite. Condé avec deux Régimens de Français & de Lorraine snutint seul les efforts de l'Armée de Turenne, & tandis que l'Archi- duc fuyoit, il battit le Maréchal d'Hoquincourt, il repoussa le Maréchal de la Ferté, & se retira victorieux en cou- vrant la retraite des Espagnols vaincus.


58 - /

Il est difficile de dire ce qui fait perdre ou gagner les batailles; mais il est certain que Condé étoit un des Grands- Hommes de Guerre qui eussent jamais paru, & que l'Ar- chiduc & son Conseil ne voulurent rien faire à cette Jour- née de ce que Condé avoit proposé.


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Il est difficile de dire ce qui fait perdre ou gagner les batailles; mais il est certain que Condé étoit un des Grands- Hommes de Guerre qui eussent jamais paru, & que l'Ar- chiduc & son Conseil ne voulurent rien faire à cette Jour- née de ce que Condé avoit proposé.


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Le Ministre Espagnol lui offroit de l'aider à prendre Calais; Mazarin lui proposoit d'assiéger Dunkerque, & de lui remettre cette Ville. Cromwel avoit à choisir en- tre les Clefs de la France, & celles de la Flandre; il fut beaucoup sollicité aussi par Condé; mais il ne voulut point négocier avec un Prince, qui n'avoit plus pour lui que son nom, & qui étoit sans Parti en France, & sans pouvoir chez les Espagnols.