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31 - Discours de la tragedie /

On peut m'objecter que le même Philosophe dit, qu'au regard de la Poësie, on doitpréférer l'impossible croyable au possible incroyable, & conclure de-là, que j'ai peu de raison d'exiger du vraisemblable, par la définition que j'en ai faite, qu'il soit manifestement possible pour être croyable, puisque selon Aristote il y a des choses impossiblesqui sont croyables.


32 - Discours de la tragedie /

Après avoir tâché d'éclaircir ce que c'estque le vraisemblable, il est temps que jehazarde une définition du nécessaire, dontAristote parle tant, & qui seul nous peutautoriser à changer l'histoire, & à nous écarter de la vraisemblance. Je dis doncque le nécessaire, en ce qui regarde la Poësie, n'est autre chose que le besoin du Poëtepour arriver à son but, ou pour y faire arriver ses Acteurs. Cette définition a son fondement sur les diverses acceptions du mot Grec ἀναγκαῖον, qui ne signifie pas toujours ce qui est absolument nécessaire, mais aussi quelquefois ce qui est seulement utile à parvenir à quelque chose.


33 - Discours de la tragedie /

Je ne pense pas que dans la Comédie lePoëte ait cette liberté de presser son action, par la nécessité de la réduire dans l'unité de jour. Aristote veut que toutes les actions qu'il y fait entrer soient vraisemblables, & n'ajoûte point ce mot, ou nécessaires, comme pour la Tragédie. Aussi la différence est assez grande entre les actionsde l'une & celles de l'autre. Celles de laComédie partent de personnes communes,& ne consistent qu'en intrigues d'amour,& en fourberies, qui se développent si aisément en un jour, qu'assez souvent chezPlaute & chez Térence le temps de leurdurée excéde à peine celui de leur représentation. Mais dans la Tragédie les affaires publiques sont mêlées d'ordinaire avec les intérêts particuliers des personnes illustres qu'on y fait paroître: il y entre desbatailles, des prises de villes, de grands périls, des révolutions d'Etats, & tout celava mal-aisément avec la promptitude que la régle nous oblige de donner à ce qui sepasse sur la Scéne.


34 - Discours de la tragedie /

Quand je dis qu'il n'est pas besoin derendre compte de ce que font les Acteurs,pendant qu'ils n'occupent point la Scéne,je n'entens pas dire qu'il ne soit quelquefois fort à propos de le rendre; mais seulement qu'on n'y est pas obligé, & qu'iln'en faut prendre le soin que quand ce quis'est fait derriére le Théatre sert à l'intelligence de ce qui se doit faire devant les spectateurs. Ainsi je ne dis rien de ce qu'afait Cléopatre depuis le second Acte jusqu'au quatriéme, parce que durant toutce temps-là elle a pû ne rien faire d'important pour l'action principale que je prépare; mais je fais connoître dès le prémiervers du cinquiéme, qu'elle a employé toutl'intervalle d'entre ces deux derniers, à tuerSéleucus, parce que cette mort fait une partie de l'action. C'est ce qui me donnelieu de remarquer, que le Poëte n'est pastenu d'exposer à la vûe toutes les actionsparticuliéres qui aménent à la principale. Ildoit choisir celles qui lui sont les plus avan- tageuses à faire voir, soit par la beauté du spectacle, soit par l'éclat & la véhémence des passions qu'elles produisent, soit parquelque autre agrément qui leur soit attaché; & cacher les autres derriére la Scéne, DES TROIS UNITE'S. 563 pour les faire connoître au spectateur, oupar une narration, ou par quelque autre adresse de l'art. Sur-tout il doit se souvenirque les unes & les autres doivent avoir unetelle liaison ensemble, que les derniéres soient produites par celles qui les précédent, & que toutes ayent leur source dansla protase qui doit fermer le prémier Acte.Cette régle que j'ai établie dès le prémierDiscours, bien qu'elle soit nouvelle, & contre l'usage des Anciens, a son fondementsur deux passages d'Aristote. En voici leprémier: Il y a grande difference, dit-il,entre les événemens qui viennent les uns aprèsles autres, & ceux qui viennent les uns àcause des autres. Les Maures viennent dansle Cid après la mort du Comte, & nonpas à cause de la mort du Comte; & lePêcheur vient dans D. Sanche, après qu'on soupçonne Carlos d'être le Prince d'Arragon, & non pas à cause qu'on l'en soupçonne: ainsi tous les deux sont condamnables. Le second passage est encore plus formel, & porte en termes exprès, que toutce qui se passe dans la Tragédie, doit arrivernécessairement ou vraisemblablement de ce qui l'a précédé.


35 - Discours de la tragedie /

Bien que l'action du poëme dramatiquedoive avoir son unité, il y faut considérerdeux parties, le nœud, & le dénouement.Le nœud est composé, selon Aristote, en partie de ce qui s'est passé hors du Théatre avantle commencement de l'action qu'on y décrit, &en partie de ce qui s'y passe; le reste appartientau dénouement. Le changement d'une fortuneDES TROIS UNITE'S. 567en l'autre fait la séparatisn de ces deux parties. Tout ce qui le précéde est de la prémiére, & ce changement avec ce qui le suit, regarde l'autre. Le nœud dépend entiérement du choix& de l'imagination industrieuse du Poëte,& l'on n'y peut donner de régle, sinonqu'il y doit ranger toutes choses selon levraisemblable, ou le nécessaire, dont j'ai parlé dans le second Discours: à quoi j'ajoûte un conseil, de s'embarrasser le moins qu'illui est possible des choses arrivées avant l'action qui se représente. Ces narrations importunent d'ordinaire, parce qu'elles ne sontpas attendues, & qu'elles gênent l'esprit del'Auditeur, qui est obligé de charger sa mémoire de ce qui s'est fait dix ou douze ansauparavant, pour comprendre ce qu'il voitreprésenter: mais celles qui se font des choses qui arrivent & se passent derriére le Théatre, depuis l'action commencée, font toujours un meilleur effet, parce qu'elles sont attendues avec quelque curiosite, & font partie de cette action qui se représente. Unedes raisons qui donne tant d'illustres susfrages à Cinna pour le mettre au - dessus de ceque j'ai fait, c'est qu'il n'y a aucune narration du passé, celle qu'il fait de sa conspiration à Æmilie, étant plutôt un ornement qui chatouille l'esprit des Spectateurs,qu'une instruction nécessaire de particularités qu'ils doivcnt savoir & imprimer dansleur mémoire pour l'intelligence de la suite. 568 TROISIE'ME DISCOURS. Æmilie leur fait assez connoître dans lesdeux prémiéres scénes qu'il conspiroit contre Auguste en sa faveur, & quand Cinnalui diroit tout simplement que les conjuréssont prêts au lendemain, il avanceroit autant pour l'action, que par les cent vers qu'ilemploie à lui rendre compte, & de ce qu'illeur a dit, & de la maniére dont ils l'ontreçû. Il y a des intrigues qui commencentdès la naissance du Héros, comme celle d'Héraclius; mais ces grands efforts d'imagination en demandent un extraordinaire àl'attention du Spectateur, & l'empêchentsouvent de prendre un plaisir entier aux prémiéres représentations, tant elles le fatiguent.


36 - Discours de la tragedie /

Dans le dénouement je trouve deux choses à éviter, le simple changement de volonté, & la machine. Il n'y a pas grandartifice à finir un poëme, quand celui qui afait obstacle au dessein des prémiers Acteurs, durant quatre Actes, en désiste aucinquiéme sans aucun événement notablequi l'y oblige. J'en ai parlé au prémier Discours, & n'y ajoûterai rien ici. La machine n'a pas plus d'adresse, quand elle ne sert qu'à faire descendre un Dieu pour accommoder toutes choses, sur le point que lesActeurs ne savent plus comment les terminer. C'est ainsi qu'Apollon agit dans l'Oreste. Ce Prince & son ami Pylade accusés par Tindare & Ménélas de la mort de DES TROIS UNITE'S. 569 Clytemnestre & condamnés à leur pourfuite, se saisissent d'Héléne & d'Hermione; ils tuent ou croyent tuer la prémiére, & menacent d'en faire autant de l'autre, si on nerévoque l'arrêt prononcé contre eux. Pourappaiser ces troubles, Euripide ne cherchepoint d'autre finesse, que de faire descendre Apollon du Ciel, qui d'autorité absolue ordonne qu'Oreste épouse Hermione, &Pylade Electre; & de peur que la mortd'Héléne n'y servît d'obstacle, n'y ayantpas d'apparence qu'Hermione épousât Oreste qui venoit de tuer sa mére, il leur apprend qu'elle n'est pas morte, & qu'il l'a dérobée à leurs coups, & enlevée au Ciel dans l'instant qu'ils pensoient la tuer. Cette sorte de machine est entiérement hors depropos, n'ayant aucun fondement sur lereste de la piéce, & fait un dénouementvicieux: mais je trouve un peu de rigueur au sentiment d'Aristote, qui met en mêmerang le char dont Médée se sert pour s'enfuir de Corinthe, après la vengeance qu'elle a prise de Créon. Il me semble que c'en est un assez grand fondement, que de l'avoir faite magicienne, & d'en avoir rapporté dans le poëme des actions autant audessus des forces de la nature que celle-là.Après ce qu'elle a fait pour Jason à Colchos, après qu'elle a rajeuni son pére Æsondepuis son retour, après qu'elle a attachédes feux invisibles au présent qu'elle a fait 570 TROISIE'ME DISCOURS. à Créuse; ce char volant n'est point horsde la vraisemblance, & ce poëme n'a pointbesoin d'autre préparation, pour cet effetextraordinaire. Sénéque lui en donne unepar ce vers, que Médée dit à sa nourrice,


37 - Discours de la tragedie /

Ainsi la condamnation d'Euripide, qui nes'y est servi d'aucune précaution, peut être juste, & ne retomber ni sur Sénéque, nisur moi, & je n'ai point besoin de contredire Aristote, pour me justifier sur cet article.


38 - Discours de la tragedie /

De l'action je passe aux Actes, qui endoivent contenir chacun une portion, maisnon pas si égale, qu'on n'en réserve pluspour le dernier que pour les autres, & qu'onn'en puisse moins donner au prémier qu'aux autres. On peut même ne faire autre chose dans ce prémier que peindre les mœursdes personnages, & marquer à quel pointils en sont de l'Histoire qu'on va représenter. Aristote n'en prescrit point le nombre. Horace le borne à cinq, & bien qu'il défende d'y en mettre moins, les Espagnolss'opiniâtrent à l'arrêter à trois, & les Italiens font souvent la même chose. LesGrecs les distinguoient par le chant du chœur,& comme je trouve lieu de croire qu'en quelques - uns de leurs poëmes ils le faisoient chanter plus de quatre fois, je nevoudrois pas répondre qu'ils ne les poussas- DES TROIS UNITE'S. 571 sent jamais au-delà de cinq. Cette maniérede les distinguer étoit plus incommode quela nôtre; car, ou l'on prêtoit attention àce que chantoit le chœur, ou l'on n'y en prêtoit point. Si l'on y en prêtoit, l'esprit de l'Auditeur étoit trop tendu, & n'avoitaucun moment ponr se délasser. Sil'on n'y enprêtoit point, son attention étoit trop dissipéepar la longueur du chant, & lorsqu'un autreActe commençoit, il avoit besoin d'un effortde mémoire pour rappeller en son imagination ce qu'il avoit déja vû, & en quel point l'action étoit demeurée. Nos violons n'ontaucunes de ces incommodités. L'esprit del'Auditeur se relâche durant qu'ils jouent,& réfléchit même sur ce qu'il a vû, pourle louer, ou le blâmer, suivant qu'il lui a plû, ou déplû; & le peu qu'on les laisse jouer lui en laisse les idées si récentes, quequand les Acteurs reviennent, il n'a pointbesoin de se faire effort pour rappeller &renouer son attention.


39 - Discours de la tragedie /

Aristote veut que la Tragédie bien faitesoit belle & capabl de plaire, sans le secoursdes Comédiens, & hors de la représentation. Pour faciliter ce plaisir au Lecteur,il ne faut non plus gêner son esprit, quecelui du Spectateur; parce que l'effort qu'il est obligé de se faire pour la concevoir, & se la représenter lui-même dans son esprit,diminue la satisfaction qu'il en doit recevoir. Ainsi je serois d'avis que le Poëte prîtgrand soin de marquer à la marge les menues actions qui ne méritent pas qu'il en charge ses vers, & qui leur ôteroient même quelque chose de leur dignité, s'il seravaloit à les exprimer. Le Comédien ysupplée aisément sur le Théatre, mais surle livre on seroit assez souvent réduit à deviner, & quelquefois même on pourroit deviner mal, à moins que d'être instruit parlà de ces petites choses. J'avoue que cen'est pas l'usage des Anciens, mais il fautm'avouer aussi, que faute de l'avoir pratiqué ils nous laissent beaucoup d'obscurités dans leurs poëmes, qu'il n'y que les maitres de l'art qui puissent développer; encore ne sai je s'ils en viennent à bout, toutesles fois qu'ils se l'imaginent. Si nous nousassujettissions à suivre entiérement leur méthode, il ne faudroit mettre aucune distinction d'Actes, ni de Scénes, non plus que 574 TROISIE'ME DISCOURS. les Grecs. Ce manque est souvent causeque je ne sai combien il y a d'Actes dansleurs piéces, ni si à la fin d'un Acte un Acteur se retire pour laisser chanter le chœur, ou s'il demeure sans action cependant qu'ilchante; parce que ni eux, ni leurs interprétes, n'ont daigné nous en donner un motd'avis à la marge.


40 - Discours de la tragedie /

Nous avons encore une autre raison particuliére de ne pas négliger ce petit secours,comme ils ont fait. C'est que l'impressionmet nos piéces entre les mains des Comédiens qui courent les provinces, que nousne pouvons vertir que par là de ce qu'ilsont à faire, & qui feroient d'étranges contre-temps, si nous ne leur aidions par cesnotes. Ils se trouveroient bien embarrassés au cinquiéme Acte des piéces qui finissentheureusement, & où nous rassemblons tousles Acteurs sur notre Théatre, ce que nefaisoient pas les Anciens. Ils diroient souvent à l'un ce qui s'adresse à l'autre, principalement quand il faut que le même Acteur parle à trois ou quatre l'un après l'autre. Quand il y a quelque commandementà faire à l'oreille, comme celui de Cléopatre à Laonice pour lui aller querir du poison, il faudroit un A parte pour l'exprimeren vers, si l'on se vouloit passer de ces avis en marge, & l'un me semble beaucoupplus insupportable que les autres, qui nousdonnent le vrai & unique moyen de faire, DES TROIS UNITE'S. 575 suivant le sentiment d'Aristote, que la Tragédie soit aussi belle à la lecture qu'à la représentation, en rendant facile à l'imagination du lecteur tout ce que le Théatre présente à la vûe des Spectateurs.


41 - Discours de la tragedie /

La régle de l'unité de jour a son fondement sur ce mot d'Aristote, que la Tragédie doit renfermer la durée de son action dansun tour du Soleil, ou tâcher de ne le passerpas de beaucoup. Ces paroles donnent lieu àcette dispute fameuse, si elles doivent être entendues d'un jour naturel de vingt-quatreheures, ou d'un jour artificiel de douze.Ce sont deux opinions dont chacune a despartisans considerables; & pour moi je trouve qu'il y a des sujets si mal - aisés à ren- fermer en si peu de temps, que non seulement je leur accorderois les vingt - quatreheures entiéres, mais je me servirois mêmede la licence que donne ce Philosophe deles excéder un peu, & les pousserois sans scrupule jusqu'à trente. Nous avons une maxime en Droit, qu'il faut élargir la faveur,& restreindre les rigueurs, Odia restringenda,favores ampliandi, & je trouve qu'un Auteur est assez gêné par cette contrainte,qui a forcé quelques- uns de nos Anciensd'aller jusqu'à l'impossible. Euripide dansles Suppliantes fait partir Thésée d'Athenes avec une Armée, donner une batailledevant les murs de Thébes, qui en étoientéloignés de douze ou quinze lieues, & re- 576 TROISIE'ME D ISCOURS. venir victorieux en l'Acte suivant; & depuis qu'il est parti, jusqu'à l'arrivée du messager qui vient faire le récit de sa victoire,Æthra & le chœur n'ont que trente - sixvers à dire. C'est assez bien employer untemps si court. Æschyle fait revenir Agamemnon de Troie avec une vitesse encoretoute autre. Il étoit demeuré d'accord avecClytemnestre sa femme, que si-tôt que cette ville seroit prise, il le lui feroit savoirpar des flambeaux disposés de montagne en montagne, dont le second s'allumeroit incontinent à la vûe du prémier, le troisiémeà la vûe du second, & ainsi du reste, &par ce moyen elle devoit apprendre cettegrande nouvelle dès la même nuit. Cepen- dant à peine l'a-t-elle apprise par ces flambeaux allumés, qu'Agamemnon arrive,dont il faut que le navire, quoique battud'une tempête, si j'ai bonne mémoire, ayeété aussi vite que l'œil à découvrir ces lumiéres. Le Cid & Pompée, où les actionssont un peu précipitées, sont bien éloignésde cette licence; & s'ils forcent la vraisemblance commune en quelque chose, du moinsils ne vont point jusqu'à de telles impossi- bilités.


42 - Discours de la tragedie /

Beaucoup déclament contre cette réglequ'ils nomment tyrannique, & auroientraison, si elle n'étoit fondée que sur l'autorité d'Aristote: mais ce qui la doit faireaccepter, c'est la raison naturelle qui lui DES TROIS UNITE'S. 577 sert d'appui. Le poëme dramatique est uneimitation, ou pour en mieux parler, unportrait des actions des hommes; & il esthors de doute que les portraits sont d'autant plus excellens, qu'ils ressemblent mieux à l'original. La représentation dure deuxheures, & ressembleroit parfaitement, sil'action qu'elle représente n'en demandoitpas davantage pour sa réalité. Ainsi ne nousarrêtons point ni aux douze, ni aux vingtquatre heures; mais resserrons l'action du poëme dans la moindre durée qu'il noussera possible, afin que sa représentation ressemble mieux, & soit plus parfaite. Nedonnons, s'il se peut, à l'une que les deuxheures que l'autre remplit; je ne croi pas que Rodogune en demande guére davantage, & peut-être qu'elles suffiroient pourCinna. Si nous ne pouvons la renfermerdans ces deux heures, prenons-en quatre, six, dix; mais ne passons pas de beaucouples vingt-quatre, de peur de tomber dansle déréglement, & de réduire tellement leportrait en petit, qu'il n'aye plus ses dimensions proportionnées, & ne soit qu'imperfection.


43 - Discours de la tragedie /

Quant à l'unité de lieu, je n'en trouveaucun précepte ni dans Aristote, ni dansHorace. C'est ce qui porte quelques-unsà croire que la régle ne s'en est établie qu'en conséquence de l'unité du jour, &à se persuader ensuite qu'on le peut étendre jusques où un homme peut aller &revenir en vingt-quatre heures. Cette opinion est un peu licentieuse, & si l'on fai- soit aller un Acteur en poste, les deuxcôtés du Théatre pourroient représenterParis & Rouen. Je souhaiterois, pourne point gêner du tout le spectateur, quece qu'on fait représenter devant lui en deux heures, & que ce qu'on lui fait voir sur un Théatre qui ne change point, pûts'arrêter dans une chambre, ou dans unesalle, suivant le choix qu'on en auroit fait:mais souvent cela est si mal-aisé, pour nepas dire impossible, qu'il faut de nécessité trouver quelque élargissement pour le lieu,comme pour le temps. Je l'ai fait voirexact dans Horace, dans Polyeucte, &dans Pompée; mais il faut pour cela, oun'introduire qu'une femme comme dans DES TROIS UNITE'S. 583Polyeucte, ou que les deux qu'on introduit ayent tant d'amitié l'une pour l'autre,& des intérêts si conjoints qu'elles puissentêtre toujours ensemble, comme dans l'Horace, ou qu'il leur puisse arriver comme dans Pompée, où l'empressement de la curiosité naturelle fait sortir de leurs apartemens Cléopatre au second Acte, & Cornélie au cinquiéme, pour aller jusques dansla grand-salle du Palais du Roi, au devant des nouvelles qu'elles attendent. Il n'en vapas de même dans Rodogune. Cléopatre& elle ont des intérêts trop divers pourexpliquer leurs plus secrettes pensées enmême lieu. Je pourrois en dire ce que j'ai dit de Cinna, où en général tout sepasse dans Rome, & en particulier moitié dans le cabinet d'Auguste, & moitiéchez Æmilie. Suivant cet ordre le prémier Acte de cette Tragédie seroit dansl'antichambre de Rodogune, le second dansla chambre de Cléopatre, le troisiéme danscelle de Rodogune: mais si le quatriémepeut commencer chez cette Princesse, il n'y peut achever, & ce que Cléopatre ydit à ses deux fils l'un après l'autre, y seroit mal placé. Le cinquiéme a besoind'une salle d'audience, où un grand peu- ple puisse être présent. La même chosese rencontre dans Héraclius. Le prémierActe seroit fort bien dans le cabinet dePhocas, & le second chez Leontine; mais 584 TROISIE'ME DISCOURS. si le troisiéme commence chez Pulchérie,il n'y peut achever; & il est hors d'apparence que Phocas délibére dans l'appartement de cette Princesse de la perte de sonfrére.


44 - Von den Trauerspielen /

Aristoteles

45 - Von den Trauerspielen /

Wir haben Mitleiden, spricht er, mit denen,welche wir ohne ihr Verschulden unglücklichsehen, und wir fürchten uns, daß uns nicht eben das wiederfahre, wenn wir sehen, daß es unsers gleichen wiederfährt. Das Mitleidennimmt also an den Umständen derjenigen Person,die wir leiden sehen, Antheil, und die Furcht, diediesem Mitleiden folgt, geht uns selbst an; folglichgiebt uns diese einzige Stelle Licht genug, die Art zuentdecken, auf welche die Reinigung der Leidenschaftenin dem Trauerspiele geschieht. Das Mitleiden mitdem Unglücke, worein wir einen andern verfallen sehen, läßt uns ein gleiches Unglück für uns befürchten, diese Furcht erwecket in uns die Bemühung ihm zu entgehen, und diese Bemühung treibt uns an, diejenigen Leidenschaften, welche, nach unserm Urtheil, die Person, welche wir bedauern, in ihr Unglück stürzen, zu von den Trauerspielen insbesondere. 213 reinigen, zu mäßigen, zu bessern, ja gar auszurotten. Denn der Schluß ist so natürlich, als unumstößlich, daß wir, wenn wir die Wirkung vermeiden wollen, die Ursache abschneiden müssen. Diese Erklärung wirddenen nicht gefallen, die sich genau an die Commentatores dieses Weltweisen halten. Sie martern sich überdie Stelle, und sind in ihren Meynungen so wenig einig, daß Paul Beni deren zwölf bis funfzehn verschiedne zählt, die er alle erst widerlegt, ehe er unsseine entdeckt. In den Gründen kömmt sie mit derunsrigen überein, darinne aber ist sie unterschieden, daßsie die Wirkung nur auf die Könige und Fürsten einschränkt, vielleicht deswegen, weil uns das Trauerspiel nur solche Uebel befürchten läßt, die unsers gleichenwiederfahren, weil sie nur Königen und Fürsten wiederfahren, so könne die Furcht auch keinen Eindruck als nur in Königen und Fürsten machen. Allein er hat ohne Zweifel das Wort: unsers gleichen; in allzuengem Verstande genommen, und hat nicht überlegt, daß in Athen keine Könige waren, wo doch die Gedichte vorgestellt wurden, aus welchen Aristoteles seine Regeln gezogen hat. Dieser Philosoph hat wohl schwerlich den Gedanken gehabt, den man ihm zuschreibt, weil er sonst nimmermehr etwas in die Erklärung der Tragödie würde gebracht haben, das seineWirkung so wenigmal äußert, und dessen Nutzen aufso wenig Personen eingeschränkt ist. Es ist zwar wahr,daß man meistentheils nichts als Könige zu den vornehmsten Personen des Trauerspiels nimmt, und daß die Zuschauer keinen Zepter haben, der sie ihnen gleich macht, damit sie gleichfalls das Unglück befürchten könnten, das ihnen begegnet: aber diese Könige 214 II. P. Corneille zweyte Abhandlung, sind doch Menschen wie ihre Zuschauer, und verfallen durch die Vergehungen solcher Leidenschaften in ihr Unglück, deren die Zuschauer gleichfalls fähig sind. Sie geben so gar einen Schluß vom Größern auf das Geringere ab, und der Zuschauer kann ganz leichte begreifen, daß, wenn ein König, weil er allzusehr dem Ehrgeize, der Liebe, dem Hasse, der Rache nachhängt, in ein so groß Unglück verfällt, daß er Mitleiden mit ihm hat, so müsse er, als ein Mensch vongeringerm Stande, noch vielmehr seine Leidenschaftenim Zügel halten, wenn sie ihn nicht in ein gleiches Unglück stürzen sollen. Uebrigens ist es keine Nothwendigkeit, daß man nur das Unglück der Könige auf denSchauplatz bringen müsse. Auch das Unglück andrerLeute, wenn es in die Augen fallend und besonders genug ist, und wenn es in den Geschichtbüchern selbst ist aufgezeichnet worden, findet daselbst seinen Platz. Scedasus war nichts, als ein gemeiner Bauer inLeuctra, gleichwohl glaube ich, daß seine Geschichteauf den Schauplatz geführet zu werden verdiene, wennes nur die Reinigkeit unsrer Bühne vergönnte, vonder seinen beyden Töchtern angethanen Gewalt zu reden, da selbst die Gedanke einer Schändung in der Person einer Heiligen, die dafür beschützet würde, den Zuhörern unerträglich war.